Le rapport publié par McKinsey il y a plusieurs mois met en évidence que, si une grande partie des entreprises s'engagent dans l'intelligence artificielle, seule une minorité d'organisations sont réellement matures quant à l'intégration de cette technologie. En effet, alors que plus de 50 % des entreprises utilisent l'IA dans un domaine de leur activité, seuls 10 % d'entre elles sont considérées comme « leaders » dans son utilisation. Le déploiement de l'intelligence artificielle se heurte à de nombreux obstacles, parmi lesquels figurent les enjeux de transfert de données.
Les solutions d'IA génériques fournies par les hyperscalers et les principaux éditeurs du marché fonctionnent de manière simple : elles se « nourrissent » de données accessibles sur l'internet public. Jusqu'à présent, les données nécessaires au fonctionnement des algorithmes sont, en quelque sorte, exploitables gratuitement.
Cependant, les entreprises qui souhaitent développer et exploiter des intelligences artificielles alimentées par leurs propres données font face à une situation différente. Les moteurs des IA sont aujourd'hui hébergés dans le cloud, soit chez ces mêmes hyperscalers, soit chez des acteurs spécialisés. Dans tous les cas, les données des entreprises doivent transiter vers les IA pour y être traitées, et c'est là que le bât blesse.
En effet, les intelligences artificielles sont de véritables ogres numériques. Elles ne fonctionnent qu'à condition d'être alimentées par l'ensemble des données cibles d'une entreprise. Ces données sont, pour la plupart, soit hébergées en interne sur les serveurs de l'entreprise, soit collectées de manière dynamique à partir d'objets connectés et d’applications SaaS. Dans ces deux cas, les données nécessaires au fonctionnement des IA doivent migrer vers le cloud. Le renforcement des règles de sécurité liées aux données, telles que la directive européenne NIS 2, ainsi que les exigences en bande passante pour le transfert de ces données, limite clairement le recours à l'internet public.
Le réseau privé, sécurisé de bout en bout du fait qu'il ne transite pas par l'espace public, reste la solution privilégiée des entreprises. Cependant, ces organisations font face à des enjeux télécoms complexes qui freinent la mise en place de projets IA. Selon une étude récente, 66 % des entreprises estiment que leur infrastructure réseau n’est pas adaptée pour intégrer pleinement l’IA générative. En effet, les principaux opérateurs historiques du marché n'ont pas d'offres suffisamment souples et accessibles pour répondre aux besoins des entreprises. Un contrat pour la mise en place d'un lien privé rappelle un contrat télécom du début des années 2000 : les tarifs sont exorbitants, les engagements d'abonnement sont conséquents et la flexibilité pour adapter son offre à ses besoins est quasi inexistante.
La question n'est pas de savoir si les opérateurs télécoms « profitent » de ces nouveaux besoins pour augmenter leur marge ou s'ils sont simplement désarçonnés par la rapidité de la révolution IA. Les nouveaux besoins techniques impliqués par son déploiement progressent plus vite que les offres des opérateurs. Ces derniers s'organisent : récemment, plusieurs articles ont été publiés sur la montée des infrastructures télécoms dans le cloud. Cette solution permet de gagner en souplesse technologique, mais accélère la dépendance aux principaux hyperscalers.
Les limites télécoms à la collecte de données destinées à l'intelligence artificielle sont encore plus flagrantes pour les entreprises ayant une présence internationale. Cela concerne presque toutes les entreprises impliquées dans ces projets, car ce sont généralement des acteurs de taille importante, donc internationaux. La remontée de données depuis différents sites internationaux vers un cloud cible est encore plus complexe, car les enjeux liés à la rigidité des offres opérateurs se retrouvent dans chaque nouvelle zone géographique.
L'IA met en lumière un phénomène classique dans l'histoire des technologies : les innovations sont souvent freinées par des contraintes liées à leur mise en œuvre. Aujourd'hui, il revient aux opérateurs télécoms de faire leur mue et de s'emparer des besoins des entreprises afin de proposer des offres « as a service » flexibles adaptées au développement de l'IA. Sans cela, nous risquons de perdre un temps précieux dans le déploiement de l'IA.
Par Dorian Wilson Debriano, Ecosystem Partner Manager chez Console Connect France
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