La série d’annonces faites durant cet événement est caractéristique de la nouvelle bataille des piles technologiques de l’IA. La démarche d’IBM s’inscrit dans une dynamique plus large : celle d’une recomposition rapide des chaînes de valeur technologiques autour de l’IA générative, depuis les couches infrastructurelles (puces, serveurs, cloud) jusqu’aux couches applicatives et métiers, à travers des plateformes d’agents, des intégrations logicielles et des interfaces adaptatives.
Se positionner en guiche unique de l’IA
Dans cette ruée vers l’industrialisation, les grands fournisseurs, hyperscalers en tête, cherchent à consolider une offre complète, un écosystème verticalisé et intégré, combinant l’infrastructure GPU, des modèles d’IA, des outils de productivité et des services cloud. L’objectif est de se positionner comme guichet unique de l’IA en entreprise, en maîtrisant l’ensemble de la chaîne — données, infrastructure, automatisation, gouvernance et interfaces. IBM entend se différencier sur ce terrain par une approche orientée vers une gouvernance fine, l’ouverture technologique et l’alignement métier, tout en misant sur sa capacité à intégrer verticalement les technologies, les services et l’expertise sectorielle.Dans son allocution d’ouverture, le message d’Arvind Krishna, président-directeur général d’IBM, est explicite : l’ère de l’expérimentation touche à sa fin. L’heure est à l’opérationnalisation à grande échelle. IBM annonce à ce titre des résultats chiffrés ambitieux, comme un retour sur investissement de 176 % sur trois ans grâce à l’automatisation de l’intégration cloud hybride, ou encore une capacité de traitement atteignant 450 milliards d’inférences par jour sur la nouvelle plateforme LinuxONE 5. D’après la dernière étude « IBM CEO Study », les dirigeants anticipent un doublement des investissements en IA d’ici deux ans. Pourtant, seuls 25 % des projets atteignent actuellement les retours espérés. IBM veut répondre à ce paradoxe avec un socle technologique cohérent, gouverné, modulaire et conçu pour les environnements hybrides.
Les agents d’IA au cœur de l’automatisation des métiers
L’annonce majeure de Think 2025 concerne Watsonx Orchestrate, qui intègre désormais un catalogue de plus de 150 agents IA préconfigurés couvrant les fonctions clés de l’entreprise comme les ressources humaines, les ventes ou les achats. Ces agents, interopérables avec plus de 80 applications d’entreprise majeures telles que Salesforce, SAP, ServiceNow ou Workday, peuvent être déployés en quelques minutes.IBM fait ici le pari d’une intelligence artificielle agissante, capable de prendre en charge des processus métiers complexes, de coordonner plusieurs actions logicielles et de s’intégrer à des environnements hétérogènes. Au-delà du concept d’agent, IBM mise également sur des capacités avancées d’orchestration, d’observabilité, de gouvernance et de gestion du cycle de vie, plaçant l’entreprise dans la mouvance des architectures dites « agentiques », tout en répondant aux exigences de conformité et de pilotage.
IBM introduit également webMethods Hybrid Integration, une solution pensée pour fluidifier les architectures IT complexes. Celle-ci permet de gérer les intégrations entre applications, API, événements ou transferts de fichiers, dans une logique hybride pensée pour la mise à l’échelle. Cette plateforme complète le portefeuille d’automatisation d’IBM, qui comprend aussi les outils Red Hat, HashiCorp, Concert ou Turbonomic, dans une logique d’automatisation intelligente et de pilotage unifié des environnements distribués.
Extraire la valeur des données non structurées
Dans le domaine de la donnée, IBM fait évoluer Watsonx.data pour permettre l’exploitation fine des données non structurées, trop souvent inaccessibles ou sous-utilisées dans les projets IA. En y intégrant des capacités de structuration, de lignage, de gouvernance et d’orchestration des formats multiples, IBM entend faire de Watsonx.data un point d’accès stratégique entre les agents IA et les silos documentaires des entreprises. L’entreprise annonce un gain de précision de 40 % par rapport aux systèmes RAG classiques.L’acquisition récente de DataStax permet en outre de renforcer les capacités de recherche vectorielle dans cet écosystème. En parallèle, l’intégration de Watsonx comme fournisseur d’API dans la pile Llama de Meta témoigne de la volonté d’IBM d’ancrer son approche dans une dynamique ouverte, interopérable et modulaire.
Côté infrastructure, IBM dévoile LinuxONE 5, la cinquième génération de la gamme de serveurs LinuxONE, une plateforme Linux sécurisée et évolutive, adaptée aux charges de travail critiques, aux environnements hybrides et aux applications d’intelligence artificielle. Mue par le processeur IBM Tellum II, la plateforme intègre des fonctionnalités de sécurité avancées, notamment le chiffrement post-quantique conforme aux normes du NIST, le calcul confidentiel et des modules matériels de sécurité avancée.
Elle peut exécuter jusqu’à 450 milliards d’opérations d’inférence par jour et permettrait, selon IBM, de réduire de 44 % le coût total de possession sur cinq ans comparé à une architecture x86 équivalente. Ce positionnement vise les secteurs réglementés comme la finance, la santé ou les administrations, à la recherche d’alternatives sécurisées et résilientes aux architectures cloud dominantes.
Une stratégie d’alignement entre IT, métier et IA
L’ensemble de ces annonces s’inscrit dans une stratégie de convergence produits-services articulée autour d’un objectif de rentabilité mesurable. IBM publie à cette occasion un guide intitulé « IT Optimization: Get AI Ready from the Ground Up », qui identifie plusieurs leviers essentiels pour réussir l’industrialisation de l’IA : l’optimisation des coûts en capitalisant sur l’existant, l’architecture hybride conçue intentionnellement, les modèles de consommation flexibles et l’alignement stratégique entre IT et métier. IBM s’appuie également sur IBM Consulting pour accompagner ses clients dans l’identification des cas d’usage, la conception d’architectures souveraines et la gouvernance du cycle de vie des projets d'IA.Face à la montée en puissance d’écosystèmes « hyperscalés » centralisés, IBM revendique une approche fondée sur la modularité, la gouvernance, l’ouverture technologique et la souveraineté des données. À travers Think 2025, l’entreprise réaffirme sa capacité à composer une pile technologique cohérente, depuis les agents IA jusqu’aux infrastructures matérielles, dans une logique d’optimisation continue. Son ambition : fournir aux DSI les briques d’une IA agissante, maîtrisée, frugale et industrialisable, au service de la performance et de la transformation des métiers.