L’histoire de l’informatique est parsemée de « sauts quantiques » dus à des technologies de rupture, mais jamais une technologie ou un produit fini n’ont connu une démocratisation aussi soudaine et rapide que ChatGPT, modifiant radicalement le rapport au travail, à l’accès à l’information et à sa production, à la conception artistique… en bref à la production intellectuelle des humains. Même la révolution Internet et celle des téléphones mobiles ont pris des années avant d’atteindre le taux d’usage atteint par ChatGPT en quelques semaines. D’après Reuters, qui reprend une étude d’UBS, le chatbot d’OpenAI aurait atteint 100 millions d’utilisateurs actifs mensuels en janvier, deux mois seulement après son lancement, ce qui en fait l’application grand public à la croissance la plus rapide de l’histoire.
Un électrochoc qui a débloqué les esprits, semble-t-il. Dans la foulée, les grandes manœuvres des géants de la tech ont commencé, ou du moins les intentions se sont subitement révélées. Microsoft a racheté OpenAI et annoncé l’intégration de ChatGPT dans sa version GPT4 dans son moteur de recherche Bing (actuellement disponible sur la version mobile d'Edge) et sa suite Microsoft Office. L’éditeur l’a également intégré dans son offre Azure OpenAI Service. L’algorithme permettra aux clients d’appliquer des modèles de codage et de langage à divers cas d’utilisation, tels que l’aide à la rédaction, la génération de code et le raisonnement sur les données.
De son côté, Google a annoncé l’intégration de Bard, son IA alimentée par LaMDA (Language Model for Dialogue Applications), sa technologie de modèle de langage, à son moteur de recherche. Dernièrement, AWS vient d’étendre son partenariat avec Hugging Face, la plateforme d’IA du moment. Hugging Face a développé une gamme de produits et services, y compris le Hugging Face Hub, une plateforme pour le partage et la collaboration sur les modèles NLP et les ensembles de données, ainsi que Hugging Face Spaces, un outil pour la construction et le déploiement de modèles d’apprentissage automatique dans le cloud.
« Les cinq prochaines années représenteront une période cruciale »
De fait, le marché de l’IA est sur une courbe ascendante, malgré les vents contraires et les perspectives plutôt moroses des prochains mois. Car même si le ralentissement de la demande en 2022 oblige les grands du numérique à réduire la voilure en annonçant des milliers de licenciements, les investissements dans l’IA ne devraient pas en pâtir. Dans son dernier Tracker dédié au marché de l’IA, IDC estime que ce marché, incluant les logiciels, le matériel et les services, affichera un taux de croissance annuel composé (TCAC) de 25,5 % sur la période 2022-2026 pour atteindre 191 milliards de dollars en 2026.« Les cinq prochaines années représenteront une période cruciale dans l’adoption commerciale des logiciels d’IA, car de nombreuses entreprises et administrations investissent désormais davantage pour rendre leurs processus plus agiles, plus efficaces et plus résilients, a déclaré Martin Nuska, directeur de recherche senior chez IDC. De nombreux modèles d’IA innovants, tels que les modèles de langage basés sur l’apprentissage profond, les réseaux antagonistes génératifs ou divers modèles pour les jumeaux numériques, ont le potentiel de générer une valeur commerciale significative. »
La croissance sera principalement tirée par les logiciels basés sur l’IA
IDC prévoit que la croissance sera principalement tirée par les logiciels basés sur l’IA(TCAC 32,4 %), tandis que la croissance sera nettement plus faible dans les services d’IA
(TCAC 27,2 %), les logiciels non centrés sur l’IA (TCAC 16,7 %) et le matériel d’IA
(TCAC 15,2 %). Les taux de croissance sont impressionnants sur une période aussi courte, mais les facteurs stimulant la demande sont nombreux. En clair, la démocratisation de l’IA se fera en dépit des incertitudes économico-géostratégiques, grâce à ce qu’elle peut apporter en période de tension sur les emplois tech et de pénurie de main-d’œuvre.
En effet, IDC s’attend à ce que la demande de solutions d’IA de la part des fournisseurs de services professionnels continue de croître, « car des domaines tels que la vision par ordinateur, le traitement du langage naturel et l’automatisation des processus par l’IA peuvent aider les entreprises à faire face à l’inflation des prix, à l’augmentation de la main-d’œuvre et celle des coûts ».