Les alertes se multiplient à l’échelon local. Les associations du secteur médical parlent d’été « catastrophique », avec en cause un manque de personnel inédit et pas moins de 120 services d’urgence qui ne peuvent pas tourner à plein régime. D’où une question – littéralement – vitale : quelles solutions pour cette crise ?
Un été sous tension
L’été est synonyme de vacances, de soleil et de repos. Mais ça ne sera pas le cas pour les soignants qui sont surmenés et à qui l’on en demande encore davantage pour passer l’été. La « mission flash » commandée par l’exécutif au Docteur Braun, depuis nommé Ministre de la Santé, évoque 41 recommandations pour sauver l’été. Des mesures sont déjà mises en œuvre : doublement de la rémunération des heures supplémentaires, appel aux médecins retraités ou infirmiers formés mais pas encore diplômés…
Ces recommandations sont vues d’un œil positif par le président du syndicat UFML, Jérôme Marty, pour qui les propositions « vont dans le bon sens ». D’autres comme l'Association des médecins urgentistes de France (AMUF) accusent la mission flash de « mettre la population en danger » en mettant en place un tri des malades avant l’accès aux urgences, comme cela se fait déjà au CHU de Bordeaux. Les décideurs cherchent à trouver un difficile équilibre entre qualité des soins et limites des capacités du personnel et des budgets.
Or si à court terme les solutions relèvent du bricolage, il existe des solutions plus intéressantes à long terme. Et les nouvelles technologies ont bien leur rôle à jouer. Nous ne disons pas cela à la légère : en tant que fournisseur de solutions de santé, nous sommes une société de mission avec une forte responsabilité sociétale avec le devoir d’améliorer le système de soins pour les malades et les soignants.
Pas de poudre de perlimpinpin : place aux technologies simples qui ont du sens
Pour permettre aux soignants de bien accueillir et soigner les malades qui arrivent aux urgences, il faut qu’ils soient bien équipés afin d’avoir accès aux informations patients et d’être protégés si nécessaire (80% des soignants se sont déjà faits agressés sur le lieu de travail). 20% des patients qui passent par les urgences sont ensuite hospitalisés. Il faut donc assurer la bonne diffusion des informations pour éviter la redondance d’actes médicaux et réduire le risque pour la santé du patient. Il faut rappeler que l’une des premières causes de morbidité à l’hôpital est l’interaction médicamenteuse : par exemple lorsqu’un patient Alzheimer arrive aux urgences, incapable de décrire son traitement et donner tout simplement son nom, il faut avoir les moyens de l’identifier et accéder à son historique de traitement pour pouvoir le prendre en charge en lui dispensant le bon traitement. Permettre au soignant de façon simple sur un smartphone professionnel d’accéder aux données historiques du patient, de suivre à distance l’évolution de son état de santé, de programmer une prise en charge dans un service, de demander de l’aide ou de communiquer sur un réseau sécurisé avec le reste de l’équipe médicale est un minimum. Tout ceci amène de la fluidité, de l’efficacité, du stress en moins et permet à nos soignants d’être mieux considérés, d’avoir plus de temps pour soigner leurs patients.
On ne parle donc pas de technologies révolutionnaires. Mais de solutions qui ont du sens pour mettre un peu « de pragmatisme » dans les rouages d’un établissement pour en améliorer l’organisation. Autre exemple, dans les services de soins critiques, une étude a dénombré près de 2000 alarmes sonores par patient et par jour. Réduire le bruit ou le nombre de ces alarmes grâce à la technologie permet aux soignants d’être moins stressés et aux patients de mieux récupérer dans un environnement plus apaisé. Là encore, saupoudrer d’un peu de pragmatisme les flux d’un établissement permet aux soignants de ne recevoir que les alarmes prioritaires et d’alléger ainsi leur charge de travail, physique et mentale. En dehors de l’hôpital, la technologie au service des urgences a aussi son rôle à jouer avec des outils technologiques qui permettent aux patients de rentrer chez eux et d’être monitorés à domicile.
Où en est-on dans l’implémentation des nouvelles technologies à l’hôpital aujourd’hui ? Le numérique est une solution sur le long terme. Avec le développement du Plan Ma Santé 2022, un travail considérable a été fait par les équipes de la DNS pour mettre en place la colonne vertébrale de notre système de soins. Désormais, l’infrastructure, les guidelines et les premiers outils sont là. Je ne crois pas que le sujet soit économique. Le vrai sujet sur l’implémentation du numérique concerne plutôt l’interopérabilité et la communication entre les systèmes. Il ne s’agit pas de tout transformer mais de partir de l’existant et adapter pas à pas, pour favoriser l’adoption des technologies auprès des soignants et leur donner les informations utiles à leur mission première : soigner et sauver des vies. Par la suite, nous pourrons monter en gamme avec des algorithmes de traitement de données, des outils d’aide au diagnostic basés sur l’Intelligence Artificielle… Mais il faut d’abord mettre en avant des technologies qui ont du sens, des choses simples avec des bénéfices visibles immédiats afin de réduire la pression chez les soignants en leur montrant que le numérique est réellement bénéfique au quotidien.
Par Carlos Jaime, Directeur Général d’Ascom France & Spain