Le marché des centres de données est en bonne santé, mais la pression écologique d’une consommation énergétique plus efficace appelle des mesures plus précises de l’efficacité énergétique, ce que ne proposent pas les indicateurs actuels, notamment le PUE (Power usage effectiveness).

Malgré les énormes pressions qu’il subit dans un environnement secoué par l’accélération de la transformation numérique et les crises (pénurie de personnel et de composants persistantes, chaîne d’approvisionnement, RSE…), le marché des centres de données est en pleine santé, en croissance et de plus en plus résilient. Il est vrai que le réseau mondial des centres de données est devenu l’épine dorsale qui transporte les flux de données vitales pour l’économie et la garantie de la continuité de l’activité en cas de disruption massive comme en 2020.

Cette intrication entre le numérique et les affaires, l’économie en général, repose essentiellement sur le cloud et ce n’est pas près de cesser. Les nouveaux cas d’usage de l’Edge computing, de l’IoT, de l’IA/ML et de l’analytique, ainsi que les concepts d’agilité et de résilience, reposent sur les services pourvus par ces centres disséminés sur la planète. Cependant, l’économie des centres de données est soumise aux mêmes soubresauts concernant la consommation électrique et aux exigences environnementales qui traversent nos sociétés.

Une faille dans les mesures actuelles de la consommation

La douzième édition de l’enquête annuelle menée par Uptime Institute, Global Data Center Survey 2022, révèle « un secteur en pleine croissance, dynamique et de plus en plus résilient. Les dépenses consacrées aux centres de données et aux services connexes sont importantes, malgré les pénuries de personnel persistantes, les retards dans la chaîne d’approvisionnement et d’autres obstacles ». Cependant, la nécessité d’une empreinte plus durable « est une préoccupation majeure et croissante, alors que les opérateurs se préparent à une surveillance accrue, de nouvelles réglementations et des exigences en matière de rapports ».

Il est vrai que, tirés par la demande qui ne faiblit pas, les centres de données sont devenus des carrefours numériques incontournables, mais pointés du doigt pour leur consommation énergétique. Sur ce point, les experts d’Uptime Institute, et ils ne sont pas les seuls, désignent une faille dans le standard utilisé pour mesurer l’efficacité énergétique des centres de données, le PUE ou Power usage effectiveness. Le PUE et la densité de puissance des racks sont deux mesures majeures utilisées par l’industrie comme indicateur de la performance des centres de données.

Le PUE ne mesure pas la sobriété énergétique, mais le rendement

Depuis son introduction en 2007, le PUE est devenu la mesure standard de facto de l’efficacité des centres de données. Contrairement à une idée répandue, il ne mesure pas la sobriété énergétique, mais le rendement. Le PUE est obtenu en divisant la valeur totale de l’énergie consommée par le centre de données (qui intègre tous les services : refroidissement, éclairage, équipements électriques…) par la consommation énergétique des seuls équipements informatiques (serveur, stockage, réseau). Ceci quelles que soient les sources énergétiques utilisées, panneaux solaires ou éoliennes. Le PUE n’est donc pas un indicateur de sobriété énergétique, mais de rendement.

Dans un monde idéal, le PUE devrait être de 1, ce qui signifie que l’énergie est consommée uniquement par l’informatique, mais ce n’est jamais le cas. La valeur moyenne mesurée par Uptime Institute en 2022 est de 1,55, ce qui signifie que les centres de données consomment 55 % de l’énergie consommée pour les fonctions auxiliaires et pour alimenter les appareils et services autres que l’informatique. « Cela correspond à la tendance du PUE moyen observé par Uptime ces dernières années. Mais l’amélioration a nettement ralenti en 2014, avec seulement des gains marginaux depuis lors », indique le rapport.

« le PUE est en stase… pour l’heure »

En effet, après être passé de 2,5 à 1,65 entre 2007 et 2014, l’indicateur fluctue depuis autour de 1,6. Une baisse qui reflète en grande partie l’adoption généralisée de mesures d’efficacité peu coûteuses, telles que le confinement de l’air chaud/froid, l’optimisation du contrôle du refroidissement et l’augmentation des températures d’alimentation en air. Selon Uptime, ce ralentissement ne signifie pas que les fournisseurs ont atteint les limites des mesures d’efficacité énergétique prises jusqu’à présent. Les centres de données nouvellement construits affichent des PUE de 1,3 et moins, grâce à la conception des installations et à des équipements optimisés pour une plus faible consommation. Il y a encore de la marge, mais pour les centres de données plus anciens, « le PUE est en stase… pour l’heure », commente sobrement le rapport.

En conclusion, pour avoir une vision plus complète de l’efficacité énergétique des infrastructures, les fournisseurs auront besoin de mesures supplémentaires de performance énergétique de l’informatique. « Il s’agit d’une tâche beaucoup plus complexe que la mesure du PUE, affirme le rapport. L’un des principaux défis consiste à établir une base de référence, car il n’existe pas de méthode claire pour mesurer la quantité de travail effectuée par l’informatique ».

Les fournisseurs auront besoin de mesures supplémentaires

Un obstacle aggravé par la difficulté d’isoler l’énergie consommée par les pertes parasites et les fuites de courant (tels les ventilateurs, les pertes de distribution d’énergie interne du système informatique et les fuites d’énergie du silicium) dans la consommation globale de l’informatique.

« La difficulté d’adopter des mesures composites de l’efficacité informatique fait que la plupart des opérateurs adopteront probablement une collection d’indicateurs d’efficacité relativement plus simples pour promouvoir les gains d’efficacité informatique, comme l’utilisation des serveurs, l’âge du matériel ou l’application d’outils de gestion de l’énergie, tous actuellement en dehors du champ d’application du PUE », conclut le rapport.