Selon l’enquête Universum Cadres 2025, la fidélité des cadres français s’effondre et les priorités changent. Respect, rémunération et équilibre de vie passent avant les valeurs symboliques et les discours sur le sens. Les entreprises doivent refonder leur promesse employeur sur le vécu concret plutôt que sur l’image.
En apparence, le paysage des employeurs préférés évolue peu. Les grandes marques françaises conservent une aura de stabilité, symbole d’excellence et de sécurité dans un monde professionnel encore marqué par l’incertitude. Mais derrière cette façade, les lignes bougent. LVMH et Airbus demeurent en tête, tandis que L’Oréal et Thales grimpent dans le classement grâce à une image d’innovation soutenue par une communication cohérente et un engagement visible envers les collaborateurs.
À l’inverse, Ubisoft et Decathlon reculent, victimes d’un décalage entre réputation publique et expérience interne. L’attractivité ne se mesure plus seulement à la notoriété, mais à la confiance inspirée par la pratique quotidienne du management et la clarté des trajectoires de carrière.
Une fidélité en chute libre malgré la prudence économique
Les dynamiques sectorielles confirment la progression du numérique et du conseil. Capgemini, Dassault Systèmes, CGI ou Thales incarnent une attractivité nouvelle fondée sur la compétence, la stabilité et la perspective d’évolution. Dans l’ingénierie, la possibilité d’évoluer à l’international et de travailler sur l’intelligence artificielle renforce l’intérêt des candidats. Le conseil en stratégie et les sociétés d’ingénierie retrouvent un rôle de référence, à contre-courant du recul observé dans l’audit. Ce mouvement traduit une évolution des attentes. Les cadres cherchent moins le prestige institutionnel que la maîtrise de leur trajectoire et la reconnaissance de leur expertise.
Plus d’un cadre sur deux prévoit de quitter son entreprise d’ici deux ans. Ce record traduit une perte de confiance envers la promesse employeur et un décalage croissant entre discours et pratiques. L’équilibre de vie devient le premier critère de choix, mentionné par 73 % des cadres expérimentés, tandis que les jeunes diplômés valorisent davantage le droit à la déconnexion. Les entreprises qui tardent à instaurer des formes effectives de flexibilité s’exposent à une érosion accélérée de leurs capacités à attirer et à retenir les talents. La fidélisation passe désormais par des conditions de travail concrètes et un management de proximité. Les slogans ne suffisent plus.
La fracture générationnelle à l'épreuve de l’IA
La transition numérique met en lumière un décalage entre générations. Seuls 47 % des cadres se sont formés à l’IA contre 59 % des étudiants. Ce retard alimente un risque de déclassement technologique de l’encadrement intermédiaire. Les jeunes profils, plus familiers des outils de productivité et des agents conversationnels, affirment et renforcent leur pouvoir d’initiative. La formation continue devient une condition de maintien dans l’emploi plutôt qu’un avantage. Les entreprises qui investissent dans la requalification préservent la compétitivité de leurs équipes et évitent une fracture générationnelle susceptible de fragiliser leur organisation.
Les enseignements du rapport Universum 2025 marquent un tournant. La marque employeur, longtemps centrée sur la communication et la mise en scène, doit céder la place à une marque d’expérience fondée sur la cohérence entre discours et réalité. Elle pourrait se résumer ainsi : ce n’est pas en installant un babyfoot et un panier de fruits dans l’entreprise que l’on renforce l’engagement, mais en respectant les collaborateurs, en les rémunérant équitablement et en leur donnant les moyens d’évoluer. Aussi, pour rester compétitives, les entreprises doivent passer d’une logique de séduction à une logique de confiance. La fidélisation repose désormais sur la crédibilité du quotidien, non sur l’image projetée.