L’intégration croissante de l’automatisation et de la gestion des opérations par l’IA dans les produits d’interconnexion réseau traduit une mutation profonde du rôle des infrastructures réseau : elles ne se limitent plus à un rôle de transport de paquets, mais deviennent des plateformes intelligentes, capables de s’adapter dynamiquement aux besoins des applications et des utilisateurs. C’est ainsi que les équipementiers et les fournisseurs de technologie rivalisent d’ingéniosité pour proposer des solutions aux fonctionnalités intelligentes mues par l’IA.

Dans cette optique, Juniper Networks enrichit son portefeuille d’accès filaire avec l’introduction des commutateurs de la série EX4000, dotés d’une architecture native pour l’IA et le cloud. Les nouveaux commutateurs apportent des améliorations significatives en matière d’automatisation, de performance et de gestion des opérations réseau. Conçus pour s’intégrer nativement avec l’IA de Mist AI, ils permettent une administration simplifiée grâce à des fonctionnalités telles que le « Zero-Touch Provisioning (ZTP) », qui automatise le déploiement et la configuration sans intervention manuelle. L’application mobile Mist AI facilite l’installation en permettant de scanner les codes QR pour enregistrer, nommer et assigner les commutateurs aux sites en quelques minutes.

Des modèles à 12, 24 ou 48 ports

En s’appuyant sur l’IA et l’analyse de données en continu, ces commutateurs optimisent le fonctionnement du réseau en détectant et en résolvant les incidents de manière proactive, notamment grâce à l’assistant réseau Marvis et aux capacités d’autodépannage basées sur l’AIOps de la plateforme Mist AI. Cela inclut l’assistant virtuel Marvis, proposant des interactions conversationnelles, des opérations autoguidées et une duplication de l’expérience numérique via Marvis Minis pour identifier et résoudre proactivement les problèmes. De plus, la capture dynamique de paquets (dPCAP) permet de détecter et résoudre les incidents réseau sans nécessiter de déplacements sur site. Des niveaux de service personnalisables et des workflows automatisés contribuent à une résolution efficace des problèmes.

En termes de performance, la série EX4000 prend en charge des vitesses multigigabit avec des modèles pourvus respectivement de 12, 24 ou 48 ports, ainsi que le support du PoE++ (IEEE 802.3bt, jusqu’à 60 W par port), assurant une alimentation continue aux équipements réseau tels que les points d’accès Wi-Fi 7 et les dispositifs IoT. Leur temps de démarrage réduit permet une reprise rapide après une panne, tandis que l’architecture cloud-native de Juniper Mist garantit des mises à jour fréquentes sans interruption
de service.

Des fonctions d’efficacité énergétique

Au chapitre sécuritaire, l’intégration de la sécurité Zero Trust renforce la protection du réseau en assurant une identification et une authentification de chaque appareil connecté, tout en automatisant l’application des politiques de sécurité. Enfin, ces commutateurs incluent des fonctionnalités d’efficacité énergétique, comme la gestion intelligente des ventilateurs et la désactivation automatique du PoE sur les ports inutilisés.

Cette annonce d’équipements réseau, dotés d’automatismes et d’intelligence opérationnelle, s’inscrit dans un mouvement plus global. Les fournisseurs et les équipementiers rivalisent d’ingéniosité pour introduire les prochaines générations d’équipements d’interconnexion réseau. L’intégration de l’automatisation et de la gestion des opérations par l’IA transforme profondément l’évolution des infrastructures de transport et, désormais, de computation déportée.

Elles ne se contentent plus d’acheminer des paquets, mais deviennent des plateformes intelligentes capables d’optimiser en temps réel leurs performances et leur sécurité. De ce point de vue les approches diffèrent, entre Cisco et Juniper. Cisco a choisi d’intégrer des DPU (Data Processing Units) dans ses commutateurs, leur permettant d’exécuter du code localement et de traiter certaines opérations directement à la périphérie du réseau. L’objectif est d’améliorer la latence et de rapprocher les fonctions d’analyse et de sécurité des points d’accès réseau. Cette approche fait du réseau une plateforme d’exécution décentralisée, où le traitement des données se fait directement sur les équipements sans passer systématiquement par un centre de données ou un cloud centralisé.

Juniper mise sur une approche par l’IA

Juniper, en revanche, mise sur une approche entièrement pilotée par l’IA avec sa plateforme Mist AI. Plutôt que de déporter du calcul vers les équipements réseau, Juniper privilégie une gestion centralisée où des algorithmes d’apprentissage automatique analysent en permanence les performances et adaptent les configurations en conséquence. En s’appuyant sur cette automatisation avancée, l’éditeur annonce une réduction de 90 % du nombre de tickets d’incidents réseau et de 85 % des déplacements sur site.

Sur le plan de la cybersécurité, les deux approches diffèrent également. Juniper mise sur une surveillance centralisée et des modèles prédictifs, avec des outils comme Marvis AI et Mist Assurance qui analysent continuellement les performances réseau et appliquent des correctifs automatiquement. Cisco, en dotant ses équipements de capacités de calcul, permet un traitement plus localisé des menaces, avec la possibilité d’exécuter des algorithmes de sécurité directement à la périphérie du réseau. Cette capacité pourrait offrir une réactivité accrue face aux cyberattaques et améliorer la gestion des flux sensibles sans nécessiter un retour constant vers un cloud central.

Ces deux stratégies ont des implications majeures sur l’exploitation des réseaux. L’automatisation basée sur l’IA réduit considérablement les tâches manuelles et réduit les coûts opérationnels, notamment en limitant les interventions humaines pour la configuration et la supervision. Cette évolution redéfinit le rôle des équipes IT, qui se concentrent désormais sur la définition de stratégies et le suivi des performances globales plutôt que sur la gestion quotidienne des incidents.

Vers des réseaux adaptatifs

L’avenir des infrastructures réseau pourrait ainsi évoluer vers un modèle hybride combinant l’automatisation pilotée par l’IA et l’intégration de capacités de calcul distribuées. Un réseau adaptatif, capable à la fois d’analyser et d’optimiser les flux en temps réel tout en traitant certaines opérations localement, permettrait de maximiser la résilience tout en réduisant les coûts d’exploitation. La convergence de ces approches soulève toutefois des défis, notamment en matière d’interopérabilité entre les différentes solutions. La question du cloisonnement technologique sera cruciale pour éviter que les entreprises ne se retrouvent enfermées dans un modèle unique, limitant leur flexibilité dans l’évolution de leurs architectures réseau.

Par ailleurs, l’intégration de DPU dans les équipements réseau, comme chez Cisco, soulève des questions sur la gestion des ressources de calcul et la sécurisation des workloads exécutés directement dans l’infrastructure. Cette approche pourrait néanmoins s’avérer particulièrement pertinente dans des environnements industriels ou critiques nécessitant des réactions immédiates.