De plus en plus de voix s'élèvent pour évoquer la menace d'un 'Bubble 2.0'. Les leçons de la bulle Internet ont-elles été retenues ?
Il y a eu la première vague, celle du silicium, durant les années 70 et 80, marquée par la création des géants comme HP et Apple, ou encore par l'âge d'or du mainframe et des 'mini', ainsi qu'à l'opposé du PC, qui ont fait la fortune d'IBM.
La seconde vague, celle de l'Internet, a été l'aboutissement de la période de la fin des années 80 et des années 90. Elle s'est terminée brutalement, avec les attentats du 11 septembre 2001, fortement ressentis aux Etats-Unis, qui ont participé à précipiter l'écosystème des start-ups dans la crise avec l'implosion de la bulle internet.
Et voici que de plus en plus d'analystes affirment que nous sommes entrés la troisième vague, celle du retour de l'argent qui flambe et des licornes, qui préfigurerait une seconde bulle dont l'implosion serait des plus désastreuse.
Tout a changé, rien ne change
La très grande majorité des équipes qui sont aujourd'hui les acteurs des technologies sur la Silicon Valley soit n'ont pas connu les deux premières périodes, soit étaient adolescents et n'ont pas le souvenir des entreprises créées dans un garage, le dortoir d'une université ou sur les ordinateurs de l'entreprise qui les employait après les horaires de travail.
Pour autant, les vétérans de la Valley continuent d'affirmer que si les hommes, les méthodes, les outils et les produits ont changé, l'éthique demeure sensiblement la même, combinaison de compétences, d'investissements personnels, de persistance, et aussi de chance. Et les capitaux risqueurs seraient toujours les mêmes…
Seulement voilà, la petite communauté de débuts du silicium a sacrément grandi, emportée par le California Gold Rush, autre surnom du boom de l'Internet dans les années 90. C'est la période où les sociétés de capital risque se sont mises à empiler les milliards de dollars dans l'attente et l'espoir de réaliser l'une des IPO du siècle. La Silicon Valley et le monde des start-ups sont alors entrés dans une nouvelle ère, celle de l'argent facile que affluait vers les 'dot-com'. Et s'y sont brulés les ailes à la suite de l'implosion qui a marqué le début du siècle.
Le retour des mentalités et de la culture de l'argent
Cette ère de l'Internet s'est accompagné également de la naissance d'une nouvelle génération d'entrepreneurs à la mentalité différente, reposant moins sur la culture du PC que sur celle de technologies qui ne sont plus la révolution mais au service de la révolution.
C'est ainsi que l'ère qui a suivi, celle de l'Open Source, a encouragé une nouvelle culture du partage et de la collaboration. Ce n'est pas une vague, mais l'évolution de la vague Internet. Une culture du développement des modules qui composent un projet massif est née, avec ses effets positifs sur ceux qui y participent, et une accélération des temps de développement et de mise sur le marché.
Cette accélération se traduit aujourd'hui par un nouveau phénomène, celui de l'uberisation. Et par celui moins perceptible d'une nouvelle forme de 'small is beautiful', celui des apps, des API, mais aussi des engagements solitaires et à court terme, et de la fin de l'emploi salarié au profit ses 'petits' contrats.
Toujours plus vite…
La course reste engagée. Mais l'orientation des nouveaux dirigeants de la Valley - vers la transformation, le collaboratif et l'exécution - est-elle, comme certains veulent nous le faire croire, une vertu ? La course aux licornes, ces jeunes pousses investies d'une mission, celle de dépasser coûte que coûte la valorisation du milliard de dollars, n'est-elle pas le ferment d'un danger, celui de favoriser l'émergence d'une nouvelle bulle ?
Les dirigeants des capitaux risqueurs affirment que non, qu'ils demeurent vigilants, qu'on ne les y reprendra plus. Sauf que les vieux démons reviennent, que les nouveaux entrepreneurs, comme leurs ainés à leur époque, sont également touchés par la priorité donnée à l'argent qui a marqué l'émergence des dot-com. Et leur chute !
A l'origine, la Siicon Valley s'était fixé pour mission de « changer le monde », et elle y est arrivée. Aujourd'hui, quelle est la mission que se donne l'écosystème de la Valley ? Oiseaux de mauvaise augure ceux qui font planer la menace d'un Bubble 2.0 ? Ou simple avertissement avant une tempête dans un verre d'eau ? La question mérite d'être posée… En se remémorant un précédant, celui de la Route 128 ! (lire « EMC vendu, le Massachusetts pleure ! »).