Après trois ans de crises successives qui ont provoqué une augmentation des coûts des opérateurs des centres de données, l’année 2023 devrait être celle du « rattrapage ». Voici, selon Uptime Institute, les cinq facteurs qui vont tirer les prix vers le haut.
En fournissant l'infrastructure et les technologies nécessaires pour le stockage, le traitement et la gestion des données numériques, les centres de données constituent l'épine dorsale de l'Internet et la base sur laquelle sont construits de nombreux services et applications numériques modernes. Ils sont devenus les piliers invisibles qui soutiennent l’activité humaine au 21
e siècle. De fait, les tendances en matière de centres de données ont une influence considérable sur les entreprises de diverses manières.
Ils influencent l’organisation et les modes de fonctionnement des entreprises et modifient la façon dont elles planifient leurs besoins en matière de numérique, allant jusqu’à conditionner leur attractivité et leur capacité à retenir leurs collaborateurs en temps de pénurie. Aussi, les entreprises sont très sensibles aux fluctuations des prix des abonnements ainsi qu’aux restructurations des catalogues d’offres.
Les opérateurs seront « confrontés à des défis difficiles et coûteux »
D’après l’étude publiée chaque début d’année par l’Uptime Institute, les mois à venir, bien que porteurs de bonnes perspectives pour les fournisseurs, devraient aussi être ceux du rattrapage. Voici comment le présente le rapport, en termes choisis :
« Le secteur des infrastructures numériques essentielles continue de prospérer dans une période d'incertitude économique. D'autres opportunités et une croissance supplémentaire sont attendues en 2023 et 2024, mais les propriétaires et les opérateurs sont également susceptibles d'être confrontés à des défis difficiles et coûteux ».
En toute logique commerciale, ce qui est coûteux pour un fournisseur l’est automatiquement pour ses clients. Est-ce là une annonce indirecte d’augmentation des tarifs ? Ça en a tout l’air. Il est vrai que le secteur a subi de plein fouet certaines des crises consécutives à la pandémie ou due aux crises géopolitiques. Par exemple, les perturbations de la chaîne d'approvisionnement, la pénurie de composant et l’augmentation de leurs prix ont entraîné une hausse des coûts pour les opérateurs de centres de données et a affecté leurs résultats.
Les défis nouveaux auxquels sont confrontés les opérateurs
Certes, sachant que leurs clients sont sensibles aux fluctuations tarifaires, ils ont retardé l’échéance au maximum,
« en augmentant et en resserrant leurs budgets, en maintenant les équipements en service plus longtemps, en trouvant des moyens créatifs de contourner les retards de la chaîne d'approvisionnement et en concevant de nouvelles approches pour attirer et retenir le personnel » .Selon le rapport, le marché devrait connaître une vague de consolidation, les gros absorbant les petits pour répondre à la demande et faire des économies d’échelle.
Selon Uptime, cinq prédictions mettent en évidence les défis nouveaux ou croissants auxquels sont confrontés les opérateurs de centres de données.
« Il ne s'agit pas de suggérer que le secteur est en crise », prévient le rapport. Les besoins augmentant, les centres de données ne risquent pas de récession, toutefois ces cinq facteurs risquent d’en influencer l’évolution.
1. Perturbations de la chaîne d'approvisionnement
Selon Uptime Institut, la dynamique géopolitique actuelle fait naître des menaces supplémentaires sur la sécurité des approvisionnements des centres de données. En termes plus clairs, les politiques de blocs souverains (USA, Europe et Chine) est sur une trajectoire de collision, pouvant résulter en crises majeures. En somme, et partant du principe que personne ne peut se suffire à soi-même en matière d’approvisionnements électroniques, si la situation se tend, il peut y avoir rupture des approvisionnements, et, pire rupture de câbles sous-marins. L’institut estime que, même en augmentant ses capacités, aucune industrie nationale ou régionale ne peut à elle seule répondre à la demande.
2. Les opérateurs vont devoir se battre avec les nouvelles puces
Les opérateurs de centre de données devront revoir de fond en comble la conception de leurs infrastructures afin de respecter les règlementations environnementales et produire des rapports ESG flatteurs. L'augmentation rapide de la densité et de la consommation des ordinateurs signifie que les hypothèses de conception devront prendre en compte ces évolutions.
« Les installations construites aujourd'hui doivent rester économiquement compétitives et techniquement performantes pendant 10 à 15 ans. Cela signifie que certaines hypothèses doivent être faites par spéculation, sans que les concepteurs de centres de données connaissent réellement les spécifications futures des baies informatiques », affirme le rapport. Par conséquent, les ingénieurs et les décideurs doivent faire face à l'incertitude qui entourera les exigences techniques des centres de données.
3. Les migrations vers le cloud vont faire l'objet un examen plus attentif
Après l’euphorie, la raison, semble signifier Uptime Institute. Les désillusions rencontrées par les entreprises clientes, ainsi que les pannes très médiatisées qui ont touché le cloud, incitent certains clients à y regarder de plus près ». En effet, le plus souvent,
« les directeurs informatiques ont vu l’adoption du cloud public comme un moyen tourné vers l'avenir, peu risqué, flexible et efficace, et peu coûteux. Mais ces hypothèse sont aujourd’hui mises à mal », énonce le rapport. La pression des gouvernements et des parties prenantes obligera les entreprises à examiner de près les risques financiers et autres liés au transfert des applications vers le cloud public.
De fait, davantage d'efforts et d'investissements devront être consentis par les opérateurs pour garantir que la résilience est à la fois garantie et clairement visible pour les clients, qui pourront s’en justifier plus facilement auprès des régulateurs et pour leur image. Si, par le passé, le cloud a été considéré comme une option à faible risque,
« l'équilibre de l'incertitude est en train de changer, tout comme les équations de coût », annonce l’Institut.
4. L'efficacité énergétique au service de l'informatique… enfin
La consommation d'énergie des centres de données est non seulement coûteuse (et génère des émissions massives de carbone), mais elle exerce également une pression sur des réseaux déjà très sollicités. Cette situation, concomitante à une inexorable augmentation des prix de l’électricité, sera de plus en plus intenable dans les années à venir.
Face à la disponibilité limitée de l'énergie sur les principaux marchés des centres de données, aux prix élevés de l'énergie et à la pression croissante pour respecter la législation sur le développement durable, l'empreinte énergétique des entreprises devra être prise en compte plus sérieusement. Ceci nécessitera des efforts de la part de toute la filière (semiconducteurs compris), car les puces représentent un gisement substantiel d’économies d’énergie.
5. Les coûts des centres de données devraient [donc] augmenter
Stable jusqu’à il y a deux ans, le coût de la construction et de l'exploitation des centres de données devrait augmenter en 2023 et dans les années à venir. Certes, la croissance du marché devrait être stimulée par une demande robuste, mais les besoins des opérateurs en capitaux ne devraient pas faiblir non plus en raison de projets d’expansion.
Cependant, l’inflation et la montée des taux devraient tarir quelque peu les capacités de financement des opérateurs, rendant moins accessible et plus coûteux les levées de capitaux. La récente hausse des coûts de construction a pu en choquer plus d'un, mais elle n’est pas fortuite. Les longs délais d'attente pour certains composants importants (comme certains générateurs électriques et les systèmes d’onduleurs centralisés) ont fait grimper les prix.
« D'ici à 2022, les coûts des spécifications Tier III auront augmenté de 1 à 2 millions de dollars par MW », selon les estimations d'Uptime. De plus, les délais d'exécution ont été rallongés. Ils peuvent désormais atteindre ou dépasser 12 mois, ce qui prolonge les projets d'extension de capacités et de rénovation, et empêche parfois les opérateurs de tirer des revenus d'installations quasi complètes.
Dans l'ensemble, les crises actuelles ont eu un impact significatif sur l'économie des centres de données, en affectant la chaîne d'approvisionnement, les prix et les dépenses des opérateurs. L’émergence de tendances en matière de centres de données, telles que l'utilisation de sources d'énergie renouvelables et la mise en œuvre de technologies à haut rendement énergétique, contribuent certainement à réduire l'empreinte environnementale, mais pas leurs investissements. Le seul facteur qui pourrait limiter l’augmentation des tarifs est la croissance durable du secteur, alimentée par une demande qui reste soutenue.