Quel que soit le titre qu'on leur donne, les plateformes numériques se multiplient, apportant leur économie, leurs modèles, leurs pratiques et leurs responsabilités. Un cadre juridique pour les plateformes émerge, en France comme en Europe.
Avec l'explosion du numérique, de nouveaux modèles économiques émergent et viennent modifier le cadre de l'exercice des activités professionnelles qui lui sont liées. Ou plutôt l'invitent à s'adapter. Au cœur de cette révolution prennent place les plateformes numériques, qui bien que proches dans leurs modèles prennent des noms aussi divers qu'économie numérique, économie du partage, économie collaborative, plateformisation ou encore uberisation...
Ces plateformes numériques se construisent autour de 3 modèles économiques : les services à la demande, l'économie collaborative, et les réseaux de partage. Elles modifient en profondeur les usages et entrainent une mutation de la création de valeur. La relation entre le producteur, les intermédiaires et le consommateur est en pleine révolution, engendrant de nouvelles règles économiques et plus tardivement juridiques, le droit étant historiquement et logiquement en retard sur les tendances.
Le droit des plateformes
Il est courant de constater que l’étendue et la complexité du Droit recèlent les réponses aux interrogations, et qu'il suffit de fouiller pour trouver les règles qui peuvent s'appliquer. A ce titre, nous pouvons considérer qu'un cadre juridique existe pour réglementer les relations commerciales comme l'explosion du travail individuel. Mais le générique peut-il facilement s'appliquer sur l'économie des plateformes ?
La difficulté pour répondre à cette question a pu laisser croire à l'existence d'une 'zone de non droit'. Pourtant, il n'en est rien, et le législateur français n'est pas resté inactif ces dernières années pour adapter ou faire évoluer notre environnement réglementaire afin de prendre en compte cette nouvelle économie qui nous semble si prometteuse. Et il se rappelle à notre bon souvenir au travers de quelques noms qui sonnent à nos oreilles : loi Macron, loi El Komeri, loi Lemaire…
De ces 'lois' sont sortis trois décrets qui aujourd'hui définissent les obligations applicables aux plateformes numériques :
- Obligations d’information
Loi pour une République Numérique du 7 octobre 2016 (dite ‘Lemaire’), renforcée par la loi du 6 août 2015 (dite ‘Macron’) concernant la protection des utilisateurs. Les plateformes doivent délivrer une information loyale, claire et transparente sur les conditions générales d’utilisation du service, l’existence d’une relation contractuelle, la qualité de l’annonceur, et les droits et obligations des parties en matière civile et fiscale lorsque des consommateurs sont mis en relation avec des professionnels ou des non-professionnels.
- Obligation de certification annuelle
L’article 242 bis du Code général des impôts. Il impose aux ‘plateformes de mise en relation’ une triple obligation annuelle : l’envoi d’un récapitulatif d’activité à chaque utilisateur au titre de l’année écoulée ; la communication aux utilisateurs, à chaque transaction, d’une « information loyale, claire et transparente » sur leurs obligations fiscales et sociales ; et l’obtention d’un certificat émis par un tiers indépendant attestant que tout a été mis en œuvre pour que ces obligations soient respectées. Avec la mise en place de la déclaration automatique des revenus des utilisateurs par les plateformes, la certification pourrait disparaître...
- Responsabilité sociale des plateformes vis-à-vis des travailleurs indépendants
La loi du 8 août 2016 (dite ‘El Khomri’) a créé au sein du Code du travail une partie dédiée aux « travailleurs utilisant une plateforme de mise en relation par voie électronique », applicable aux travailleurs indépendants recourant, pour l’exercice de leur activité professionnelle, à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique. L’article L. 7342-1 du Code du travail prévoit une responsabilité sociale aux plateformes lorsqu’elle « détermine les caractéristiques de la prestation de service fournie ou du bien vendu et fixe son prix ».
Platform to Business, la vision de l'Europe
La Commission européenne n'est pas restée inactive sur ce sujet, surtout depuis le lancement du Marché Unique Numérique en 2015. Elle a présenté en avril dernier un projet de Règlement européen sur les plateformes numérique, nommé 'Platform to Business'. L'objectif est de faire tomber les barrières entre les Etats européens afin de faire émerger ce Marché unique numérique.
Le projet pourrait aboutir avant la fin de la décennie à une refonte de la directive commerce électronique autour de 5 points (on remarquera de fortes similitudes avec l'évolution du droit français évoquée plus haut) :
- la distinction entre le particulier et le professionnel ;
- la responsabilité des plateformes ;
- la protection du consommateur ;
- les indépendants ;
- la fiscalité.
Les enjeux autour de ces travaux et des réglementations applicables aux plateformes numériques sont considérables. C'est tout un pan de notre économie, embarqué par les Blablacar, Uber ou RbnB, qui crée de nouveaux défis juridiques, pour les plateformes comme pour les utilisateurs. Avec deux priorités, la notion de responsabilité et la fiscalité. Qui sont rejointes par une préoccupation : la mobilité. Voilà bien trois domaines à suivre dans les prochains mois et prochaines années.
Source : inspiré par THIRD du cabinet Parallel Avocats
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