Ce concept vise à octroyer plus d’autonomie aux métiers sur leurs données, mais également sur leurs applications (notamment analytiques). Il est donc l’espace privilégié pour expérimenter de nouveaux usages et moderniser de manière concrète, éprouvée et qualifiée les processus métiers qui utilisent ces données et applications. Il vise à favoriser la collaboration entre les équipes informatiques et les métiers selon un nouveau modèle de gouvernance des données. Une belle promesse qui nécessite des prérequis, dont la maîtrise des fondamentaux de la data.
Transformer l’entreprise via les nouveaux usages des données
Le data mesh est, en quelques mois, devenu un sujet de réflexion majeure de toute entreprise visant à se transformer via la data, l’innovation et le numérique. S’il est appliqué et généralisé dans l’entreprise, il devrait lui permettre de se réinventer, et de se moderniser de manière plus réactive face aux nombreux changements externes, et de ce fait d’être plus concurrentiel et profitable.Il nécessite néanmoins, au-delà d’une ambition forte affichée par les Directions Générales via leurs sponsorings, une véritable maîtrise des données, une gouvernance fédérale rapprochant technologie et métiers, une certaine maturité « data » ainsi qu’un socle data structuré et technologiquement adapté. Ce socle devrait prendre la forme, sur le plan
« fonctionnel », d’une data fabric qui possède tous les fondamentaux conceptuels nécessaires à la mise en place de data meshes.
Dans ce cadre, il pourrait être envisageable que cette data fabric capte, stocke et mette à disposition des datas comme des «matières premières » aux systèmes data meshes afin que ces derniers les raffinent et créent des « produits métier ». Même si le concept est séduisant, la construction opérationnelle, efficiente et généralisée de tels systèmes reste longue, complexe et coûteuse. Dans nombre d’entreprises, elle sera de plus freinée par des absences ou des insuffisances de prérequis (gouvernance, plateforme, culture…).
De fait, il est judicieux d’adopter une méthodologie visant, dans un premier temps, l’expérimentation des data meshes et dans un second temps une industrialisation sur un seul domaine métier avec un périmètre « limité ». Une démarche progressive sera probablement la première clé du succès du déploiement de ce type de système. La deuxième clé sera évidemment la recherche du ROI associé à la mise en place des data meshes, qu’il soit quantitatif ou qualitatif. La troisième sera sûrement de coupler « data meshes » et « modernisation des processus » en octroyant via ces systèmes une certaine
« liberté maîtrisée » aux métiers de mener des expérimentations visant à réinventer leurs processus métier. Par exemple, chaque métier pourra, dans son système data mesh et sans nuire à l’informatique corporate, concevoir et éprouver la mise en place d’un modèle IA dans tel ou tel processus, et ce, sans forcément solliciter la DSI et en s’octroyant le droit de faire fausse route.
Finalement, peut-être que la clé principale de succès du data mesh réside dans la capacité des organisations à démocratiser les données, à rendre les métiers plus autonomes, tout en mettant en place un cadre de collaboration agile.
Même si trois des quatre piliers du data mesh sont très orientés « domaine métier »,
« gouvernance », « data as a product », le quatrième (plateformisation) est fondamental dans la construction d’un data mesh. Comme vu plus haut, il est souhaitable que cette plateforme porte une architecture de type data fabric liée à des règles d’urbanisation. Plateforme devenant de fait « stratégique » et « critique », elle sera sous la responsabilité de la DSI qui devra garantir la TCO, la sécurité, la conformité, la disponibilité ainsi que le bon appareillage en termes d’outils logiciels. La DSI aura un enjeu de taille d’utiliser des outils adaptés permettant de porter des fonctions orientées data « ultra-performantes » et de proposer des logiciels adaptés à une exploitation des données par les métiers. La plateforme se positionnera ainsi comme un passage obligé des données et comme un véritable concentrateur de données, facilitant sa maîtrise, sa gestion, sa sécurisation et son exposition, mais permettant surtout de diffuser les bons produits data aux data meshes.
Positionner des curseurs entre l’IT et les métiers
Labonne décentralisation vers les métiers implique donc une préparation de la matière première en un point. L’agilité et la réactivité demandées par les métiers devra se faire par l’octroi de conteneurs d’agilité afin de donner aux équipes la flexibilité de faire des essais autour de la donnée, sous le contrôle et la maîtrise du CIO ou du CTO.Ainsi d’un côté l’agilité et la liberté d’expérimenter et de l’autre la maîtrise et la sécurité. Un curseur complexe à positionner notamment si les organisations souhaitent limiter le Shadow IT, puisque c’est bien le défaut de maîtrise des « développements » métier qui risque de freiner les DSI. L’urbanisation, les règles de gouvernance, la définition claire des responsabilités, la gestion intelligente et partagée de l’actif data ainsi qu’une acculturation de l’ensemble de l’organisation seront les éléments majeurs qui permettront de limiter ce risque.
Vers de l’agilité maîtrisée et de la décentralisation fédérée
L’agilité maîtrisée rendue possible par le concept du data mesh (et une bonne dose d’urbanisation !) est un challenge organisationnel, technique et culturel. Il ne faut pas sous-estimer les autres « tensions » qu’elle pourra entrainer et singulièrement les tensions politiques au sein de l’entreprise. C’est une des raisons majeures de l’implication de la Direction Générale dans ce type de transformation. La décentralisation fédérée est complexe compte tenu des problèmes d’organisation, de révision des processus et des responsabilités que chacun n’avait pas auparavant. Elle inclut une dose non négligeable de formation et d’accompagnement pour que les équipes métiers comprennent bien ce qu’on leur demande et le gain qu’elles en tireront.Les investissements nécessaires
La mise en place d’un data mesh nécessite quatre principaux domaines d’investissements. Tout d’abord, il est recommandé de ne pas faire d’économies sur le conseil et de s’entourer d’experts, et privilégier la réflexion amont et l’expérimentation préalable. Cela permet de savoir d’où l'on part, où l'on va, avec une vision à 360° allant de la stratégie d’entreprise à l’acculturation en incluant les métiers, la règlementation, les technologies et l’innovation.Le budget inclut également les manques à combler, comme la mise en place d’une gouvernance des données ou d’outils de gestion des données. Les investissements comprennent par ailleurs l’architecture data et la plateformisation, qui peut être réalisée au sein de datacenters, dans un cloud chez un hyperscaler, ou dans un cloud souverain. Enfin, elle engage toute la phase de mesure du bénéfice visé.
Le data mesh nécessite un investissement sur la durée pour maintenir un niveau optimal de qualité des données, et pour suivre l’évolution des métiers et des règlementations.
Le retour sur investissement comme fil rouge
Avec de nombreux investissements nécessaires, l’une des problématiques principales des entreprises qui lancent un chantier de data mesh est de générer une rentabilité rapide. C’est pourquoi une approche progressive est conseillée. Il vaut mieux commencer à déployer un data mesh processus métier par processus métier, pour montrer de premiers retours sur investissement, faciles et retentissants, avant de lancer un projet pharaonique qui pourrait ne pas aboutir.Le data mesh est aujourd’hui le niveau de maturité absolu dans la gestion des données, intégrant tous les prérequis de maîtrise et de gouvernance des données. Elle est l’avenir des plateformes et des organisations orientées données, mais pas sans efforts.
Par Denis Skalski, Senior Strategy Data & Consulting Data advisor chez Kyndryl France