Le reset pour les entreprises du logiciel sera long et difficile, car elles s’attendent à une reprise qui va s’étaler dans la durée et des écosystèmes clients perturbés et à court de trésorerie. Pour elles, la résilience passe par des coupes budgétaires.
Dans une enquête réalisée par Tech in France auprès d’une centaine d’entreprises éditrices de logiciels basées en France, le revenu des logiciels (licences, maintenance & support et abonnements), principal indicateur de l’activité économique des éditeurs,pourrait décroître de plus de 6 % en 2020 alors que ce revenu avait enregistré une hausse de 6,6 % en 2019. C’est un déclin de 12,6 % si l’on additionne les deux estimations prévisionnelles.
Dans un contexte de baisse généralisée des investissements dans l’IT, IDC prévoit un recul de 5,1 % en 2020, les éditeurs de logiciels et de solutions en ligne anticipent une baisse de leur chiffre d’affaires global sur 2020 de -12 % pour le premier semestre et de -13 % au second semestre par rapport à 2019 sur la même période de l’année. Les acteurs du marché anticipent une forte diminution des revenus liés aux nouveaux contrats (-25 % sur le S1 et -23 % sur le S2) alors que le revenu récurrent est attendu en légère diminution (entre -3 et -4 %).
Des clients en difficulté de trésorerie
Le contexte étant assez tendu, surtout sur les trésoreries des entreprises clientes, 38 % des entreprises interrogées ont enregistré des demandes de renégociation de contrats, ce qui peut être considéré comme un moindre mal. Mais le pire est que 35 % des clients ont demandé des suspensions de contrats. Dans les meilleurs des cas, les entreprises clientes n’ont demandé ni l’un ni l’autre, mais 35 % des répondants ont enregistré un allongement des délais de paiement de 33 jours en moyenne.
Comme beaucoup d’entreprises, celles du secteur du logiciel n’ont pas eu d’autre choix que de recourir aux mesures de soutien proposées par l’État : 57 % d’entre elles ont utilisé le report de charges, et 46 % ont eu recours aux prêts bancaires garantis par l’État
Des coupes budgétaires inéluctables
Bien que les entreprises, surtout les moins préparées au télétravail, aient eu recours aux éditeurs et aux fournisseurs de services dans le cloud pour mettre sur pied les infrastructures et les outils de travail à distance pour leurs télétravailleurs, le marché est condamné à décliner pour diverses raisons. La crise n’a pas épargné les carnets de commandes et le gel des projets, et par conséquent les trésoreries. Pour faire face aux conséquences de la baisse d’activité, les entreprises du secteur du logiciel prévoient de recourir à des mesures de réduction de la voilure pour passer ce cap difficile.
Elles sont 35 % à prévoir des coupes budgétaires pour un total de 13 % de leurs dépenses en moyenne. Sans surprise, ce sont les budgets marketing et communication qui seront amputés en premier pour 58 % des répondants. La réduction est estimée à 21 % en moyenne. Seuls 23 % des entreprises interrogées ont décidé de réduire les investissements dans leur cœur de métier, la R&D. Les autres postes éventuellement affectés sont les frais généraux, le recrutement ou encore les forces de ventes.
Un retour au bureau très progressif
Les entreprises de la tech ont montré une bonne capacité d’adaptation de leur organisation du travail lors du passage au télétravail, note le rapport de Tech in France. « En moyenne, 98 % des effectifs étaient en télétravail avec aucun impact négatif sur la productivité pour plus de 60 % d’entre elles voire même une légère hausse pour 8 % », affirme le rapport. Elles ont été 38 % à avoir adopté des outils collaboratifs qu’elles n’utilisaient pas auparavant.
Le retour au bureau ne se fera pas de sitôt affirment les répondants, car 92 % des entreprises prévoient un retour partiel de leurs équipes, principalement sur la base du volontariat (plus de 70 %) et en fonction des nécessités et des postes des collaborateurs (50 %). Enfin, 40 % des entreprises anticipent un retour des collaborateurs sur site en mai 2020 et 38 % le 1er juin. Quant au recours au chômage partiel, il a été assez limité avec un taux à 11 % en moyenne, et le recours à des arrêts maladie pour garde d’enfants a plafonné à 3 % des collaborateurs en moyenne.
L’exposition des entreprises du logiciel aux effets de la crise sera plus ou moins importante en fonction de leur positionnement sur le marché du numérique (SaaS/on premise par exemple) et de la profondeur de la crise qui touchera les secteurs des clients adressés. Certains secteurs auront du mal à se remettre de la crise, dans un contexte d’incertitude persistante sur la demande, comme le tourisme par exemple. D’autres secteurs, même s’ils prévoient une reprise, celle-ci devrait être longue et laborieuse, comme dans l’aéronautique et l’automobile par exemple.