En durcissant les conditions d’accès à ses solutions et services, Red Hat a-t-il ouvert la boîte de Pandore et lancé une période d’incertitude dont les concurrents comptent profiter ? C’est ce que pensent les créateurs d’Open Enterprise Linux Association (OpenELA), à savoir CIQ, Oracle et SUSE. Ces derniers lancent une initiative commerciale et collaborative visant à développer une offre OpenStack compatible avec Red Hat Enterprise Linux (RHEL), tout en proposant un accès gratuit au code source d'Enterprise Linux (EL).

Cette annonce survient après les récentes modifications de Red Hat concernant la disponibilité du code source de RHEL. L’éditeur a changé ses conditions d’utilisation en juin 2023, s’octroyant davantage de flexibilité et renforçant les conditions d’utilisation de ses produits et services. Des changements qui pourraient avoir des conséquences fâcheuses pour les clients. L’une des modifications majeures est que Red Hat se réserve désormais le droit de modifier ou d’interrompre ses produits et services à tout moment, ce qui signifie que les clients pourraient perdre l’accès à leurs logiciels ou services sans préavis.  

« Il sera plus difficile pour les entreprises d’utiliser les produits Red Hat »

Red Hat s’octroie également le droit de suspendre ou de désactiver les comptes de ses clients si elle estime que le compte a été compromis ou que le client a enfreint les conditions d’utilisation. De plus, l’éditeur a limité sa responsabilité concernant les dommages infligés aux clients. Désormais, l’entreprise n’accepte de compenser que pour les pertes directes et palpables, plafonnant le montant des indemnités à 100 000 dollars. Cela signifie que les clients pourraient devoir assumer de lourdes pertes s’ils rencontrent des problèmes avec les produits ou les services de Red Hat. Enfin, Red Hat a introduit une clause permettant de collecter et d’utiliser les données de ses clients à des fins marketing.

Globalement, ces changements aux conditions d’utilisation de Red Hat ne présagent rien de bon pour les clients. Ainsi, nombre d’organisations et d’associations ont exprimé leur désaccord, estimant ces modifications injustes et anticipant des complications pour les entreprises utilisant les produits Red Hat. La Fondation Linux a exprimé son inquiétude, affirmant qu’elles pourraient nuire à la communauté open source.  

Des organisations expriment leurs craintes

L’Open Infrastructure Foundation, chargée du développement d’OpenStack, a également fait part de ses préoccupations, déclarant que les changements « pourraient rendre plus difficile l’utilisation d’OpenStack par les organisations ». La Cloud Native Computing Foundation (filiale de la Fondation Linux), qui supervise Kubernetes, a annoncé qu’elle
« surveille la situation » et prévoit de « prendre des mesures si nécessaire ».

Red Hat justifie ces modifications en affirmant leur nécessité pour protéger la propriété intellectuelle de l’entreprise et garantir la pérennité de sa plateforme. Néanmoins, ces changements suscitent des inquiétudes que les concurrents de Red Hat sont prêts à exploiter.  

Un projet véritablement piloté par la communauté…

CIQ, Oracle et SUSE se sont alliés pour offrir des outils, systèmes et code source à travers OpenELA à la communauté. Dans les prochains mois, OpenELA mettra à disposition les ressources nécessaires pour que les distributions dérivées coexistent harmonieusement avec RHEL, en se concentrant sur des versions telles qu’EL8, EL9 et potentiellement EL7. Un engagement phare est la garantie d’un accès libre au code source d’OpenELA.

Selon ses fondateurs, OpenELA renoue avec les fondamentaux du logiciel libre, privilégiant la disponibilité du code source et la transparence. « Les principes cardinaux d’OpenELA, qui incarnent la vision du projet, englobent la conformité avec les normes en vigueur, des mises à jour rapides, la sécurité, la transparence, le sens communautaire et la garantie d’une ressource libre et redistribuable pour tous », déclarent-ils. En résumé, un code source EL dirigé par la communauté.  

Toutefois, des défis demeurent

En effet, OpenELA présente de nombreux avantages potentiels par rapport à Red Hat Enterprise Linux, notamment sa nature open source, permettant à chacun de l’utiliser, le modifier et le redistribuer. Cela pourrait conduire à un plus grand nombre d’innovations et de développements autour du projet. Celui-ci sera piloté par la communauté, ce qui signifie qu’il sera développé et suivi par une communauté de bénévoles. Ce qui pourrait conduire à un projet plus réactif et plus agile, mieux à même de répondre aux besoins changeants des utilisateurs.

Toutefois, des défis restent à relever pour les créateurs de cette nouvelle entité Open source. OpenELA doit encore faire face à des défis tels que l’établissement de services d’accompagnement et la construction de sa notoriété. Red Hat Enterprise Linux est déjà solidement implanté avec un large éventail d’utilisateurs. Pour réussir, OpenELA devra non seulement gagner la reconnaissance du marché, mais également offrir un support solide. Qui plus est, face à des distributions Linux open source bien ancrées comme CentOS et Ubuntu, OpenELA devra déployer bien des efforts pour séduire les utilisateurs.