Voici un bel exemple, certes décalé mais sympathique, de la création de données qui nous envahissent...

Les Tortues Ninja sont de retour, au cinéma, et après le succès aux Etats-Unis, elles viennent de débarquer en France avec le même espoir de remplir les caisses d'Hollywood. Mais là n'est pas notre intérêt pour le sujet !

L'une des grandes réussites de ce film tient dans la qualité de la réalisation en 3D des Tortues Ninja et de la caravane de 'monstres' qui les entoure, dont leur maître le rat Splinter et leurs ennemis. Spécificité innovante de ces personnages, ils ont été créés numériquement avec la technologie Mocap (Motion Capture).

La Mocap, c'est quoi ?

La Mocap a été pour la première fois employée à grande échelle pour créer le personnage Gollum du Seigneur des Anneaux. Elle consiste à filmer en 3D un acteur bardé de pointeurs afin de faciliter le travail des animateurs qui reprennent les informations captées dans un système de modélisation 3D.

La technologie a été perfectionnée depuis. L'acteur filmé qui jouait le rôle de Gollum, Andy Serkis, a ensuite joué le rôle principal du dernier remake de King Kong, puis du premier singe qui parle du remake (encore !) de La Planète des Singes.

Les acteurs portent des costumes particuliers, bardés de marques placées à des endroits précis, comme les articulations, qui serviront de repères aux animateurs. Le positionnement géospatial de 200 points par acteur, dont 138 pour les visages, est ainsi capté en permanence pour chacun des acteurs qui jouent les Tortues Ninja.

5 caméras : scène, corps, visage

La Mocap existe désormais dans un modèle nommé Muse qui permet de filmer les acteurs en extérieur, alors que précédemment les caméras étaient fixes dans un coin d'un studio.

5 caméras au minimum (pour 1 acteur, puis deux supplémentaires pour chaque acteur supplémentaire) sont exploitées :

  • une caméra filme l'ensemble d'une scène en plan large, sans influence sur la conception du film mais en appui du réalisateur pour juger de la prise ;
  • 2 caméras HD filment les acteurs en pied ;
  • 2 caméras HD sont fixées de part et d'autre de la tête de l'acteur, et filment les expressions et mouvements de son visage.

En dehors des caméramans, des preneurs de son, etc., un technicien a en charge la métrologie des données captées. Sur un moniteur, une courbe transcrit l'activité de chaque caméra. Si une courbe s'emballe, c'est que les repères sont décalés... Il faut alors refaire le maquillage ou ré-ajuster le costume de l'acteur.

De la donnée à la volée

Les données extérieures (corps en déplacement) et les données captées sur les visages (caméras embarquées par l'acteur) sont transmises à un concentrateur physiquement très proche du tournage, voir des acteurs, car les ondes radios ont encore une portée réduite.

Ce système génère 1 To (teraoctets) de données de captures par Tortue Ninja et par jour. Viendront ensuite s'ajouter les données de numérisation, pour la création du personnage en 3D. Le positionnement du personnage, les 'mimiques' en mouvement de son visage, ses yeux, le mouvement de ses lèvres lors des dialogues, sont au final la reproduction du jeu des acteurs.

Ajoutons encore les effets numériques, effets spéciaux, corrections des images, etc. Et nous obtenons plusieurs Po (petaoctets) de données qu'il faut traiter sur des ordinateurs puissants afin de réduire les temps de production.

Et vous, à cumuler les enregistrements de fichier, transmis, partagés, à prendre une photo, à expédier un SMS, un MMS, etc., combien de Go, voir de To consommez-vous ? N'est pas une Tortue Ninja qui veut, sauf pour produire, recevoir et partager des données numériques...

Source : Pablo Helman, superviseur des effets visuels sur le film Les Tortues Ninja