Facebook a fait l'acquisition de WhatsApp, une solution de messagerie instantanée pour smartphone. Pour le montant extravagant de 16 milliards de dollars – 4 milliards en cash et 12 milliards en actions Facebook -, auxquels s'ajouteront 3 milliards de dollars en actions versées aux fondateurs et aux salariés durant les quatre années qui suivront le bouclage de l'opération. Qui reste soumise à l'approbation des autorités...

Le prix du rachat a été fixé non pas sur la valeur de la start-up WhatsApp, qui compte 450 millions de clients, mais sur le potentiel de son application, qui permet d’échanger gratuitement entre membres des messages texte, audio, photo, et vidéo, sur les smartphones iPhone, BlackBerry, Android, Windows Phone et Nokia. WhatsApp connait en effet un succès fulgurant, surtout auprès des jeunes. 50 milliards de messages seraient échangés au quotidien sur la plateforme, ce qui la met en concurrence avec les SMS qui font à peine mieux en volume.

A écouter Mark Zuckerberg, WhatsApp serait considéré comme « le service de messagerie le plus populaire au monde ». Or, le patron et fondateur de Facebook considère la messagerie comme stratégique, et un axe de développement pour sa société. Certes Facebook dispose d'une messagerie, appelée Messenger, mais elle fonctionne en circuit fermé, entre 'amis' du réseau social.

Cela justifie-t-il pour autant le montant investi par Facebook pour acquérir WhatsApp ? La start-up ne publie pas son chiffre d'affaires. Mais comme son service est payant – gratuit la première année, puis 99 cents l'année – en extrapolant au maximum ses revenus ne dépassent pas les 500 millions de dollars. Et lorsque Mark Zuckerberg affirme que le service a le potentiel d'atteindre le milliard d'utilisateurs, le potentiel de revenu ne dépasse pas le milliard de dollars !

Pourquoi alors acquérir WhatsApp à un prix aussi exorbitant ? Les acteurs de l'internet et des réseaux sociaux sont à la recherche du relai de croissance qui viendra contourner leur déclin annoncé. Et ce relai, tout le monde s'entend à affirmer qu'il sera dans le mobile. A commencer par Mark Zuckerberg en personne qui en 2012 a lancé sa stratégie 'mobile first'. L'acquisition de WhatsApp a sa place dans cette stratégie. Et comme l'acquisition d'Instagram en 2012, pour le prix plus raisonnable de 700 millions de dollars, c'est une opération dont les retours s'inscriront dans le temps et sur le long terme.

Il n'est pas exclu non plus que Facebook ait cédé à une surenchère... Le succès de WhatsApp l'a placée dans la catégorie recherchée des start-up à fort potentiel, celles pour lesquelles un Google, un Yahoo, voire un Microsoft pourrait se battre à coups de milliards de dollars.

La thèse qui domine chez les analystes après l'annonce de l'acquisition, c'est celle de la stratégie défensive. Facebook aurait mis le paquet pour occuper le terrain et couper l'herbe sous le pied de ses concurrents. Voire pour s'offrir un potentiel futur concurrent. C'est d'ailleurs cette même stratégie qui avait conduit le réseau social à acquérir Instagram.

Mais il y a deux autres arguments qui militent pour le rachat de WhatsApp. Le premier est que le mobile s'impose de plus en plus en support de toutes les communications, de l'internet à la télévision, en passant par les messageries, dans les pays émergents comme chez les jeunes. Les derniers ne disposent pas d'infrastructures pour proposer l'ADSL ou le câble. La stratégie 'mobile first' s'y impose. Quant aux seconds ils délaissent le PC et la TV au profit du smartphone.

Le second argument est directement économique. Et sur ce plan Mark Zuckerberg a également clairement pris position. Le modèle économique de la gratuité arrive à ses limites, tout comme celui de la publicité en particulier sur les réseaux sociaux. Il faudra bien qu'au final le consommateur paie pour les services auxquels il a accès, et non plus seulement pour disposer d'une connexion via son abonnement téléphonique ou internet. Et là, même si le prix demandé est encore dérisoire, WhatsApp a une longueur d'avance car le service n'est pas gratuit ! Il repose sur le modèle du freemium, la gratuité pour découvrir le service puis le paiement pour continuer d'en bénéficier ! 

En mettant l'équivalent de 19 milliards de dollars sur la table, Facebook a probablement cédé à l'ensemble des arguments que nous venons d'évoquer. C'est certes beaucoup trop cher payé, mais avec une capitalisation boursière qui frise les 175 milliards de dollars, Mark Zuckerberg a les moyens de s'offrir une valseuse... et d'y consacrer 'seulement' 10 % de sa valeur.