Avec le lancement du mode Agent, OpenAI inaugure une nouvelle ère pour les assistants intelligents : celle de l’autonomie opérationnelle. Ce mode permet à ChatGPT de naviguer sur le web, d’interagir avec des sites tiers, de remplir des formulaires ou de générer des contenus à partir de requêtes complexes, tout en s’appuyant sur un navigateur virtuel sécurisé.

En pratique, ce mode combine les capacités des outils précédents, comme Operator et Deep Research, avec les fonctions conversationnelles du modèle GPT. Il peut désormais interagir avec des interfaces web, accéder à des connecteurs externes, consulter des agendas ou encore automatiser des tâches métiers, telles que la création de documents, la comparaison de concurrents ou la planification d’événements complexes. Ce pas supplémentaire vers l’agentification des outils numériques marque une évolution majeure dans les usages professionnels de l’IA.

De l’interface à l’action : la promesse de bout en bout

Jusqu’ici, la majorité des cas d’usage de l’IA générative en entreprise restaient centrés sur la génération de contenus, l’assistance rédactionnelle ou la synthèse d’information. Le mode Agent élargit le périmètre d’action : il permet désormais d’agir sur des systèmes tiers, en autonomie partielle, pour exécuter les tâches décidées par l’utilisateur. Il devient ainsi possible de demander à ChatGPT d’analyser l’actualité d’un secteur, de remplir un formulaire administratif en ligne, de comparer les offres de plusieurs fournisseurs ou encore de réserver un séminaire d’équipe en optimisant les critères logistiques et budgétaires.

La fonction repose sur un navigateur virtuel, un environnement contrôlé où l’agent exécute ses recherches et ses actions, et sur une logique de permissions explicites à chaque étape sensible (achat, transmission de données personnelles, envoi de courriel, etc.). L’agent ne fonctionne donc pas sans instructions et validations explicites : l’utilisateur reste à tout moment informé, valide les étapes critiques, et peut reprendre la main à tout moment. Cette conception limite les risques d’usage inapproprié ou malveillant.

Le mode Agent est en cours de déploiement auprès des utilisateurs des formules Pro, Plus et Team. Toutefois, en Europe (UE et Suisse), certaines régions comme la France doivent encore attendre les validations réglementaires ou juridiques préalables au lancement. OpenAI prévoit de finaliser son calendrier de disponibilité dans les prochains jours.

Vers un environnement applicatif centré sur les agents

OpenAI positionne clairement cette évolution dans le prolongement de sa stratégie de transformation du modèle ChatGPT en une véritable plateforme de services intelligents. Le mode Agent devient une couche supplémentaire sur laquelle s’imbriquent désormais les connecteurs (API tierces), la mémoire, les workflows personnalisés et la navigation web. Pour les entreprises, cela ouvre la voie à un nouveau type d’environnement applicatif, moins centré sur des interfaces figées que sur des agents conversationnels capables d’orchestrer des processus, d’interagir avec des logiciels métiers, et d’agir de manière contextualisée.

Exemples à l’appui, OpenAI met en avant des applications pratiques : produire une présentation PowerPoint à partir de données en ligne, faire du shopping en ligne en respectant des critères précis, planifier un événement d’entreprise, ou encore analyser plusieurs concurrents pour une veille stratégique. Ces tâches, autrefois fragmentées entre plusieurs applications ou collaborateurs, peuvent désormais être gérées par un agent unique opérant en autonomie supervisée.

Des garde-fous techniques renforcés

Compte tenu de l’extension des capacités agissantes du modèle, OpenAI a renforcé les protections intégrées. L’agent est entraîné à refuser les requêtes malveillantes, à ne pas exécuter de tâches à haut risque (notamment financières ou juridiques), et à demander une confirmation explicite de l’utilisateur pour toute action critique. L’éditeur a par ailleurs intégré des évaluations rigoureuses de la qualité des refus, et a activé des mécanismes spécifiques liés aux risques biologiques ou chimiques avancés, en cohérence avec son cadre de préparation aux capacités sensibles.

Ce niveau de précaution reflète l’ambition du projet : créer un assistant suffisamment compétent pour agir, mais suffisamment fiable pour rester contrôlable. Une logique qui devient centrale à mesure que les agents prennent une place active dans les flux métiers, qu’il s’agisse de planification, d’analyse ou d’exécution opérationnelle.

L’assistant devient collaborateur

Avec ce lancement, ChatGPT ne se limite plus à un rôle d’assistant conversationnel : il devient un collaborateur numérique doté d’une capacité d’exécution. Cette évolution prolonge la tendance de fond vers l’agentification des tâches, qui redéfinit l’ergonomie des systèmes d’information et la distribution des charges cognitives dans les entreprises. En BtoB, cela signifie que les directions métiers — RH, finance, marketing, relation client — peuvent envisager des automatismes contextualisés sans dépendre exclusivement de solutions logicielles classiques ou de scripts low code.

Au-delà de l’annonce, c’est la nature même des logiciels d’entreprise qui pourrait être redéfinie. Ces agents conversationnels, capables d’orchestrer des actions à travers des API, de naviguer sur le web et de s’adapter au contexte, incarnent les prémices d’un modèle informatique post-applicatif. À terme, les applications, les scripts et les interfaces spécialisées pourraient céder la place à une couche d’abstraction universelle, centrée sur l’intention de l’utilisateur et opérée par des agents intelligents. Cette évolution reste encore tributaire de nombreuses contraintes techniques et réglementaires, mais elle esquisse une trajectoire dans laquelle le logiciel n’est plus un outil, mais un acteur autonome de l’environnement numérique de l’entreprise.

Certes, l’IA reste peu fiable en matière de raisonnement juridique, de manipulation de données sensibles ou de traitement d’événements rares, le besoin d’orchestration, de supervision et de traçabilité est encore indispensable. Il n’en reste pas moins vrai que l’agentification marque le début de la désintermédiation des logiciels eux-mêmes. Non pas simplement l’ajout d’une couche d’interface intelligente, mais une redéfinition profonde de ce qu’est un système informatique en entreprise : plus que de simples écosystèmes d’outils, des environnements d’action.