Les agents IA deviennent des intermédiaires commerciaux à part entière, capables de capter l’intention en amont, de négocier, de payer et de recommander. OpenAI, Visa, Google ou Shopify restructurent déjà l’infrastructure du commerce numérique pour accueillir ce nouvel acteur transactionnel. Une transformation rapide, qui rebat les cartes de l’influence, du marketing et de la confiance.

En intégrant directement des fonctions transactionnelles dans ChatGPT, OpenAI franchit une étape décisive. L’agent conversationnel ne se limite plus à la recommandation, il devient une interface d’achat complète, capable de négocier, de sélectionner, de payer, et de suivre la livraison. Selon McKinsey, cette bascule vers le « commerce agentique » pourrait représenter jusqu’à 5 000 milliards de dollars à l’horizon 2030. Les premières implémentations comme « Operator », ou le protocole Agentic Commerce développé avec Stripe, préfigurent une nouvelle logique de consommation, où l’intention exprimée en langage naturel est traduite en action transactionnelle automatisée.

Par rapport aux habitude numériques, la paradigme change drastiquement, car le consommateur ne navigue plus, il délègue. L’agent IA agit comme stratège, acheteur et négociateur. Le commerce n’est plus linéaire ni vertical. Il devient un flux contextuel, intégré à la vie numérique quotidienne. Ce changement de logique bouleverse les repères établis : référencement, publicité, tunnel de conversion, fidélisation… tous les leviers doivent être repensés pour s’adresser aux agents autant qu’aux humains.

Un écosystème en structuration

L’industrialisation du commerce agentique repose sur l’émergence de nouveaux protocoles d’interopérabilité et d’exécution : Model Context Protocol (MCP) pour partager le contexte entre agents, Agent-to-Agent Protocol (A2A) pour permettre des interactions entre agents autonomes, Agent Payments Protocol (AP2) pour gérer les transactions sécurisées, et Agentic Commerce Protocol (ACP) pour orchestrer la chaîne complète de la découverte à la livraison. Ces standards sont aujourd’hui promus par les grands acteurs du secteur : OpenAI, Anthropic, Google, Stripe, Visa, Shopify…

À cela s’ajoutent des interfaces techniques comme le « computer use agent » capable de manipuler des sites web à la souris en l’absence d’API, ou encore des systèmes de personnalisation contextuelle évoluant en temps réel selon les préférences utilisateur. Ces briques permettent aux agents IA de composer des parcours clients dynamiques, adaptatifs, et de gérer la complexité transactionnelle sans supervision humaine directe. L’agent devient ainsi une infrastructure logicielle à part entière, connectée à des flux de données, des catalogues produits et des passerelles de paiement.

La désintermédiation rebat les cartes du marketing

Dans ce nouveau paradigme, les marques perdent le contact direct avec l’utilisateur final. L’agent IA devient le premier point d’interaction. Les stratégies d’acquisition traditionnelles – SEO, publicité display, campagnes sociales – voient leur efficacité diminuer au profit de mécanismes plus profonds : visibilité sémantique, compatibilité avec les agents, négociabilité dynamique, présence au moment de l’intention. McKinsey évoque la fin du tunnel de conversion, remplacé par un flux d’intentions interprétées, où le produit le mieux adapté émerge selon un arbitrage algorithmique complexe.

Pour s’adapter, les entreprises doivent rendre leurs offres lisibles par les agents, structurer leurs données, exposer leurs services via des API ouvertes, et créer de nouveaux modèles d’engagement : fidélité automatisée, négociation à valeur ajoutée, conciergeries intelligentes. Les revenus ne viendront plus des clics, mais de la découvrabilité, de la confiance algorithmique et de la capacité à entrer dans la logique de décision de l’agent. La logique du « top of mind » devient « top of model ».

Des modèles économiques pour un commerce orienté agents

Les plateformes explorent déjà de nouvelles formes de monétisation adaptées à ce contexte. OpenAI teste la publicité produit dans ChatGPT. Visa propose des cartes « AI ready » avec authentification déléguée. Des startups comme Skyfire ou BuildShip introduisent des standards d’identification des agents (KYAPay). D’autres inventent des frais d’interopérabilité entre agents, des commissions pour les suggestions sponsorisées, ou des abonnements premium à des agents verticaux (mode, voyage, ameublement…).

Cette économie du micro-choix automatisé oblige les commerçants à inventer des modèles mixtes intégrant le partage de revenus entre marques, des frais de coordination, des données comportementales valorisées, des services intégrés dès la détection d’un besoin. La donnée d’intention, captée très en amont, devient une ressource stratégique. Les entreprises capables de les détecter au bon moment, avant même la formulation consciente d’un besoin, capteront la valeur.

Un écosystème aux fondations encore fragiles

Mais cette transformation rapide génère aussi ses risques, comme l'opacité des décisions automatisées, la responsabilité floue en cas d’erreur, la manipulation algorithmique, les biais implicites, la souveraineté des données… Le rapport McKinsey souligne l’importance de construire un écosystème de confiance, avec des normes d’explicabilité, des garanties d’auditabilité, et des garde-fous techniques. L’adoption massive ne se fera qu’à condition que les agents IA soient perçus comme sûrs, compréhensibles, et alignés sur les préférences de leurs utilisateurs.

La structuration de l’écosystème doit ainsi intégrer des couches de gouvernance distribuée, de consentement granulaire, de contrôlabilité contextuelle. Il ne s’agit pas seulement d’optimiser des parcours, mais de fonder un nouveau contrat de confiance numérique entre entreprises, plateformes, utilisateurs… et leurs agents délégués. Dans cette perspective, les initiatives d’OpenAI autour de l’ACP, mais aussi le modèle "OpenAI for Countries", peuvent être interprétées comme des tentatives d’encadrement territorial de cette nouvelle économie transactionnelle pilotée par les IA.

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