Depuis l’avènement des technologies d’IA, automatiser les flux de travail pour obtenir la meilleure productivité possible est devenu une priorité encore plus accrue. L’IA agentique, soutiennent plusieurs analystes, rapproche de cet objectif tant elle permet de planifier, tester, optimiser et s’adapter plus rapidement que jamais. Convaincues par ses potentialités, les organisations investissent massivement dans les systèmes agentiques autonomes sans toujours en percevoir les points de vigilance.

Autonomiser l’IA et permettre plus de productivité, c’est la promesse de l’IA agentique. Mais, avant d’en venir aux avancées permises par l’IA Agentique, il convient d’en donner une définition et d’en préciser la singularité.

Quand nous parlons d’IA agentique, nous pourrions presque dire que nous changeons de paradigme. Nous passons de l’idée d’une IA programmée pour répondre à une demande, à une IA autonome, capable d’agir de façon proactive, de prendre des décisions servant les intérêts d’une organisation. Disons-le, l’IA agentique, c’est la réponse efficace à la problématique du modèle d’IA générative “qui sait tout faire” mais avec 85 % de fiabilité… L’IA agentique fait appel aux mêmes modèles de fondation, mais dans des versions réduites et optimisées pour la réalisation d’opérations plus précises. Ces modèles sont donc plus fiables, plus performants, beaucoup moins consommateurs de ressources et donc moins coûteux. Une fois ces modèles “spécialisés” mis en œuvre, il ne reste qu’à les orchestrer pour exécuter automatiquement des tâches complexes.

À titre d’illustration, avançons que l’IA agentique fonctionne à la manière d’une voiture autonome, disposant de capteurs pour analyser son environnement découvert en temps réel. Les données collectées lui permettent de gérer sa vitesse de déplacement, contrôler les équipements de signalisation du véhicule, éviter les obstacles, opter et de suivre le meilleur itinéraire pour atteindre une destination prédéterminée. Doit-on pour autant parler d’autonomie ? L’humain ne disparaît pas totalement car, c’est lui qui en amont paramètre et fixe les objectifs à atteindre. Il peut même être totalement intégré au processus d’orchestration en tant qu’autorité de validation de certaines actions sensibles.

L’IA agentique est, à dire vrai, perçue par les entreprises comme la concrétisation tant attendue des promesses de l’IA. À en croire Deloitte, de nombreuses sociétés - y compris des fournisseurs de cloud - quand elles ne procèdent pas à des acquisitions stratégiques, développent leurs propres solutions d’IA agentique. Au cours des deux dernières années plus de 2 milliards de dollars auraient été investis dans des start-up spécialisées dans des programmes de développement d’IA agentique. Le cabinet prévoit même que cette année, 25 % des entreprises mondiales utilisant l’IA générative engageront des projets pilotes d’IA agentique. Ce chiffre devrait même doubler d’ici à 2027.

Les agents IA ne sont d’ailleurs pas qu’au stade de projet pilote puisqu’ils trouvent déjà des usages. Et pour preuve, plusieurs secteurs comme ceux de la finance, la logistique ou du
e-commerce l’utilisent pour transférer les tâches répétitives et analytiques, autrefois dévolues aux employés. Ces derniers peuvent désormais allouer plus de temps à d’autres activités et investir leurs compétences ailleurs. Il est aisé de lire ici la menace d’une réorganisation des ressources humaines...

Autres avantages ? D’autres avancent que la qualité de service est améliorée de plusieurs façons : par une analyse en temps réel de leur environnement, les agents IA personnalisent les recommandations produit, fournissent des réponses plus rapides, réduisent le taux d’erreur et améliorent l’engagement du consommateur, entre autres gains. En somme, l’IA agentique a cette capacité unique à s'adapter à un contexte non prédéfini et changeant.

Malgré l’émulation autour de l’IA agentique, il ne s’agirait pas non plus de nier la réalité dans laquelle elle s’inscrit. L’IA agentique arrive à un moment où les gouvernements s’interrogent sur la nécessité de réguler l’IA. Une préoccupation d’ailleurs renforcée à la suite du récent Sommet pour l’action sur l’IA, coorganisé par la France et l’Inde à Paris. Plus encore, la notion d’autonomisation de l’IA ravive les interrogations sur la qualité de la donnée utilisée pour l'entraînement des modèles et son incidence dans les prises de décision dans des domaines critiques comme ceux de la justice, la finance, la santé ou encore la défense.

UNE IA AGENTIQUE, MAIS PAS SANS GARDE-FOU

Si l’IA agentique est présentée comme une évolution technologique significative, elle soulève plusieurs interrogations. L’un des premiers défis est celui de la disponibilité et de la qualité des données. En d’autres termes, comment s’assurer de la fiabilité de la donnée et comment soutenir le coût d’acquisition de cette dernière ? Cette question est cruciale, quand nous savons que les décisions prises en toute autonomie par l’IA agentique le sont à partir des données disponibles.

Comprenez que si les sources sont de mauvaises qualités, les réponses le seront tout autant. Si nous reprenons l’exemple de la voiture autonome, sans données fiables, elle parviendra certes à atteindre sa destination, mais n’optera pas nécessairement pour le meilleur itinéraire, ni n’appliquera pas toutes les règles de “bonne conduite” de circulation sur route ouverte.

Ceci nous amène également à nous intéresser à l’éthique ou à la responsabilité en cas de défaillance. Comment garantir que les décisions prises par l’IA agentique le sont dans l’intérêt de l’humain ou de l’organisation ? Et qui pour rendre des comptes en cas de dysfonctionnement ? Il ne s’agit bien sûr pas de verser dans un scénario asimovien, mais d’identifier les points de vigilance qu’il conviendrait d’observer dans des secteurs critiques comme la santé, l’environnement, l’énergie ou l’industrie militaire.

La capacité de l'IA agentique à exécuter des simulations complexes ou encore prendre des mesures pour minimiser des interruptions de service potentielles, n’est bien sûr pas à remettre en question. Mais, nous soutenons que son déploiement, compte tenu de ses capacités, doit se faire à partir de technologies éprouvées. Nous pensons aux plateformes cloud permettant l’accès à des données vérifiées et en mesure de répondre à une multiplicité de scénarios et de situations variées.

Les préoccupations ne peuvent pas être que technologiques bien sûr. L’IA agentique doit tenir compte des réglementations en cours (IA Act, NIS2, DORA, etc.). Aucune technologie ne peut se penser aujourd’hui sans la dimension légale, notamment si elle doit être déployée à l’ensemble des 27 pays de l’Union. L’adoption de l’IA Act en 2024 par les 27 traduit en effet une volonté d’encadrer la mise sur le marché et l’utilisation de système d’intelligence artificielle, pouvant présenter un risque pour la santé, la sécurité ou les droits fondamentaux. La transparence et la traçabilité ne doivent jamais être compromises au risque de freiner brutalement l’adoption et l’innovation !

Concilier performance et conformité passerait, selon nous, par l’adoption d’une plateforme cloud, privé ou public, permettant de centraliser, organiser et gérer les données utiles au déploiement de l’IA agentique. Ceci garantirait que l’IA agentique dispose des données nécessaires pour apprendre, s’améliorer, éviter les erreurs et prendre des décisions au bénéfice de l’organisation. En somme, disponibilité, fiabilité et conformité seront une réponse aux défis de sécurité et d’éthique.

L’IA agentique est certes en mesure d’accélérer les performances des entreprises. Mais pour convaincre, elle devra composer avec un contexte de méfiance envers les technologies capables d’agir de façon autonome et de remplacer l’humain. Nous sommes convaincus que le premier enjeu de l’IA est d’assurer que les données sont fiables, exemptes d'erreurs, d'incohérences et de biais, afin de répondre aux besoins métiers et surtout parer à toutes dérives. Comme souvent le débat autour de l’IA n’est pas conscrit à la technologie, pour atteindre des interrogations sur l’avenir de la collaboration et la volonté non de ralentir la course à l’innovation, mais d’imposer des règles. L’IA agentique fera son chemin, nous n’en doutons pas, mais elle devra compter sur des technologies robustes et respecter un cadre réglementaire en constante évolution.

Par Denis Fraval-Olivier, Senior Director Sales Engineering EMEA chez Cloudera