IFS revendique désormais un rôle structurant dans l’architecture opérationnelle des entreprises intensives en actifs. Dans cet échange, Vaibs Kumar, SVP Technology chez IFS, explicite la trajectoire stratégique de l’éditeur, l’ambition autour de l’orchestration agentique, la logique d’écosystème avec Siemens, Microsoft, Anthropic ou Boston Dynamics, et la manière dont l’entreprise entend conjuguer innovation, fiabilité et exigences européennes de souveraineté et de gouvernance.
IFS ne se limite plus à son identité historique d’éditeur ERP ou EAM. L’entreprise assume une approche holistique couvrant l’ensemble du cycle de vie des actifs industriels. L’IA générative accélère ce repositionnement, à condition d’être industrialisée, fiable, explicable et soutenable à long terme. Architecture, orchestration, interopérabilité et souveraineté deviennent des axes cardinaux de sa stratégie.
IT Social — Quelle direction stratégique IFS privilégie-t-il aujourd’hui dans un paysage où l’IT, l’OT et l’opérationnel convergent rapidement ?
Vaibs Kumar : Nous restons alignés sur une conviction forte : accompagner des industries critiques qui construisent, opèrent et sécurisent des infrastructures essentielles. Notre suite s’étend sur l’intégralité du cycle de vie des actifs, depuis la décision d’investissement jusqu’au service terrain. L’IA, et particulièrement l’IA générative, renforce cette continuité. Mais dans nos industries, l’IA doit être fiable, explicable, traçable ; elle ne peut pas se permettre l’approximation. Notre travail consiste donc à industrialiser l’IA, pas simplement à la démontrer.
IT Social — IFS revendique désormais davantage qu’un rôle ERP/EAM : jusqu’où étendez-vous votre périmètre fonctionnel et opérationnel ?
Vaibs Kumar : Nous allons clairement au-delà. Nous opérons déjà comme une plateforme cloud unifiée pour les industries intensives en actifs, mais nous élargissons notre champ vers l’opérationnel : ingestion des données capteurs, compréhension physique des comportements d’actifs, détection d’anomalies, génération automatique d’ordres de maintenance, pilotage intelligent des équipes terrain, optimisation dynamique. Nous préparons également l’interaction accrue avec le monde physique, notamment via la robotique. L’objectif est simple : relier continûment IT, OT et exécution terrain.
IT Social — Le marché OT/IoT demeure fragmenté, concurrentiel et technologiquement hétérogène. Quelle position IFS construit-il durablement dans cet environnement ?
Vaibs Kumar : Nous construisons cette position par des partenariats choisis et profonds. Siemens pour l’IoT industriel et des coopérations avancées ; Microsoft pour l’infrastructure cloud et le co-déploiement ; Nvidia et Boston Dynamics pour l’interaction avec le monde robotisé. Certaines de nos capacités sont même intégrées dans les offres de partenaires, ce qui prouve la portée de notre valeur. En revanche, nous ne cherchons pas à tout couvrir : nous ne descendons pas au niveau des contrôleurs industriels ou SCADA. Notre différenciation réside dans la compréhension des processus métiers et opérationnels et dans la capacité à orchestrer efficacement l’ensemble.
IT Social — Vous évoquez une orchestration « agentique ». Cela signifie-t-il qu’IFS ambitionne de maîtriser la couche d’exécution intelligente au-dessus des systèmes existants ?
Vaibs Kumar : Oui, clairement. Nous voulons maîtriser la couche d’information qui constitue le socle de vérité métier, mais aussi la couche d’orchestration agentique. L’acquisition de Loops matérialise cette ambition. Les « digital workers » doivent exécuter des processus complexes, interagir avec des environnements hétérogènes, assurer sécurité, gouvernance, auditabilité, explicabilité et intervention humaine lorsque nécessaire. Il s’agit d’une orchestration industrielle, fiable, adaptée à des environnements critiques. Rien à voir avec des démonstrations ponctuelles ou des usages gadgets.
IT Social — Architecture, interopérabilité, qualité des données : disposez-vous réellement des bases techniques permettant aux entreprises de bâtir des usages IA robustes ?
Vaibs Kumar : Oui, parce que tout repose sur des standards ouverts et une architecture cohérente. API normalisées, compatibilité MCP, protocoles collaboratifs agents, structuration des données, gouvernance renforcée. À cela s’ajoutent les briques nécessaires : bases vectorielles, graphes de connaissances, modèles internes ou externes, plateformes de données maîtrisées. Une partie est native dans IFS Cloud, une autre peut être apportée au client selon ses contraintes. L’objectif reste constant : offrir des fondations stables et éviter les architectures bricolées.
IT Social — Plusieurs éditeurs prétendent devenir l’ossature d’intégration des environnements industriels. IFS revendique-t-il ce rôle ?
Vaibs Kumar : Dans les faits, oui. IFS fonctionne comme une matrice d’intégration et d’orchestration. Mais nous ne présentons pas cela comme une posture marketing. Notre priorité reste de résoudre des problématiques métiers réelles. Si nous devenons ce « tissu d’intégration », c’est parce que notre compréhension des industries, des opérations et de l’IA le rend cohérent et utile pour nos clients.
IT Social — Comment percevez-vous l’évolution du marché et la recomposition concurrentielle autour de l’IA industrielle ?
Vaibs Kumar : Nous contribuons directement à structurer ce marché futur. Nos alliances avec Anthropic, Microsoft, Siemens ou des acteurs robotiques traduisent une conviction qu’aucune entreprise ne transformera seule l’industrie. Les évolutions viendront de coalitions crédibles capables de proposer une transformation complète, gouvernée, sécurisée et réellement opérationnelle.
IT Social — Les attentes européennes s’orientent désormais clairement vers la souveraineté, la gouvernance et la conformité. Comment IFS répond-il à cette exigence croissante ?
Vaibs Kumar : Être une entreprise européenne constitue un avantage réel. Les exigences liées à la protection des données, à la conformité réglementaire et désormais à l’AI Act font partie de notre culture. Nous construisons nos solutions avec une flexibilité structurelle : capacité à opérer avec des modèles publics, privés ou auto-hébergés ; liberté de déploiement chez le client ou dans un cloud local ; modularité des briques IA. Nous voulons offrir choix, contrôle et crédibilité juridique aux organisations européennes, sans compromis sur la performance technologique.























