L'accessibilité numérique est longtemps restée dans l'angle mort des stratégies digitales. Peu visible, peu comprise, souvent reléguée au rang des "bonnes intentions" sans réelle mise en œuvre. En 2025, cela change. Radicalement.
Dès le 28 juin, l'European Accessibility Act entre en vigueur. Cette directive européenne impose aux entreprises et institutions de rendre leurs services digitaux accessibles aux personnes en situation de handicap. Sites web, applications mobiles, plateformes e-commerce, documents PDF… Rien n’échappe à cette nouvelle exigence. Et pour cause : plus d'un milliard de personnes dans le monde vivent avec un handicap (source : OMS), dont 12 millions en France (source : Insee, 2021). Continuer à produire un web inaccessible, c’est tout simplement exclure.
Le paradoxe ? Seuls 3,5% des sites contrôlés par la Fédération des Aveugles de France respectent leurs obligations d'affichages et 40 % des sites web analysés ne montrent aucun effort significatif d’amélioration, Baromètre de l'accessibilité numérique 2024 de la Contentsquare Foundation.
Or, l'accessibilité ne concerne pas qu'une minorité. Une personne sur 10 est dyslexique (source : FFDYS), 1 sur 25 est malvoyante ou aveugle (source : WHO 2019), 1 homme sur 12 est daltonien (source : Inserm). Parallèlement, avec le vieillissement de la population, les pathologies de la vision touchent une frange de la population toujours plus importante. La cataracte, par exemple, touche 20% des plus de 65 ans en France. Cette catégorie d’âge représente désormais plus d’un cinquième de la population et ne cesse de croître. Le handicap est pluriel, souvent invisible, et concerne potentiellement chacun d’entre nous, temporairement ou durablement.
Face à cette réalité, les entreprises ont deux options : réagir sous la contrainte, ou transformer l'obligation en opportunité. Car l'accessibilité, loin d'être un frein, est un levier. Un levier de performance, d’expérience utilisateur et de transformation. Elle bénéficie à tous : aux seniors, aux personnes souffrant de fatigue passagère, aux usagers en situation de mobilité réduite ou en connexion lente. Un design accessible est tout simplement un bon design.
Mais encore faut-il disposer des compétences. Car aujourd’hui, l’un des freins majeurs reste la méconnaissance. Peu de développeurs, de designers, de chefs de projet sont formés à ces enjeux. C’est pourquoi nous avons choisi, à la Contentsquare Foundation, d’accompagner une nouvelle génération de talents du numérique. Plus de 11 établissements d’enseignement supérieur (dont des institutions majeures comme le CNAM, la Sorbonne, ou l'université de Nantes) se sont déjà engagés à former leurs étudiants à l'accessibilité. Objectif : sensibiliser 25 000 jeunes d’ici fin 2025.
Nous avons aussi développé des outils concrets, comme Readapt, une technologie d’assistance gratuite et open-source qui adapte les contenus numériques aux profils de lecture, pour les personnes dyslexiques, dyspraxiques ou malvoyantes.
Il y a urgence à faire de l’accessibilité un réflexe, et non un rattrapage. Comme le RGPD hier, l’accessibilité numérique est un tournant systémique. Ce n’est pas une option, ni un bonus. C’est un droit fondamental.
2025 doit être l’année où nous passons d’un web pour tous à un web fait avec tous. Et où les entreprises prennent toute leur part à cette inclusion digitale.
Par Marion Ranvier, Directrice de la Contentsquare Foundation
Transformation digitale Transformation digitale - Tribunes 2025 : l’année de vérité pour l’accessibilité numérique