Lorsqu’ils sont interrogés sur la protection de la vie privée et des données, les Français manifestent un important manque de confiance dans les GAFAM et les réseaux sociaux. Pourtant ce sont les services les plus utilisés avec toutes sortes d’informations personnelles et, bien souvent, d’ordre privé.
Les affaires de violation de la vie privée et d’utilisation abusive d’informations des internautes pour des usages principalement marketing et, dans le cas de Cambridge Analytica, d’influence idéologique et politique ont rendu les internautes très méfiants à l’égard des services en ligne. Ceci vient s’ajouter aux affaires de vol et de ventes de données personnelles de millions d’utilisateurs qui ont défrayé la chronique ces dernières années.
D’après l’analyse des violations de données effectuée par la Security Response Team de Tenable, entre janvier et octobre 2020, 730 incidents de divulgation publique ont été recensés, entraînant l’exposition de plus de 22 milliards de dossiers dans le monde entier. La défiance des internautes à l’égard des acteurs du web ne fait que grandir, mais paradoxalement leur utilisation des services en ligne les plus « dataphages » (GAFAM et réseaux sociaux entre autres) ne fait que croître.
Une défiance transverse
D’après le sondage Odoxa-Oracle pour nos confrères de l’émission Tech&Co sur BFM Business, 71 % des Français ont le sentiment que les données personnelles qu’ils communiquent sur Internet sont mal protégées. C’est un sujet d’inquiétude majeur et qui touche toutes les couches de la population. Il s’agit d’une préoccupation transverse dans la population, quelles que soient les catégories d’âge, peut-on lire dans le rapport (66 % des 18-24 ans, 72 % des 65 ans et plus), de niveaux de revenus mensuels du foyer (67 % des revenus à moins de 1 500 €, 67 % des revenus à 3 500 € et plus) ou de zones de résidence (72 % dans les communes rurales, 75 % dans l’agglomération parisienne).
Le manque de confiance quant à la protection des données personnelles sur Internet est même plus élevé chez les cadres (75 %), « population généralement plus experte des questions relatives à l’Internet », explique le rapport.
Les banques et les organismes publics bénéficient d’une bonne image
Cependant le niveau de défiance est contrasté selon les secteurs, certains bénéficient d’une meilleure réputation auprès des Français. Pour garantir la sécurité de leurs données personnelles sur Internet, les Français font confiance aux banques (70 %) et à l’État et aux services publics (65 %). Pour les banques, les mesures prises pour maintenir la confiance dans les transactions en ligne et les moyens de paiement (authentification 3D par exemple) ont porté leurs fruits. Par ailleurs, l’État et les organismes publics bénéficient d’une bonne image, car les Français ont expérimenté les services publics en ligne, comme le paiement et la déclaration en ligne de l’impôt, la demande de documents d’état-civil ou la gestion des relations avec l’Assurance maladie.
En revanche, ils ne font que moyennement confiance aux FAI (51 %), aux sites de commerce en ligne (54 %) et aux messageries en ligne (55 %). Ces services étant incontournables, ils restent tout de même dans le ventre mou de la défiance des Français. Associés aux moyens de paiement, et donc aux informations bancaires, les sites de e-commerce ont encore du chemin à faire pour atteindre un niveau de confiance satisfaisant.
Le paradoxe des GAFAM et des réseaux sociaux
Tout en bas du classement et en haut des inquiétudes des Français, les GAFAM obtiennent 70 % de réponses soupçonneuses et les réseaux sociaux 80 % de répondants méfiants. Ces niveaux de défiance très élevés sont une énigme. Ils sont en contradiction totale avec les niveaux d’utilisation de ces services en ligne. Des millions de Français confient quotidiennement des informations de toutes sortes à ces deux types de services. D’une part ces données sont reliées à des utilisateurs identifiables, donc faisant partie des données personnelles protégées par le RGPD, et de l’autre, ce sont des informations sous toutes les formes (photos, messages personnels, vidéos) et dévoilant, la plupart du temps, des informations considérées d’ordre privé comme les opinions politiques, les croyances religieuses, les goûts culinaires, vestimentaires ou sexuels par exemple. L’explication d’un tel paradoxe reste à trouver.
Lorsqu’ils sont interrogés sur les démarches qu’ils sont prêts à exécuter pour exercer leurs droits sur leurs données personnelles, « les Français sont surtout prêts à effectuer des démarches simples, de court-terme », explique le rapport. En somme, il ne faut pas trop leur en demander pour entreprendre des démarches pourtant légitimes : « 56 % d’entre eux déclarent qu’ils pourraient utiliser le mode “navigation privée” de leurs navigateurs pour explorer le web sans qu’aucun cookie ne soit installé et 50 % qu’ils pourraient exercer leur droit d’opposition, de rectification ou d’accès auprès d’un site ».
Allergiques aux démarches compliquées
On remarquera le conditionnel dans la formulation de ces réponses, ce qui signifie qu’on ne sait pas combien de Français utilisent réellement ces garde-fous pour contrôler l’usage de leurs données personnelles. Enfin, lorsque les démarches se compliquent, les Français sont moins intéressés, par exemple la possibilité d’exercer leur droit de déréférencement auprès de la CNIL (28 %), qui peut être considéré comme supposant une implication plus forte de l’internaute, tout comme le fait d’engager une démarche auprès d’une association de consommateurs pour faire respecter leurs droits auquel seuls 28 % des Français pourraient avoir recours.
L’enquête Odoxa-Oracle a été réalisée auprès d’un échantillon de 970 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, et interrogé par Internet les 6 et 7 janvier 2021.