L’après-crise inspire beaucoup d’articles dont la tonalité générale est que rien ne sera plus comme avant. Dans la mise en place de ce nouveau paradigme, les entreprises technologiques et les autres disposent d’atouts qui leur permettent de jouer un rôle actif dans l’établissement du nouveau modèle post-croissance.
Les spéculations vont bon train essayant de conjecturer ce à quoi ressemblera l’après-crise du Covid-19 pour l’économie et les entreprises. La lecture de la production actuelle de différents intervenants venant d’horizons divers, et même ceux venant d’horizons communs, mais déférant leur allégeance à des écoles différentes, analysent le futur à l’aune de leur inclinaisons idéologiques et des écoles dont ils se réclament.
Cependant, comme nous l’avons écrit dans un précédent article, l’ampleur de la crise, son caractère atypique inusité jusqu’à présent, et le nombre d’inconnues au sortir de la crise sont tellement nombreuses qu’il paraît impossible de prédire ce qui va se passer et, surtout, comment cela va se dérouler. Voici un nouveau point de vue, publié dans Business+Strategy et écrit par Deepali Srivastava, senior director de la stratégie des contenus chez Global Gateway Advisors. Ses articles sur les questions socio-économiques et environnementales expriment une vision dégagée des idéologies dominantes des écoles et des factions auxquelles nous sommes habitués.
En partant de constats que tout un chacun peut faire, nous aboutissons à des contradictions qui remettent en cause les discours les plus optimistes sur l’accroissement du bien-être par la croissance. Alors que la mondialisation de l’économie était supposée créer de la richesse pour tout le monde, les disparités entre riches et pauvre n’ont jamais été aussi criantes. Ceci sans compter le fait que, depuis 2008, la croissance mondiale est restée scotchée aux environs de 2 % en moyenne, ce qui a obligé les pays riches à maintenir de taux bas pour soutenir l’activité. Ajouté à cela l’impossibilité de résorber les déficits, les guerres économiques et le paysage était prêt pour un basculement.
Une économie mondiale à bout de souffle
Déjà, la croissance de pays comme la Chine et l’Allemagne, dont le modèle repose sur l’exportation et qui ont été les locomotives économiques depuis des décennies, commençait à fléchir. Le Covid-19 n’a fait que révéler au grand jour les contradictions d’une économie mondiale à laquelle plus personne ne comprenait rien. Dans ce contexte de remise en cause, les entreprises ont un rôle à jouer pour se débarrasser définitivement de l’image spoliatrice, aliénante et exploitatrice qui leur colle à la réputation depuis la révolution industrielle.
Il y a un peu plus d’un an, Deepali Srivastava écrivait une chronique pour Strategy+business qui explorait l’idée que les économies pourraient sortir des cadres dépendants de la croissance. Son raisonnement s’appuyait sur le fait que le bien-être des citoyens des économies développées était assis sur un paradoxe qu’elle a baptisé le bien-être sans croissance. Contrairement à des idées profondément ancrées, elle explore la possibilité qu’au lieu de poursuivre l’expansion, nous pouvons réaliser des progrès en fixant des limites à l’utilisation des ressources naturelles, au temps de travail, à l’endettement et à l’inégalité des revenus.
« Un curieux mouvement semble prendre racine dans les économies développées, ancré dans une contradiction apparente : le bien-être sans croissance, écrivait-elle. Les partisans de cet état futur, appelé “économie post-croissance”, contestent l’idée que les gains de PIB sont nécessaires pour que les personnes et les sociétés prospèrent ».
Les entreprises ont un rôle à jouer dans le nouveau contrat social
Dans un article plus récent, Deepali Srivastava met en avant le rôle primordial que les entreprises doivent jouer dans ce nouveau paradigme. Elle se tourne vers les capitaines d’industrie et les entrepreneurs pour qu’ils contribuent à mettre en place le nouveau contrat social. Son raisonnement repose sur le fait que les entreprises font preuve de plus de réactivité que les gouvernements. Les gens de nombreux pays pensent que leurs employeurs sont mieux préparés que les gouvernements à naviguer sur le territoire inexploré dans lequel nous sommes aujourd’hui, écrit-elle. Il est vrai que l’épidémie actuelle a mis en évidence la réactivité des entreprises qui ont rapidement mis en place les opérations solidaires pour soutenir les communautés et certains métiers, dits de première et de seconde ligne.
En réagissant de la sorte et sans réquisition gouvernementale, les entreprises se forgent une image civique, sociale et communautaire qui leur donne la crédibilité nécessaire pour intervenir dans le cours de l’évolution post-crise. « En d’autres termes, alors que la croissance économique stagne, nous commençons à voir les entreprises forger un nouveau contrat social avec la société, fondée sur des principes de partage et de distribution. Et je pense que ce nouveau modèle pourrait survivre à la crise », explique-t-elle. L’automatisation, la relocalisation des activités productives, la collaboration en temps de crise et après crise sont autant de nouveaux facteurs qui devront influencer le cours futur de l’évolution. Ceci ajouté au changement attendu du paradigme de la consommation, devraient se conjuguer pour mettre au point un nouveau modèle, le modèle distributif basé sur les échanges, tous les échanges qui permettent d’améliorer la condition humaine, et par là le bien-être de tous.