La Russie avance à petits pas vers son isolation complète de l’internet mondial. Le pays a annoncé avoir réussi un test qui s’est déroulé sur plusieurs jours pour mettre en place un internet national qui survivrait même si la Russie venait à être coupée de la toile mondiale. Les autorités russes affirment que le test a été réalisé pour la cybersécurité, mais ce n’est pas l’avis de plusieurs organisations de défense des droits de l'Homme. Ces derniers affirment que le gouvernement veut surtout instaurer une politique de contrôle et de censure des informations numériques à l’intérieur du pays. Pour rappel, le président Vladimir Poutine a promulgué une loi visant à contraindre les opérateurs russes à équiper tous les appareils mobiles de certaines applications réalisées par des développeurs russes. Le gouvernement a également consacré 32 millions de dollars pour la conception d’une alternative à Wikipédia. Tout cela indique que le gouvernement tend de plus en plus vers une approche isolationniste et de contrôle accru des informations. Selon Leonid Evdokimov, chercheur en sécurité chez Censored Planet et qui a travaillé pour Yandex et le projet Tor, le test réalisé par les autorités ne reflète pas une velléité de déconnecter le pays de l’internet mondial. Néanmoins, il est persuadé que ces derniers agissent principalement à dessein de dissuasion auprès des utilisateurs, et démontrer que le gouvernement a les moyens de contrôler internet. Néanmoins, les tests réalisés dernièrement montrent que les autorités ne disposent pas encore des moyens nécessaires pour couper totalement internet. Il existe actuellement plus de 3500 opérateurs en télécommunication en Russie, ce qui rend cette opération très complexe. Les rapports officiels déclarent qu’il s’agissait plutôt de tester les pare-feux de protection des services téléphoniques et les couches de protocole sans fil de type SS7 et Diameter.

Déjà en 2018, les autorités avaient supprimé le service de données mobiles dans la région d’Ingouchie après des manifestations politiques. En août 2019, le gouvernement a aussi procédé à une panne d’internet à Moscou pour contrecarrer des manifestations. En novembre dernier, la loi sur l’internet souverain a été adoptée. Par contre, la Russie n’aurait pas à priori les mêmes moyens techniques que la Chine pour contrôler davantage l'information. Si les Chinois y sont arrivés, c’est parce que les autorités ont mis en place un pare-feu dès l’entrée d’internet dans le pays, ce qui n’est pas le cas pour la Russie. L’internet du pays a fonctionné librement depuis des dizaines d’années, rendant sa modernisation et son contrôle très difficile. Pour exemple, l’échec du gouvernement à faire interdire le service de messagerie crypté Telegram, qui a réussi à contourner les mesures de censure. La Russie a également peiné pour réprimer les VPN. Selon Allie Funk, analyste de recherche au sein du groupe pro-démocratie Freedom House, les utilisateurs russes sont très attentifs aux mesures de censure, d’autant plus que le gouvernement russe ne veut pas froisser les investisseurs. Par conséquent, les autorités veulent mettre en place progressivement un cadre réglementaire dans lequel les plateformes étrangères pourront continuer à opérer sur le sol russe.

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