Premier éditeur de logiciels en Europe, SAP voit les nuages s’amonceler sur sa tête. Mis en cause en France par l’autorité de la concurrence, il doit faire face aux critiques de ses groupes de grands utilisateurs, en France et en Europe.

Problèmes récurrents avec les audits de ses clients par SAP perçus par eux principalement comme des sources de revenus, satisfaction mitigée sur les conditions de basculement vers le cloud, migration difficile vers la version actuelle S/4 HANA, le ciel de l’éditeur allemand n’est pas sans nuages. A cela s’ajoute l’enquête qui le vise, instruite par l’Autorité de la concurrence en mai 2022 saisie par le CIGREF, l’association des grandes entreprises et administrations publiques, sur ses pratiques commerciales.

L’USF (Association des utilisateurs SAP francophones)  reproche depuis plusieurs années à l’éditeur l’instrumentalisation des accès indirects pour gonfler ses bénéfices. Il s’agit de l'accès par les applications et bots non-SAP aux fonctions et stockage du logiciel SAP. Les compensations demandées par l’éditeur ne sont pas anecdotiques puisque en 2017, il réclamait 64 millions d’euros à la société Diageo et 550 millions d'euros à AB InBev, au titre de la régularisation des licences.

Du côté du DSAG (utilisateurs germanophones) qui représente les entreprises et institutions publiques d'Allemagne, d'Autriche et de Suisse, les désaccords avec SAP portent surtout sur la migration des clients vers le cloud. Seuls 30 % des utilisateurs germanophones sont satisfaits de la stratégie de cloud computing de SAP. De fait, le plan stratégique du géant des ERP visant à amener les clients à utiliser le cloud n’est pas en phase avec les souhaits des grands utilisateurs. Ainsi, les résultats d’une enquête du DSAG, révèlent que parmi les membres du DSAG, 93 % ont déclaré que les solutions SAP sur site avaient une importance élevée ou moyenne, mais moins de 42 % se disaient intéressés par les solutions cloud de SAP, par le biais d'une migration ou par la mise à niveau des applications.  En outre, ils souhaitent que SAP leur fournisse un meilleur soutien, plus personnalisé, plus efficace, dès le début du processus de migration vers le cloud. Le rapport qualité-prix dans un contexte d'augmentation des frais de support, est mis aussi sur la sellette par DSAG.

Passer du modèle tout ERP à la prise en compte des échanges BtoB avec Business Network  

A l’heure, où les ruptures de chaîne d’approvisionnement et l’évaluation de l’empreinte carbone globale d’un produit obligent les entreprises à partager des données avec leurs clients, leurs fournisseurs, voire leurs concurrents, SAP aurait intérêt  à s’appuyer sur sa plateforme Business Network. Ce réseau de partage d’informations permet d’échanger des données commerciales et autres avec tous les acteurs d’un secteur d’activité, automobile, etc.

Forrester et autres consultants s’accordent pour estimer que le cœur de métier, l’ERP, n’est pas en cause mais que le leader européen doit évoluer. L’ensemble des applications, finances, RH, comptabilité, etc. peut être complété par des extensions dans le cloud pour des secteurs particuliers. Reste à convaincre les utilisateurs.

En revanche, si le développement durable est mis en avant par SAP, il s’agit surtout, pour l’heure, d’effets de communication, comme pour de nombreuses entreprises.