n’est-il pas temps de changer les mentalités et les pratiques et d’innover pour faire rimer innovation, ROI et industrie écoresponsable ?
Modifier les croyances de puissances
Vous souvenez-vous des années 90-2010 où les plus grands fabricants mondiaux donnaient le ton en lançant régulièrement un nouveau processeur, sans cesse plus puissant ?Les fabricants de micro-ordinateurs et de serveurs leur emboîtaient alors le pas en lançant de nouveaux matériels, qui rendaient les anciens « ringards », voire obsolètes.
Les éditeurs de logiciels, les intégrateurs et SSII apportaient leur concours à ce « grand remplacement », incitant les entreprises à renouveler en conséquence leur parc informatique.
La sacro-sainte croyance de cet écosystème reposait sur le fait que, face à cette évolution rapide, il était indispensable de rester en haut de la courbe technologique pour maintenir sa place dans la course à la performance et à la rentabilité. Si à l’ère du cloud, les fabricants de matériels ont cessé de faire la pluie et le beau temps, une grande partie du business modèle de notre écosystème numérique reste basée sur la vente de matériels et de logiciels. Mais, puisque ces pratiques détruisent notre planète à petit feu, n’est-il pas temps d’en changer ?
Changer les habitudes de consommation numérique
Certes, l’industrie numérique a pris conscience de la lourdeur de son empreinte numérique. De nombreuses entreprises se mobilisent pour promouvoir les éco-gestes auprès de leurs collaborateurs : trier les courriels, mettre en copie uniquement les personnes directement concernées, éviter d’utiliser la caméra lors des visioconférences, ne plus imprimer, etc. Ces intentions sont louables et auront certainement un impact positif. Néanmoins, la récente enquête de l’ADEME à montré qu’environ 78% de l’empreinte carbone de l’industrie du numérique provient de l’ensemble du cycle de vie des équipements, depuis l’extraction des matières premières, en passant par la fabrication, jusqu’à la gestion des déchets. Si nous ne changeons pas la donne, à l’horizon 2040, le numérique sera à l’origine de 24 millions de tonnes équivalent carbone, soit environ 7% des émissions de la France, contre 2% aujourd’hui. Les matériels les moins polluants étant ceux qui ne sont pas fabriqués, il est urgent de promouvoir toute initiative permettant d’allonger la durée d’usage des équipements numériques, leur réparation si possible, et l'utilisation de produits reconditionnés. C’est le sens de la loi du 15 novembre 2021, qui vise à réduire l’empreinte environnementale en France afin de faire converger transition numérique et transition écologique. En parallèle, il serait temps que les acteurs de notre secteur se responsabilisent. Basé depuis des décennies sur la consommation de matériels et de logiciels, leur business modèle n’est plus viable.Privilégier la mise à jour plutôt que le renouvellement des systèmes
Certaines pratiques abusives ne font qu’amplifier le problème. Par exemple, au cours de l’été 2021, le CIGREF, le réseau français de DSI de grandes entreprises, a saisi l’Autorité de la Concurrence en dénonçant les pratiques potentiellement anticoncurrentielles de certains fournisseurs dans le secteur des services numériques vis-à-vis des utilisateurs professionnels. SAP est le premier éditeur visé par le CIGREF mais d’autres saisines devraient suivre à l’encontre de Microsoft, Amazon Web Services, Salesforce et Google. Parmi ces pratiques abusives, le CIGREF cite « le verrouillage » et « l’étranglement tarifaire » du client par les fournisseurs SaaS, le paiement à la valeur ajoutée plutôt qu’à l’usage ou à l’utilisateur ou encore le plafonnement des accords de licence de logiciels (SLA). L’entente apparente entre ces acteurs limite le support pour les anciennes versions et semble enfermer le client dans des dispositifs apparemment si contraignants et avec si peu de valeur ajoutée qu’il n’a, a priori, d’autre choix que de se débarrasser de ses anciens systèmes pour en acquérir de nouveaux, alors même que ces derniers pourraient être en parfait état de marche. Où est la sobriété numérique dans tout cela ?Réduire l’impact environnemental grâce à l’innovation
S’il y a une raison fonctionnelle et un ROI dans le changement de ces matériels et logiciels et dans les montées en version, alors oui, les changer pourra être rentable. Mais la plupart du temps, ces investissements lourds ont une rentabilité marginale. Aujourd’hui, de par notre expérience, basée sur plusieurs années de collaboration avec nos clients grands comptes, nous savons qu’il est possible d’innover en concevant des solutions et des produits qui permettent de moderniser de façon rentable, sans les changer, ces plateformes ERP, très utilisées par les entreprises. Des solutions existent qui permettent d'encapsuler les systèmes et de faire évoluer, tout en assurant une compatibilité avec les dernières versions des logiciels existants. Ces systèmes peuvent ainsi continuer à être utilisés pendant encore une vingtaine d’années et être connectés au cloud, le cas échéant. Les clients doivent avoir la liberté de choisir et ne pas être forcés au réachat. Outre la perte financière, il est plus que temps de prendre conscience des dégâts à l’échelle de la planète ! Une alternative existe, voilà enfin une bonne raison de nous réjouir…Il est temps de dire stop à ce business modèle et à ces pratiques qui voient de grandes multinationales, éditeurs, intégrateurs et autres ESN pousser les entreprises à la consommation, en dépit de la situation environnementale actuelle. Les entreprises doivent savoir qu’elles peuvent éviter de changer leurs matériels tous les 4 ans, en les modernisant de façon rentable. Elles peuvent ainsi faire rimer ROI et comportement vertueux sur le plan environnemental. La sobriété numérique est à leur portée.
Par Emmanuelle Hose, GVP & General Manager EMEA chez Rimini Street