La perpétuelle mutation du monde s’est considérablement accélérée ces dernières décennies. Déjà, la Révolution industrielle avec ses nouvelles sources d’énergie, ses machines et l’automatisation avait considérablement accéléré les cycles humains de production et de consommation des ressources par rapport aux cycles de renouvellement de la nature. Avant cette révolution, les innovations étaient souvent incrémentales et lentes. Plus récemment, la révolution informatique a introduit des ruptures technologiques majeures, qui ont transformé radicalement les modes de production et les sociétés. Les TI ont considérable accéléré la boucle de rétroaction entre sciences,
technologies et industries.
Passant d’une évolution linéaire et lente à des sauts technologiques qui marquent de véritables ruptures, appelées à juste titre « disruptives », le monde moderne, avec ses crises géopolitiques, climatiques et sociales, est marqué par l’incertitude. Pour naviguer dans cet environnement difficile à lire, les entreprises doivent non seulement comprendre les dynamiques en jeu, mais aussi prévoir les transformations nécessaires pour rester pertinentes et compétitives.
Des témoignages et expertises de décideurs
Dans « Défis », son recueil d’analyses publié récemment, IBM propose une combinaison d’analyse de ses experts ainsi que des retours d’expérience pour tracer les perspectives stratégiques fondées sur l’expertise et les expériences de dirigeants, de consultants et de décideurs issus de grandes entreprises et organisations. « Dans cette nouvelle édition de Défis, écrivent les rédacteurs, des dirigeants de grands groupes internationaux nous livrent leurs témoignages et leurs actions concrètes pour entreprendre ces changements et embarquer leurs collaborateurs. »Pour les experts d’IBM, investir le futur ne consiste pas seulement à s’adapter aux changements, mais à les anticiper et à les façonner, en tirant parti des avancées comme l’intelligence artificielle, en cultivant la résilience organisationnelle et en exploitant la richesse des écosystèmes collaboratifs. « Cette approche systémique, qui combine technologie, stratégie et humanité, est aujourd’hui essentielle pour garantir la pérennité des entreprises dans un environnement de plus en plus incertain et complexe »,
écrivent-ils.
L’IA joue un rôle central
Les conclusions de l’étude montrent que l’intelligence artificielle joue un rôle central dans ces transformations. Perçue comme un catalyseur d’innovation et un outil clé pour optimiser les processus, elle redéfinit les modèles d’affaires tout en permettant une meilleure gestion des opérations. Ainsi, 62 % des PDG interrogés déclarent qu’ils devront repenser leurs stratégies pour construire un avenir durable, tandis que 85 % d’entre eux estiment que l’IA générative interagira directement avec les clients dans les deux prochaines années. « Les CEO aujourd’hui ont de plus en plus pour objectif de devenir des software companies, c’est-à-dire d’utiliser le digital comme outil de transformation des organisations, des process et des business models. »Des exemples concrets montrent comment les entreprises intègrent ces technologies. BNP Paribas, par exemple, utilise l’IA pour automatiser le traitement des demandes de prêts immobiliers, réduisant les délais de dix jours à seulement quarante-huit heures, tandis qu’Orange mise sur des moteurs d’intelligence artificielle pour personnaliser les recommandations commerciales, augmentant à la fois la satisfaction client
et le chiffre d’affaires.
Écosystèmes et mutualisation des ressources
Par ailleurs, l’étude montre que les entreprises cherchent à tirer parti des écosystèmes numériques pour renforcer leur résilience et leur capacité d’innovation. « Si l’on arrive à s’intégrer à la croisée de différents écosystèmes, à avoir accès aux bons talents, et à faire des paris dont on sait au début que certains ne réussiront pas, on se met en position de capter la rupture quand elle arrivera », affirment les rédacteurs.Cela implique non seulement une mutualisation des ressources, mais aussi une intégration des technologies avancées dans un cadre collaboratif. Cette dynamique est particulièrement importante dans des secteurs où les normes réglementaires strictes, notamment en matière de cybersécurité et de gestion des données, imposent des standards élevés.
Les défis environnementaux et économiques incitent également les entreprises à repenser leurs modèles industriels. Par exemple, Arkema a transformé son empreinte industrielle pour s’aligner sur les objectifs de durabilité, tout en renforçant ses capacités à répondre aux exigences réglementaires sur le carbone. De même, la résilience organisationnelle devient un facteur clé de différenciation, permettant aux entreprises de s’adapter rapidement aux perturbations du marché.
Gouvernance, un changement de paradigme s’impose
Une autre tendance majeure est la formation et l’acculturation des collaborateurs aux outils numériques, notamment à l’IA générative. Chez Dassault Aviation, des programmes de formation ont été lancés pour maximiser l’utilisation de ces technologies tout en respectant les cadres éthiques. Cette approche permet de renforcer les compétences internes et de mieux répondre aux exigences croissantes en matière de qualité et de sécurité des données. « Nous projetons la mise en place d’un gestionnaire de référentiels de données au cœur de notre système d’information […]. Cela contribue à augmenter la pertinence de la donnée pour qu’elle puisse être utilisée à bon escient », affirme Laurent Bendavid, CDO chez Dassault Aviation.Enfin, ces transformations s’accompagnent d’un changement de paradigme dans les modes de gouvernance et de prise de décision. L’adoption des méthodologies agiles par des entreprises comme Orange a permis de réduire les cycles de développement de projets. « Avant le mode agile, nous étions sur des cycles de 18 mois entre le lancement d’un projet digital et sa mise en œuvre auprès des clients. Aujourd’hui, nous en sommes à 4 mois et demi », indique Anne-Laure Commault Tingry, chief digital et omnichannel officer
chez Orange France.
Une capacité d’adaptation constante est nécessaire
Cette approche favorise une innovation rapide et une meilleure allocation des ressources, tout en cultivant une culture de la mesure et de la valeur. Les gains sont multiples : une plus grande autonomie des équipes, une amélioration de la satisfaction client, et un alignement renforcé entre les objectifs stratégiques et opérationnels.Ainsi, les entreprises évoluent dans un environnement où l’innovation technologique, la collaboration et la durabilité ne sont plus des options, mais des impératifs. Les chiffres et les exemples analysés montrent que les entreprises qui parviennent à intégrer ces dimensions dans leur stratégie réussissent non seulement à surmonter les défis actuels, mais aussi à se positionner dans un monde en mutation rapide. Pour autant, « ce succès repose sur une capacité d’adaptation constante, un pilotage rigoureux des initiatives par la valeur et une anticipation des besoins futurs », concluent les rédacteurs du rapport.