Depuis le lancement des premières intégrations IA dans les outils bureautiques ou les plateformes de gestion documentaire, l’un des leviers les plus attendus de l’IA concerne l’automatisation des interactions web : navigation, saisie de formulaires, extraction d’informations, transcription de tâches dans les logiciels internes. Anthropic et Perplexity, deux acteurs issus de l’écosystème californien de l’intelligence artificielle, convergent sur cette ambition. Mais alors que Claude for Chrome s’en tient à une extension expérimentale encapsulée dans le navigateur Google Chrome, Comet propose un environnement complet dans lequel l’agent agit nativement, sans cloisonnement fonctionnel.
Cette distinction n’est pas purement technique. Elle traduit un positionnement stratégique sur la chaîne de valeur. Anthropic reste focalisé sur le développement d’un agent modulaire, capable d’être embarqué dans différents environnements selon les exigences des clients finaux. Perplexity, au contraire, cherche à intégrer toute la filière : navigateur, moteur de réponse, mémoire contextuelle, interface de dialogue. En contrôlant l’environnement hôte, l’éditeur de Claude peut optimiser la latence, l’accès aux données, et la persistance des requêtes dans une logique de « graphe de connaissances personnel ». Ce choix a un coût : la distribution repose sur l’adoption d’un nouveau navigateur, ce qui suppose une rupture d’usage. L’extension, en revanche, s’insère dans des pratiques déjà établies.
Encapsulation, souveraineté et exposition aux risques
Le modèle d’Anthropic, fondé sur une extension isolée et volontairement bridée, pour le moment, entend répondre aux attentes des directions informatiques en matière de sécurité. En cloisonnant l’agent dans un espace contrôlé, sans accès global au système ou aux autres onglets, il devient plus facile d’en surveiller les actions et de limiter les dérives potentielles. Cette approche réduit considérablement la surface d’attaque, en particulier face aux menaces d’injection de consignes dans les pages visitées. Elle facilite également la traçabilité des interactions et la mise en conformité avec les politiques internes des entreprises. À ce titre, elle s’inscrit dans une logique proche des standards européens : minimisation des privilèges, journalisation, séparation des contextes métier et personnel.À l’inverse, l’approche de Perplexity par navigateur complet soulève des questions de gouvernance plus complexes. L’agent peut accéder à des services tiers (courriel, stockage, agenda) et agréger de multiples flux dans une mémoire contextuelle enrichie. Si ces capacités apportent une grande puissance fonctionnelle, elles rendent aussi plus délicat le contrôle des données traitées, la délimitation des responsabilités en cas d’erreur, ou la prévention des accès non autorisés. Cette configuration implique une confiance forte dans le fournisseur, notamment sur la transparence algorithmique, la réversibilité des données, et l’articulation avec les référentiels de sécurité (RGPD, NIS2, directives sectorielles).
Trois scénarios d’usages pour les métiers de l’information
Dans un contexte professionnel, les cas d’usage des agents de navigation sont appelés à se multiplier. Le premier scénario est celui de l’assistance documentaire : résumer un article, compléter un rapport, retrouver un passage dans un long texte réglementaire, extraire des données d’un portail administratif. Ce besoin est transversal, peu sensible, et compatible avec l’approche d’Anthropic. Le second scénario concerne l’automatisation des tâches répétitives : saisie de notes de frais, validation de courriels, interactions avec les outils RH ou CRM.Ici, le modèle intégré de Perplexity peut prendre l’avantage, à condition de garantir une interopérabilité robuste avec les plateformes internes. Enfin, un troisième scénario plus ambitieux émerge : celui du copilote personnel, capable d’orchestrer la semaine de travail, de rappeler les priorités, d’interagir avec d’autres agents métier. Ce cas suppose une persistance contextuelle, une mémoire enrichie, et une personnalisation poussée — autant de dimensions que Perplexity cherche à capter avec Comet, mais qui posent encore des défis techniques et réglementaires majeurs.