D'un coté, une vielle dame industrielle, aux 15 milliards de dollars de revenus, mais à l'informatique et aux méthodes d'un autre âge. De l'autre, un CIO qui a composé une stratégie à la croisée de la science, les technologies, l'innovation et de la propriété intellectuelle.
Après un long parcours dans l'industrie des soins de santé - Merck, Johnson & Johnson, et SmithKline Beecham – Jim Swanson a rejoint il y a deux ans Monsanto au poste de CIO. Avec une intention, révolutionner via le numérique cette vieille industrie dédiée à l'agriculture, avec ses deux divisions, la chimie de protection des cultures et le commerce des semences. Et une troisième émergente, les services économiques liés à la fourniture d'informations pour l'amélioration durable des rendements agraires. La DSI de Monsanto est résente dans 67 pays, et son CIO a la responsabilité des systèmes d'information et de la donnée.
Particularité de cette industrie, elle accompagne le plus vieux domaine du monde, l'agriculture. Qui cherche à se numériser, tout comme les exploitations, avec l'ambition de nourrir 7,5 milliards de terriens aujourd'hui, et 9 milliards dans une décennie. C'est donc un véritable challenge auquel se soumet Jim Swanson, marier la science et la technologie afin d'offrir de meilleurs pratiques à l'agriculture.
Observer, capter et analyser l'information
Comment ? En commençant pas recueillir les informations dans les fermes et en temps réel, et en identifiant les pratiques durables et rentables, les deux ne devant pas être antinomiques, au service de la rentabilité jusque dans les plus petites exploitations. L'informatique se met au service des producteurs - en les invitant à multiplier les capteurs -, des scientifiques et des dirigeants.
Mais cela ne suffit pas, face à des pratiques ancestrales, la DSI doit apporter la disruption et l'innovation, avec des processus expérimentaux et itératifs. Le projet est ambitieux, Jim Swanson prend la technologie et l'élève à un niveau supérieur afin de démontrer sa pertinence. Dans l'agriculture, la démonstration est le support de l'adoption.
Cela impose aux équipes de la DSI de Monsanto de passer beaucoup de temps à observer, analyser, comprendre et définir l'impact du numérique sur l'entreprise. Il y a deux maitres mots dans cette stratégie : capteur et connecté. La chaine d'approvisionnement, la chaine de production, la chaine de distributions sont impactées, équipées de capteurs et numérisées, jusque chez l'agriculteur. La recherche et le commercial sont également intégrés dans ces cycles, pour accompagner la prise de décision et réduire les délais de commercialisation.
La science de la décision
La digitalisation ne suffit pas à Monsanto, car elle ne permet que de déverrouiller la donnée. La DSI s'est ensuite engagée, avec de gros investissements, dans la « science de la décision », l'analyse, et les modèles prédictifs et normatifs. Le principal est de disposer d'outils qui accompagnent la prise de décision, à l'aide de l'application de modèles qui a été une étape importante dans la transformation digitale. Un autre axe de réflexion de la DSI de Monsanto, c'est l'Internet des objets, dont les applications dans l'agriculture ne sont encore qu'embryonnaires mais incroyablement attendues. Sans oublier les start-ups, avec plus de 30 concepts à l'étude, 150 projets suivis et 5 technologies émergentes en test.
Préoccupation majeure de Jim Swanson, les compétences. Le DSI de Monsanto mélange en effet les talents et les compétences. Il déclare croire fermement en la diversité, des origines, des pensées, des cultures et des mentalités. La diversité considérée comme pierre angulaire de l'innovation, et compagne de l'agilité et de l'itération. La modélisation se met au service des micro-services et des API. A l'informatique d'améliorer son organisation, interne et externe, et de renforcer ses compétences. Seconde préoccupation majeure, la propriété intellectuelle n'est pas une vaine expression chez Monsanto, qui multiplie les brevets. C'est d'ailleurs ce que nombre d'agriculteurs et d'autorité lui reprochent. Jim Swanson a dû prendre en compte cette dimension dans l'application de sa stratégie.
La marketing de la DSI
Enfin, dès son arrivée, Jim Swanson a fait appel à un service de marketing externe, pour comprendre l'identité de l'informatique dans l'entreprise. Il voit ses équipes comme les meilleurs ingénieurs et analystes, mais comme les pires communicants. Il a donc éprouvé le besoin d'être accompagné pour renforcer sa marque, élaborer de stratégies de communication, transformer les métiers en partenaires. La DSI ne peut se résumer à des lignes de codes (exponentielles), un coût (en réduction) et un rendement (croissant). En revanche, elle offre la puissance et les leviers d'innovation pour remodeler les processus et déverrouiller les rendements et la valeur de l'agriculture.
Source : Interview de Jim Swanson, CIO de Monsanto, sur Forbes