Bien qu’elle soit le lieu de naissance de patrons technologiques d’envergure mondiale (comme ceux de Skype et Spotify), l’Europe est restée à la traîne des États-Unis et de la Chine. Mais les choses évoluent avec des initiatives de souveraineté qui prennent corps sous l’impulsion franco-allemande.

La réalité d’un mode multilatéral et collaborant pour traitre les problèmes globaux de la planète a été définitivement enterré durant les années qui viennent de s’écouler. Et ce n’est pas seulement le Covid-19 ou les coups de boutoir de certains dirigeants de superpuissances qui lui ont donné le coup de grâce.

Au fil des années et des conflits économiques et armés de l’après-Seconde Guerre mondiale, l’espoir d’un monde apaisé né après la Seconde Guerre mondiale s’est effiloché. L’efficacité de la gouvernance mondiale, sensée éviter les guerres et la misère dans le monde est questionnée depuis longtemps. Depuis que la génération du baby-boom est descendue dans la rue, se rendant compte que les institutions mondiales sont, au mieux mal utilisées, et, au pire, détournées de leurs missions premières par des intérêts nationaux et régionaux inavouables.

À présent que le multilatéralisme n’est plus qu’une coquille vide, les courses effrénées (spatiale, économique, militaire, scientifique…) et les guerres souterraines font rage entre les superpuissances, les régions économiques mondiales et les puissances régionales. Le dénominateur commun à toutes ces guerres plus ou moins froides est la technologie sous-jacente et l’accès à la donnée. La technologie est la clé de la souveraineté et au milieu du tumulte numérique l’Europe essaye tant bien que mal de se faire une place au soleil.

L’Europe à l’aube de l’avènement de sa souveraineté technologique

Aujourd’hui les États-Unis sont beaucoup plus tournés vers le Pacifique que vers l’Atlantique, l’Europe est prise entre deux feux constitués par la guerre technologique entre les USA et la Chine. Dans une étude intitulée Technology Fast-Tracking, A Multifaceted European Integration, Klecha & Co, la banque privée d’investissement analyse les différentes initiatives européennes et l’espoir qu’elles portent pour une affirmation de l’identité du continent et de ses valeurs, à travers le cloud souverain, la cybersécurité et l’établissement de standards comme le RGPD.

« Face à la “guerre technologique” entre les États-Unis et la Chine, l’Europe pose les bases de sa souveraineté pour les 20 prochaines années, affirme le rapport. Il ne s’agit pas de céder à la tentation de l’isolement ou du repli sur soi, ce qui est contraire à nos intérêts, à nos valeurs et à notre culture. Il s’agit de faire des choix qui seront décisifs pour l’avenir de nos concitoyens, en développant des technologies et des alternatives européennes, sans lesquelles il ne peut y avoir ni autonomie ni souveraineté ».

Développer des alternatives européennes

Dans ce contexte, la Commission prévoit de lancer, vers la fin de cette année, une Alliance européenne pour les données industrielles et le cloud afin de développer des alternatives européennes et de mettre l’Europe en bonne position dans la course à l’économie des données. « Une telle alliance serait une évolution naturelle de l’initiative franco-allemande, le projet Gaia-X », explique le rapport. Le projet d’infrastructure de données fédérée au niveau européen, l’objectif étant de construire un cadre de données européen pour faciliter la collecte, le traitement et le partage des données, en particulier dans les domaines B2B et B2G,

Côté sécurité, la stratégie de l’Union européenne en matière de sécurité pour 2020-2025, qui succède au programme européen pour la sécurité (2015-2020), se concentre sur les domaines prioritaires dans lesquels l’UE peut apporter une valeur ajoutée pour aider les États membres à promouvoir la sécurité de tous ceux qui vivent en Europe, notamment en ce qui concerne la cybersécurité.

Une dépendance excessive aux fournisseurs américains

D’ici à la fin de 2020, la Commission prévoit notamment d’achever la correction de la directive sur les systèmes de réseaux et d’information, de proposer des idées pour une unité commune de cybersécurité et d’adopter une nouvelle stratégie de cybersécurité. La cybersécurité, ainsi que le contrôle des données et le comportement des plateformes en ligne, représentent les principales préoccupations au niveau de l’UE. En particulier :

  • la dépendance excessive à l’égard des fournisseurs d’équipements étrangers pour le déploiement de la 5G a été identifiée comme une faiblesse critique ;
  • le manque de contrôle des données (sur un marché largement dominé par les entreprises américaines et chinoises), qui sont soumises à des lois extraterritoriales comme le Cloud Act ;
  • la domination des plateformes en ligne non européennes représente une menace importante pour la souveraineté des membres de l’UE, dans des domaines tels que la fiscalité, la protection des données et le droit d’auteur.

En combinant de manière intelligente de nouvelles politiques industrielles paneuropéennes, des politiques de concurrence innovantes, des approches plus solides et plus affirmées en matière de commerce équitable et d’accès au marché, et des actions antitrust appropriées contre les grandes entreprises technologiques non européennes, qui tentent de monopoliser les marchés, l’Europe se fera une place encore plus importante comme leader technologique mondial incontournable.