Dans un contexte où les services informatiques sont soumis à une pression croissante, les directions des systèmes d'information (DSI) n'ont d'autre choix que de se réinventer. L'explosion du volume des demandes utilisateurs, leur diversité, ainsi que l’exigence grandissante de réactivité et de personnalisation, imposent aux équipes IT de se transformer rapidement. Web, téléphone, applications mobiles, chatbots, canaux collaboratifs… les points d’entrée se multiplient et fragmentent encore davantage l’expérience utilisateur.

Face à cette complexité, l’automatisation des processus et le recours à l’intelligence artificielle (IA) s’imposent comme des leviers majeurs pour améliorer la performance du support informatique tout en garantissant un service de qualité. Mais attention : ces technologies, aussi prometteuses soient-elles, ne sont pas des remèdes miracles. Leur mise en œuvre exige méthode, rigueur, et anticipation des nombreux défis associés.

Automatiser, oui… mais avec discernement

Avant toute chose, l’intégration de solutions d’automatisation et d’IA doit s’inscrire dans une démarche structurée et progressive. Trop de projets échouent faute d’avoir défini des objectifs clairs dès le départ. Il est impératif de s'appuyer sur des indicateurs SMART (Spécifiques, Mesurables, Atteignables, Réalistes, Temporels) qui reflètent des besoins métiers précis : réduction des temps de réponse, amélioration du taux de résolution au premier contact, disponibilité 24/7, etc.

Un audit du système d’information existant est également une étape incontournable. Il permettra d’identifier les goulets d’étranglement, les tâches chronophages ou répétitives susceptibles d’être automatisées en priorité, ainsi que les interfaces à renforcer ou à développer. Cet état des lieux conditionne la pertinence des choix technologiques à venir.

Quels cas d’usage privilégier ?

L’offre en matière d’IA appliquée à l’ITSM est vaste et en constante évolution. Pour autant, toutes les organisations ne doivent pas viser l’exhaustivité immédiate. La démarche la plus efficace consiste à adopter une approche incrémentale. Parmi les cas d’usage les plus courants et pertinents:
  • L’assistant d’agent : outil de productivité qui aide les techniciens en suggérant des réponses ou des actions correctives sur la base de données historiques et de la base de connaissances.

  • Le virtual agent (agent virtuel) : interface conversationnelle autonome capable de traiter les demandes les plus simples ou fréquentes en toute autonomie.

  • L’amélioration des chatbots existants : grâce à des techniques d’apprentissage automatique, les bots peuvent être enrichis pour offrir une compréhension plus fine du langage naturel.

  • L’analyse de sentiments : permet d’identifier le ton émotionnel des interactions afin de prioriser les tickets à forte criticité ou insatisfaction client.

  • L’analyse prédictive : anticipe les incidents ou pics d’activité en se basant sur l’historique des événements, favorisant ainsi une approche proactive du support.

L’importance du périmètre de la base de connaissance dans le choix de l’IA

Le choix de la technologie d’IA à intégrer ne peut se faire sans une réflexion approfondie sur le périmètre de la base de connaissance existante. En effet, l’efficacité d’un agent virtuel, d’un assistant d’agent ou d’un moteur de recherche intelligent dépend étroitement de la richesse, de la structuration et de l’accessibilité de cette base. Une IA n’invente pas les réponses : elle les extrait, les reformule ou les déduit à partir des données disponibles. Ainsi, si la base est lacunaire, obsolète ou mal organisée, l’IA perdra en pertinence, générera de la frustration et risque de provoquer des erreurs d’interprétation. Il est donc essentiel d’aligner le type d’IA déployé avec la capacité réelle de votre SI à lui fournir un socle de connaissances fiable et à jour. Cela implique parfois de commencer par un projet de révision ou d’enrichissement de la base de connaissances, avant même l’implémentation d’une solution intelligente.

La réussite passe par l’accompagnement humain

L’un des écueils majeurs de ces projets réside dans la gestion du changement. Trop souvent, l’IA est perçue par les équipes comme une menace pour l’emploi ou comme un dispositif opaque, difficile à maîtriser. Il est donc essentiel d’intégrer, dès les premières phases, une stratégie d’accompagnement solide : formations ciblées, communication transparente, valorisation des nouveaux rôles liés à l’IA (entraînement des modèles, supervision, amélioration continue, etc.).

De même, les utilisateurs finaux doivent être sensibilisés et guidés pour adopter sereinement ces nouveaux outils. Une IA ne remplace pas l’humain, elle l’augmente. Elle libère du temps, automatise l’exécution, mais laisse à l’homme la responsabilité du contrôle, de l’escalade et de l’interprétation contextuelle.

Sécurité, conformité et gouvernance : les piliers de la confiance

Implémenter des solutions d’IA dans un environnement ITSM, c’est aussi accepter de nouveaux risques. Le premier concerne bien évidemment la sécurité des données. Les flux d’informations traités par l’IA peuvent inclure des données sensibles ou personnelles ; leur traitement doit impérativement respecter les réglementations en vigueur (RGPD, HIPAA, etc.), mais également anticiper celles à venir (notamment sur la GenAI
ou l’IA Act de l’UE).

Par ailleurs, l’intégration avec les systèmes existants – notamment la base de connaissances et la CMDB – peut générer des vulnérabilités si elle n’est pas maîtrisée. Une gouvernance technologique claire, incluant des revues de code, des audits réguliers et des mécanismes de traçabilité des décisions prises par l’IA, est une exigence minimale.

Enfin, la maintenance des systèmes d’IA après leur mise en production ne doit pas être négligée. Contrairement aux idées reçues, ces technologies ne sont pas totalement autonomes : elles nécessitent des mises à jour, des ajustements de modèles, des validations humaines périodiques. Il faut mettre en place un pilotage opérationnel continu, intégrant des boucles de feedback et des KPIs adaptés.

Conclusion : une transformation à la fois technologique et culturelle

L’automatisation et l’intelligence artificielle sont en passe de redéfinir en profondeur le paysage de l’ITSM. Mais leur succès ne repose pas uniquement sur des algorithmes ou des plateformes performantes. Il tient dans la capacité des DSI à orchestrer une transformation globale : technologique, organisationnelle et culturelle.

Il ne s’agit pas de courir après la dernière innovation, mais de construire pas à pas une stratégie cohérente, alignée sur les enjeux métiers, respectueuse des utilisateurs et pleinement intégrée au système d’information existant. Le chemin est exigeant, mais les bénéfices – en efficacité, en satisfaction client, en capacité d’anticipation – en valent largement l’effort.

Par Isabelle Roth, Practice lead ESM Europe chez OpenText