Alors que la coopération policière internationale a permis de fermer deux plateformes de vente de produits illégaux – drogues, armes, numéros de cartes de crédit, dérives sexuelles, etc. – retour sur l’une des pratiques illégales cachées de l’internet : le Dark Web.

Deep Web, c’est la partie cachée de l’internet, celle qui n’est ni publique ni accessible via les moteurs de recherche classiques, soit que techniquement les pages ne sont pas accessibles, sauf à en connaître l’adresse exacte, soit qu’elles ne veulent pas être indexées par les robots des moteurs de recherche...

C’est également le lieu de nombreuses dérives, en particulier le Dark Web, l’internet de tout ce qui est illégal, non régulé, qui échappe aux réglementations, et où l’anonymat est de règle. On y échange des contenus secrets, illégaux, et on y pratique le marché noir.

Les marchés parallèles ont toujours existé, des produits et services s’échangent à la barbe des autorités, en particulier pénales et fiscales, tout en étant parfois plus ou moins tolérés. Certains produits sont par contre totalement illégaux. On évoque ici les armes, les drogues, les images de violence, les dérives sexuelles comme la pédophilie, ainsi que le fruit des vols de données (fichiers d’identités avec les numéros de cartes bancaires), ou encore les logiciels de piratage.

Des supermarchés du vice et de l’illégal

Ces trafics s’organisent autour de plateformes, de véritables supermarchés (aussi appelés cryptomarkets) des trafics illicites, sur lesquelles tout s’échange, même et surtout le pire. Elles reposent principalement sur le réseau Tor, qui ‘garantit’ l’anonymat, et sur les monnaies virtuelles comme le Bitcoin. Elles permettent de générer un chiffre d’affaires qui peut être considérable : la plateforme AlphaBay, par exemple, avec ses 200.000 clients dans le monde, aurait réalisé un chiffre d’affaires quotidien entre 600.000 et 800.000 dollars !

A la suite d’une enquête coordonnée entre Europol et les Etats-Unis, le créateur et administrateur d’AlphaBay, Alexandre Cazes, un programmeur canadien de 26 ans, a été arrêté le 12 juillet en Thaïlande. Mettant fin dans l’heure aux activités du site. Mais il ne sera pas extradé aux Etats-Unis, car il s’est suicidé dans sa cellule !

Une autre plateforme d’échanges illégaux, Hansa, vient également de fermer ses portes. Là encore c’est le fruit d’une collaboration policière internationale. Ses deux exploitants, des allemands trentenaires, ont été arrêtés par la police allemande en juin 2016. Mais le site ne s’est pas arrêté immédiatement, car la police néerlandaise, à l’origine de l’action, en a secrètement pris le contrôle, afin d’identifier les vendeurs et les acheteurs.

Des armes, des munitions et des explosifs

Pour mesurer le pouvoir du Dark Web, penchons-nous sur une de ses dérives (on peine à dire une des ‘pires’ dérives tant ce qui s’y pratique est choquant et condamnable…), qui a pris une tournure dramatique avec la vague d’attentats terroristes qui nous assaillent : le commerce illicite des armes à feu, des munitions et des explosifs.

Beaucoup d’études, universitaires en particulier, ont été réalisées sur le commerce illicite de la drogue et du sexe, dont on connait ainsi assez bien les rouages. Mais finalement très peu ont porté sur les armes. Une étude vient cependant d’être dévoilée, menée par le PaCCS (Partnership for Conflict, Crime and Security Research) britannique, en partenariat avec le Economic and Social Research Council, sur le thème du crime organisé transnational (Transnational Organised Crime). L'objectif général de l'étude était d'estimer la taille et la portée du commerce des armes à feu et produits connexes sur les cryptomarkets du marché Dark Web.

L’étude a révélé que 42% des annonces sur le Dark Web concernent des armes à feu, dont 27% de produits numériques relatifs aux armes, et 22% de munitions. Toutes les armes à feu, même les plus récentes, sont disponibles sur le Dark Web, plus que dans la rue (marché noir physique) et à un prix plus accessible. Près de 60% de ces armes viennent des Etats-Unis, mais l’Europe est le premier marché du Dark Web, il s’y vendrait 5 fois plus d’armes que de l’autre côté de l’Atlantique, où en par contre les armes à feu sont en vente libre...

Terroristes et gangs

Le Dark Web est un catalyseur de la circulation des armes illégales sur le marché noir, et devient une source potentielle de détournement des armes détenues légalement. Il a le potentiel de devenir la plate-forme de choix pour fournir les individus (en particulier les terroristes) ou de petits groupes (les gangs) à la recherche d’armes et de munitions.

C’est pourquoi le commerce illégal d'armes présente de nouveaux défis pour les organismes en charge de faire appliquer la loi et pour les gouvernements. Des défis qui découlent en grande partie de l'anonymat des personnes qui utilisent le Dark Web pour acheter des armes, des drogues, mais aussi des hommes, des femmes, et des pratiques déviantes.

Quant à lutter contre ces pratiques, l’étude fait le constat que même l’émergence de nouvelles menaces ne nécessite pas nécessairement la création de nouveaux instruments, l’existant juridique et réglementaire est suffisant et ne doit pas être considéré comme obsolète. En revanche, si les techniques policières traditionnelles demeurent vitales, la coopération internationale s’impose, tout comme le respect des cadres réglementaires théoriquement en place pour faire appliquer la loi. Les ressources adéquates doivent être rendues disponibles, les compétences créées et recrutées. Quant aux politiques, il faudra qu’ils jouent leur rôle… Mais là, ce n'est pas gagné !

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