Les cadres et les responsables de l’IT dans les entreprises ont dû faire face à une situation d’urgence, avec des structures et des processus qui ont été bouleversés. Pour eux, la tâche qui les attend nécessite de renforcer les compétences techniques dans les entreprises par la formation et le recrutement.

Les recherches qui ont été menées en pleine pandémie et durant le confinement sont précieuses, car elles auscultent l’état d’esprit des dirigeants et des cadres supérieurs à un moment où le présent était suspendu, l’avenir incertain et les expériences du passé ne servaient à rien tant la situation était inédite. Un moment où l’on étale sur la table de son esprit les options et les priorités au regard des moyens à sa disposition pour affronter les incertitudes de l’avenir. Il y a de quoi décourager les plus endurcis des combattants, mais pas les hommes de vision et d’action.

C’est ce que révèle une étude, Agents of Transformation Report 2020, menée pour le compte de AppDynamics, par le cabinet Insight Avenue entre le 22 avril et le 6 mai 2020. Le rapport examine les pressions que subissent ce que l’éditeur appelle « les technologues » et la façon dont leurs priorités changent à la suite de la crise. Pour ce faire, les enquêteurs ont interrogé 1000 hauts gradés et leurs subalternes dans des entreprises au CA d’au moins 500 M$, depuis les directeurs de conseils d’administration et les DSI jusqu’aux cadres supérieurs et intermédiaires de l’informatique.

L’urgence de la continuité de l’activité

Les entretiens ont été menés dans 10 pays (États-Unis, Royaume-Uni, France, Allemagne, Australie, Canada, Émirats arabes unis, Russie, Japon et Singapour). Les personnes interrogées travaillaient dans des secteurs variés, notamment l’informatique, les services financiers, le commerce de détail, le secteur public, l’industrie manufacturière et l’automobile, ainsi que les médias et les communications.

L’enquête révèle que les cadres de l’IT ont subi la pression de la crise de plein fouet, car il leur a fallu organiser la continuité de l’activité dans l’urgence en mobilisant les ressources de l’entreprise pour mettre leurs collègues au télétravail, en ouvrant les applications métier aux télétravailleurs, en intégrant les nouveaux terminaux (ordinateurs, tablettes et téléphones mobiles), en adoptant de nouveaux outils de télétravail et de collaboration à distances, le tout en ayant pour obligation de gérer leur réseau et de maintenir la sécurité dans toute la pile technologique. À présent, la pression ne s’est pas détendue, car la résilience post-crise repose en grande partie sur leurs épaules.

L’état d’esprit n’a pas changé, les priorités oui

Aujourd’hui, l’état d’esprit de ces « agents du changement » ne s’est pas modifié, ils veulent toujours mener la transformation, mais c’est le degré d’urgence et les priorités qui ont évolué. Ils sont 81 % à déclarer que le Covid-19 a créé pour leur organisation la plus grande pression technologique qu’ils n’ont jamais connue. Ce qui a accéléré la prise en compte de certains projets qui trainaient en longueur : 78 % d’entre eux disent que la pandémie a été un signal d’alarme pour leurs organisations. Ils déclarent à 66 % qu’elle a mis en évidence les faiblesses de leur stratégie numérique, d’où la nécessité urgente de prioriser des initiatives, qui faisaient autrefois partie de programmes pluriannuels de transformation numérique.

Pour 74 % des répondants, les projets de transformation numérique, dont l’approbation aurait pris généralement plus d’un an, ont été approuvés en quelques semaines. Ils sont 71 % à souligner que certains projets de transformation numérique ont été mis en œuvre en quelques semaines au lieu des mois ou des années qu’il aurait fallu avant la pandémie, et 65 % indiquent qu’ils ont mis en œuvre des projets de transformation numérique pendant la pandémie, qui étaient auparavant considérés comme inutiles.

Renforcer la résilience via les compétences technologiques

Quant à leur vision du futur, elle reste très concentrée sur les conséquences des décisions prises pendant la crise. Pour eux, le Covid-19 a changé la donne en mettant plus de pression sur eux, car ils se retrouvent aux avant-postes pour « mener la réponse de leurs organisations à la plus grande crise économique mondiale depuis des générations et, dans de nombreux cas, avec la survie immédiate de leurs entreprises qui repose sur leurs épaules ».

Ils sont 76 % à s’inquiéter de l’impact à long terme des initiatives de transformation numérique qu’ils ont dû mener à bien pendant la crise. Dans le même temps, ils prévoient que leurs organisations se concentreront davantage sur la sécurité des applications et la reprise après sinistre après la pandémie. Parallèlement à un investissement accru dans les technologies, ils mettent l’accent sur la formation et le recrutement de personnel technique.

Difficulté de recrutement et pénurie de talents

Alors que les organisations donnent la priorité aux expériences numériques tant pour les utilisateurs internes que pour les clients externes, elles doivent reconnaître le rôle essentiel des personnels technologiques dans la réponse à la crise actuelle, peut-on lire dans le rapport. En particulier, les dirigeants des entreprises et des technologies de l’information doivent identifier et soutenir les technologues d’élite qui ont les compétences, la vision et la détermination nécessaires pour assurer la transformation et l’innovation numériques dans ces circonstances très difficiles.

Outre les difficultés d’un environnement économique engourdi par un arrêt brutal, la partie s’annonce très difficile du point de vue des compétences. Les nécessités d’une montée en compétence via la formation, et la pénurie de talents sur le marché du travail, seront difficiles à mener à bien alors qu’il faut se battre pour redémarrer la machine, et, dans certains cas, pour survivre tout bonnement. « Quand la protection de l’enfance coïncide avec la crise du personnel, faut plus comprendre, faut prier ! », faisait dire Michel Audiard au personnage de Lino Ventura dans Les Tontons Flingueurs.