Grant Thorntonet le Master CARF de l’Université Paris-Dauphine dressent un état des lieux sur la place de l’IA dans les pratiques d’audit. Cette technologie permet d’améliorer la productivité des missions et pousse à passer d’un audit périodique à des audits en continu. Mais la pratique reste encore trèspeu répandue.
L’IA n’est pas en passe de remplacer l’auditeur, mais elle va « l’augmenter », en apportant plus de valeur ajoutée à ses travaux. Un constat rassurant selon cette étude menée au cours de l’année 2021 auprès de 120 auditeurs et au sein d’entreprises cotées et non cotées.
Selon l’enquête, près de 60 % des auditeurs utilisent au moins l’un des outils liés à l’IA tandis que 13 % n’en ont jamais utilisé. Toutefois, le taux d’utilisation est inversement proportionnel au niveau de complexité de l’IA embarquée.
Parmi les bénéfices perçus des technologies liées à l’IA, les auditeurs soulignent une meilleure fiabilité des travaux et des conclusions (84 %), le développement de l’audit en continu (78 %) et enfin la possibilité d’augmenter le périmètre des travaux pouvant être réalisés à distance (65 %).
Les avis, en revanche, sont partagés quant à l’assistance que peut apporter l’IA à la rédaction des rapports d’audit. Seuls les auditeurs externes semblent y voir assez logiquement une opportunité. Cela s’explique sans doute par le caractère plus normé des restitutions liées au commissariat aux comptes.
S’ils sont environ 50 % à s’appuyer sur des outils d’analyse des données, ils ne sont plus que 3 % à utiliser fréquemment ou très fréquemment des robots, ou encore 11 % à utiliser des technologies de machine learning et 13 % à utiliser des outils de reconnaissance visuelle.
Même si cet usage est peu répandu, il ne devrait pas progresser au point de remplacer des auditeurs. Les répondants à cette enquête plébiscitent en effet les qualités d’analyse de données de l’IA (89 % des avis) lorsqu’elle est combinée à une séniorité accrue (50 %) dans les pratiques d’audit à venir.
Le développement et l’utilisation des outils liés à l’IA dans l’audit semblent impactés par différents freins. La majorité (63 %) des répondants citent des blocages d’ordre financier et technique.
La perception du coût de ces développements est également à mettre en perspective avec les résultats attendus. La fonction d’audit, à l’instar de nombreuses fonctions dans l’entreprise, s’outille et devient plus consommatrice en capital et nécessite des investissements réguliers dans une perspective à long terme.
L’utilisation progressive de l’IA dans les missions et l’augmentation des retours d’expérience positifs permettront à terme de réduire le coût relatif de ces investissements. En ce qui concerne l’audit externe, la situation est sensiblement différente.
En effet, tous les grands acteurs de l’audit intègrent l’évolution technologique dans leurs processus d’audit. De nombreux outils leur permettent aujourd’hui d’automatiser des contrôles, des rapprochements et de piloter notamment les mandats internationaux.
« Les démarches évoluent pour prendre en compte ces nouvelles technologies : les compétences doivent ainsi s’adapter sur le plan académique pour comprendre la technologie, optimiser son utilisation et réussir à s’affranchir du recours systématique à des experts tels que les Data Scientists », souligne Gwenaëlle Nogatchewsky, Professeure des universités, Directrice du Master CARF et Béatrice Bon-Michel, Professeure associée, Université Paris Dauphine-PSL.
Pour Nicolas Gasnier-Duparc, Associé de Grant Thornton, Responsable des activités d’audit interne Business Risk Services, « l’IA introduit un changement de paradigme pour les auditeurs. Ils doivent faire évoluer leur approche d’audit et intégrer l’IA dans le périmètre de celle-ci ».
L’IA est donc loin de réduire le rôle de l’auditeur, dont les qualités d’analyste seront essentielles pour savoir exploiter et traduire les résultats issus des outils. Bien au contraire, elle permettra de « l’augmenter », avec une gestion des tâches plus efficiente et un jugement affiné.