L’adoption des nouvelles technologies est souvent freinée par les industries historiques et pas les intérêts particuliers.
Lorsque les agriculteurs américains ont découvert les premiers tracteurs, ils ont douté de leur capacité à les aider dans leurs exploitations, leur préférant les chevaux. Plus récemment, Bill Gates, le fondateur de Microsoft, s’est inquiété que peu de gens se soient montrés critiques à l’égard de l’intelligence artificielle (AI), s’opposant ainsi à Eric Horvitz, le responsable de la R&D de l’éditeur.
Les controverses de nouvelles technologies
Les technologies émergentes sont l’objet de nombreuses controverses. Mais surtout, elles souffrent d’une résistance historique au progrès technologique. C’est ce qu’explique Calestous Juma, Professeur de la pratique du développement international à l’Université de Harvard, et auteur d’un ouvrage intitulé « Innovation and Its Enemies: Why People Resist New Technologies » paru il y a quelques jours aux États-Unis.
Décryptant 600 ans de controverses technologiques, qui vont de la découverte du café au Moyen-Age à l’IA, aux drones, et aux recherches sur les gènes, son premier constat est que la société a tendance à rejeter les nouvelles technologies quand elles substituent, plus qu’elles augmentent, notre humanité. Alors qu’à l’inverse, nous les adoptons avec enthousiasme lorsqu’elles soutiennent notre désir d’inclusion, c’est-à-dire qu’elles facilitent l’intégration.
Intérêts particuliers et intérêt collectif
Présenté comme un jouer de luxe, le premier téléphone portable, le DyanTAC de Motorola, a reçu un accueil glacial. Trois décennies plus tard, lors de son introduction en Afrique, le mobile a été présenté comme un outil mobile de transfert d’argent, contournant par là même le système bancaire (alors qu’il ne peut s’en passer !), ce qui a entraîné son succès immédiat.
De ces expériences, et de nombreuses autres, Calestous Juma en déduit que la résistance aux nouvelles technologies est accrue lorsque le public perçoit que les avantages ne reviennent qu’à une petite partie de la société, alors que les risques sont susceptibles d’être généralisés. De même, les nouvelles technologies font face à une forte opposition lorsque le public perçoit que les risques sont susceptibles de se faire sentir dans le court terme, et les avantages ne courront que dans le long terme.
C’est ainsi qu’il explique pourquoi souvent les technologies promues par les grandes entreprises font face à une forte opposition du public. Et pourquoi ce dernier se montre sceptique face aux technologies destinées aux générations futures ? C’est le dilemme des pratiques dont on hésite à qualifier si elles renforcent ou sapent la société…
L’entrepreneuriat social
Une solution tient dans l’entrepreneuriat social. L’idée est que le progrès, pour être accepté, doit être non pas destiné à améliorer la compétitivité des entreprises — ce qui rend délicat la séparation entre la technologie et son utilisation professionnelle sans valeur personnelle —, mais une contribution au bien commun. De quoi éviter de trop s’accrocher à l’ancien au profit non pas des nouvelles technologies, mais de nouvelles affinités.