Les nouvelles donnes pour les entreprises dans un monde post-Covid marqué par l’incertitude ont indéniablement accéléré la transformation numérique. Cependant, compétences inadéquates et complexité organisationnelle peuvent être des obstacles au succès de cette mutation.

Profitant de cette manne impromptue, le secteur des technologies affiche une santé insolente alors que des secteurs entiers de l’économie, ceux qui ont soutenu la croissance et l’emploi depuis des décennies, comme l’automobile, le transport aérien et le tourisme, se posent des questions existentielles. Ils essayent d’organiser leur transition écologique pour survivre en pariant sur l’électrique pour les premiers, et l’hydrogène pour les seconds. La transition est brutale, mais elle offre de nouvelles perspectives à l’innovation.

La mutation des modèles économiques, vers le sociétalement et environnementalement responsable, s’accompagne d’une évolution des modes de fonctionnement des entreprises. La généralisation du télétravail et l’adoption des outils technologiques qui permettent la mobilité et les nouveaux modèles de fonctionnement distanciel (cloud et outils de communication et de collaboration) ne sont pas les seuls moteurs de la résilience. L’agilité, qui était autrefois, c’est-à-dire il y a quelques mois seulement, considérée comme une méthode de fonctionnement de certaines équipes, se généralise à l’ensemble des métiers de l’entreprise.

Des entreprises bâties pour le changement

La nouvelle agilité commande que l’entreprise doit se rebâtir pour intégrer le changement dans son fonctionnement. Comme tout organisme évoluant dans un écosystème, elle n’échappe pas à une règle universelle et immuable : le changement est la seule constante de l’Univers. C’était vrai avant le Covid-19, c’est devenu vital dans la « nouvelle normalité ».

Et si agilité il y a, il y aura immanquablement rapidité de mouvement, donc d’adaptation. Nous avons évoqué dans un article précédent comment, lors du confinement, le management de proximité a fait preuve d’agilité et de rapidité, en prenant en main la réorganisation de ses équipes et de ses processus avec la créativité dictée par l’urgence de la situation.

Dans une enquête publiée récemment par l’IBM Institute for Business Value (IBV) sur les initiatives des cadres pour maintenir la continuité de l’activité, 76 % des cadres français estiment qu’ils innovent activement pour maintenir leur entreprise en activité. Ils « innovent activement », tout est dans cette expression qui montre bien que la nouvelle agilité est distribuée et non centralisée. Qu’elle prend forme au niveau des équipes qui réagissent en fonction des circonstances et non d’un dogme conçu au dernier étage de l’immeuble et qui doit s’appliquer indistinctement à tous. Cette agilité distribuée suppose, bien entendu, des objectifs et des valeurs communes pour que la cohérence du tout soit maintenue.

L’IA et l’automatisation au secours de la flexibilité opérationnelle

Tout comme le système nerveux « décentralisé » de certains céphalopodes, cette intelligence distribuée suppose une nouvelle complexité organisationnelle, qui nécessite une communication constante à l’intérieur des équipes et entre les équipes à un niveau horizontal. Une transversalité qui sera grandement aidée par l’intelligence artificielle, l’automatisation et d’autres technologies pour rendre les flux opérationnels plus intelligents et donner plus de pouvoir aux employés. Dans l’enquête citée plus haut, 60 % des cadres ont déclaré avoir accéléré l’automatisation des processus en réponse à la pandémie.

En France, les dirigeants interrogés prévoient d’appliquer de plus en plus l’automatisation à toutes les fonctions de l’entreprise. « On s’attend à des bonds importants dans les domaines des achats (x 2,4), du risque (x 2,6), de la chaîne d’approvisionnement (x 2,3) et de la R&D (x 2,0) dans les deux prochaines années », estime le rapport.  

Le facteur humain reste essentiel au succès

Selon les conclusions de l’enquête, avant la pandémie, les dirigeants classaient l’immaturité technologique et la résistance des employés au changement parmi les principaux obstacles à la transformation des entreprises. Aujourd’hui, leur réponse a évolué et ils voient désormais la complexité organisationnelle, les compétences inadaptées et l’épuisement des employés parmi les trois principaux défis auxquels leurs entreprises seront confrontées au cours des deux prochaines années.

L’analyse des données du rapport d’IBM confirme que les compétences commerciales qui représentent la plus grande partie de la croissance prévue d’une organisation sont celles qui sont centrées sur les employés et les clients, telles que la formation de la main-d’œuvre et la gestion de l’expérience client. « Mais notre recherche met en évidence un fossé béant entre ce que les cadres pensent offrir à leurs employés et ce que ces derniers ressentent : les employeurs surestiment considérablement l’efficacité de leurs efforts de soutien et de formation », affirment les rédacteurs du rapport.

Le fossé entre la perception des employés et celle de leur encadrement est notable. Alors que 80 % des cadres en France estiment qu’ils aident leurs employés à acquérir les nouvelles compétences nécessaires pour travailler pendant la pandémie, seulement 38 % des employés interrogés sont en accord avec cette idée. Toujours en France, 75 % des cadres affirment qu’ils soutiennent la santé physique et émotionnelle de leurs collaborateurs alors que seulement 46 % des employés ressentent ce soutien.