Mi-novembre, GetApp a interrogé 1 418 professionnels répartis en 1 309 employés (postes intermédiaires et middle management) et 269 profils seniors et de direction. Principaux constats : perception d’une infantilisation et d’un manque de confiance.

Big Brother est déjà dans l’entreprise. À quel point est-on surveillé aujourd’hui dans les PME ? Selon cette enquête, presque la moitié (45 %) des personnes interrogées indiquent que leur entreprise utilise des outils de surveillance. 20 % affirment que cette surveillance a commencé depuis la crise et le développement du télétravail.

Parmi les répondants dont l’entreprise a investi dans des outils de surveillance, ils sont 74 % à surveiller d’autres employés. D’un autre côté, 66 % des répondants, qu’ils soient de niveau intermédiaire ou manager, sont surveillés par un supérieur hiérarchique (certains sont à la fois surveillés et surveillants).

Si la surveillance des salariés est perçue comme « plutôt positive » par 26 % des répondants et comme « plutôt négative » par 28 % des répondants, 29 % d’entre eux s’avouent indécis sur la question, signe que la surveillance a, non seulement besoin d’être implémentée de manière judicieuse, mais doit également être expliquée, en ne laissant que peu de place à l’interprétation.

La surveillance s’applique à des aspects très concrets de la vie professionnelle, qu’il s’agisse par exemple des horaires de travail ou de l’historique de navigation. Mais 59 % rejettent l’idée de la surveillance.

Les principales raisons invoquées sont la perception d’une infantilisation et d’un manque de confiance, une augmentation du stress, la crainte de l’intrusion dans la vie privée, le manque de liberté quant à l’organisation personnelle.

Malgré le sentiment d’infantilisation évoqué plus haut, la surveillance est objectivement perçue comme un atout pour les raisons suivantes :

  • 51 % considèrent que les heures travaillées ou les heures supplémentaires peuvent être plus facilement prises en compte par l’employeur.
  • 40 % estiment que les managers peuvent aider à optimiser le temps de travail et à répartir les tâches selon la charge de travail de chacun.
  • 31 % pensent que l’employeur peut obtenir un meilleur aperçu des opérations quotidiennes réalisées au sein de l’entreprise
  • 28 % pensent que l’employeur peut avoir plus de visibilité sur la productivité ou rentabilité de chaque employé.

Globalement, ces répondants tendent à penser que la confiance serait renforcée sans la surveillance. Quant aux personnes interrogées qui souhaiteraient continuer à être surveillées, les raisons qui reviennent le plus souvent évoquent la sécurité (à travers la vidéosurveillance), une confiance mutuelle grâce aux preuves tangibles que le travail est réalisé (et par là même, jouer en faveur du télétravail), une motivation pour fournir des résultats ou les dépasser, et la prise en compte des heures supplémentaires.

Ces répondants affirment que la surveillance garantit au contraire un climat de confiance. Mais comment s’assurer que la surveillance, une fois les intentions établies et justifiées, crée une relation de confiance entre toutes les parties prenantes ?

La clé se trouve entre autres dans une communication transparente. Une politique claire doit être présentée : celle-ci devrait exposer les mesures prises et les résultats que l’on souhaite obtenir par cette voie.

Les pratiques de surveillance ne devraient en outre pas être « gravées dans le marbre » et, au contraire, être révisées plusieurs fois par an afin d’en évaluer la pertinence et l’impact sur les salariés. Sans cela, les effectifs risquent d’imaginer « le pire » et de rejeter l’idée en bloc.

Attention, si certains outils existent bel et bien sur le marché, leur utilisation peut être strictement réglementée et il convient de se renseigner au cas par cas. Par exemple, l’enregistrement vidéo d’un écran ne devrait servir que dans le cadre d’une formation, afin de respecter tout ce qui relève de la vie privée (mots de passe ou correspondance personnelle, par exemple).

Dans le cas par exemple de la capture d’écran à distance, celle-ci est considérée selon la CNIL comme « susceptible de n’être ni pertinente ni proportionnée, puisqu’il s’agit d’une image figée d’une action isolée de l’employé, qui ne reflète pas fidèlement son travail. » Il en va de même pour le keylogger.

En outre, le Règlement général sur la protection des données (RGPD), exécutoire depuis mai 2018, encadre strictement le traitement des données personnelles.

Certaines finalités sont plus sujettes à interprétation, comme la productivité, et devraient répondre à un jugement proportionné. Le temps passé sur une application n’est pas nécessairement synonyme de meilleur rendement. Une analyse d’autres indicateurs doit être considérée afin d’évaluer de manière pertinente le travail d’une personne.

« Le style de management doit évoluer et ne peut pas se contenter des outils pour scruter les faits et gestes par simple manque de confiance », estiment les auteurs de cette enquête. D’autant que ces outils de surveillance des télétravailleurs n’augmentent pas la productivité.