La réduction de l’empreinte carbone des entreprises est une stratégie globale qui doit s’appuyer sur deux piliers, l’exploitation de la donnée et la sensibilisation des employés.
Depuis quelques années, l’Europe ambitionne d’être la première région au monde à atteindre la neutralité carbone. La pression règlementaire s’accentue sur les entreprises, sommées de réduire leurs émissions de carbone afin d’atteindre les limites fixées par la loi. En janvier 2005, à la suite des engagements pris dans le cadre du protocole de Kyoto, l’Union européenne a créé le plus grand marché du carbone au monde. En mai 2020 l’Union européenne a adopté un nouvel objectif climat pour 2030. Celui-ci prévoit une diminution de 55 % des émissions de CO2 de l’Union par rapport à 1990.
Un marché colossal et dont les ramifications touchent tous les aspects de l’administration d’une entreprise. Un article publié par Les Échos, et citant un rapport de l’organisation à but non lucratif CDP, évalue les efforts des entreprises européennes à 124 milliards d’euros consacrés à de nouvelles actions de réduction de leurs émissions à effet de serre. Bien que les entreprises françaises fassent office de bons élèves, les efforts pour atteindre les objectifs fixés par la Commission ne sont pas suffisants. D’après CDP, il faudrait doubler ces investissements.
Pas suffisamment bien équipées pour exploiter les données
En termes informatiques, ces initiatives vertueuses se concrétisent par l’exploitation extensive des données sur les émissions. Mais des intentions aux actions, il y a un encore un grand fossé, constate un nouveau rapport du Capgemini Research Institute (Data for Net Zero: Why data is key to bridging the gap between net zero ambition and action). Il révèle que les entreprises n’exploitent pas tout le potentiel des données. Car, si la grande majorité des organisations a conscience de la valeur des données sur les émissions (85 %), la moitié ne se considèrent pas comme suffisamment bien équipées pour exploiter ces données afin d’orienter la prise de décision. De plus, les entreprises utilisent ces données pour mesurer leur performance environnementale, mais rarement pour améliorer les processus existants ou pour identifier des opportunités de réductions d’émissions à l’aide de techniques analytiques avancées.
Dans le cadre de ce rapport, Capgemini Research Institute a interrogé plus de 900 organisations qui se sont fixé des objectifs de neutralité carbone ces deux dernières années. Plus de la moitié (53 %) de celles qui ont intégré des données sur les émissions dans leurs processus décisionnels ont déjà observé des progrès plus rapides quant à leurs objectifs. Elles ont également réduit leurs émissions de 4,6 % en moyenne, et ont fait preuve de davantage de transparence.
Complexité et manque de confiance dans les données des tiers
Collecter et gérer les données d’émission semble être la difficulté principale et beaucoup de répondants ont exprimé leur perplexité face à la complexité de cette opération. Par exemple, gérer et collecter des données du Scope 3 (celui des émissions indirectes autres que celles liées à la consommation d’énergie) s’avère aussi complexe qu’ardu. Pourtant, le Scope 3 peut représenter jusqu’à 95 % de leur empreinte carbone. Seuls 24 % des répondants ont déclaré être moyennement ou très conscientes de quels fournisseurs sont responsables de l’essentiel de leurs émissions dans cette catégorie.
De plus, moins d’un tiers (30 %) des organisations mesurent les émissions liées à l’achat de biens et de services, et seulement 27 % mesurent celles liées à l’utilisation des produits vendus. « Cela s’explique en partie par un manque de confiance dans les données que les organisations collectent, puisqu’elles sont souvent basées sur des estimations du secteur et des données de tiers, mais aussi par le manque de compétences en comptabilité carbone », explique le rapport. De nombreuses entreprises ne disposent ainsi pas de l’expertise ni de la compréhension de comment mesurer les émissions et comment exploiter ces données pour la prise de décision.
Former les collaborateurs reste une utopie
Pour répondre à ces défis, le rapport préconise l’adoption d’un socle solide de gestion des données qui permettra aux organisations de collecter, consolider et optimiser les données provenant de sources multiples. « Il faut donc mettre en place des dispositifs qui permettent que chacun au sein de l’entreprise prenne ses responsabilités en matière de décarbonation, définir des indicateurs clés de performance carbone pour les équipes et investir davantage dans les compétences en matière de comptabilité carbone », écrivent les rédacteurs du rapport.
En fin de compte, outre l’exploitation de la donnée, l’implication active du facteur humain reste un élément central dans l’exécution des stratégies bas carbone. Les organisations doivent s’assurer que leurs salariés à tous les niveaux soient à même de jouer leur rôle pour atteindre leurs objectifs de neutralité carbone. « Pourtant, très peu d’entre elles (7 %) investissent dans la sensibilisation et la formation de leurs employés en matière de développement durable et de changement climatique, ce qui pourrait permettre de répondre à la pénurie de compétences », conclut le rapport.