Le rapport des entreprises à l’intelligence artificielle semble être en train d’évoluer. Alors qu’au court des années précédentes beaucoup d’entre elles envisageaient une augmentation des budgets, la tendance est aujourd’hui au scepticisme quant à son véritable retour sur investissement. Les organisations s’interrogent ainsi sur la manière de rendre l’IA pratique ou d’en faire
un levier de transformation.

Cela n’en fait pas pour autant une mode qui disparaitra aussi vite qu’elle est apparue. Les dirigeants restent impatients de l’utiliser mais doivent faire preuve de discernement dans l'évaluation de son efficacité et de sa capacité à engendrer de la valeur.

Dans les scénarios où l'IA serait un accélérateur de la transformation numérique, quelques tendances se détachent et seront au cœur des stratégies pour réussir l’année 2025.

Les risques de l’IA seront mieux compris et anticipés

Pour former rapidement les modèles, il est courant d’utiliser des données elles-mêmes générées par une IA. Or, cela revient à faire de la copie de copie, où chaque itération perd en précision. Ce genre de situation est propice à l’aggravation des erreurs et des biais.

Pour minimiser ce risque, les données d’entrainement doivent être de très haute qualité et, de préférence, générées par des humains. Il ne s’agit pas d’intégrer manuellement des données d’entrainement mais d’utiliser des technologies éprouvées dont on sait qu’elles sont fiables. C’est pourquoi l'utilisation d'intégrations entre les différentes applications telles que le traitement intelligent des documents (IDP) ou la Process Intelligence (PI) avec l'IA générative, permet d'exploiter des données internes à l’organisation et d'améliorer ainsi considérablement la qualité des résultats obtenus.

L’atténuation des biais va connaitre un essor

Les données qui alimentent les modèles d'IA sont susceptibles de refléter les mêmes préjugés que ceux qui affectent les humains. Ils peuvent donc perpétuer des résultats négatifs et des perceptions néfastes par le biais de la prise de décision algorithmique. Il existe de nombreux exemples de biais liés à l'IA, notamment dans les domaines de la reconnaissance faciale, du logement, du crédit et de la justice.

Atténuer les biais consiste à s'assurer que les modèles et les algorithmes ne font pas de discrimination à l'encontre d'individus ou de groupes. Pour y parvenir, un travail doit être effectué sur les données d'entraînement, notamment en s’assurant de la pertinence, de la représentativité et de la provenance des données afin de garantir que l’échantillon utilisé représente la diversité de l'ensemble de la population. Ce travail sera au cœur des préoccupations de l’année 2025, notamment pour anticiper les réglementations à venir.

Les entreprises vont se pencher sur les réglementations de l’IA

Pour réduire la probabilité de partialité de l'IA et garantir la protection de la vie privée des consommateurs, des réglementations vont entrer en vigueur. L’AI Act européen devrait être la plus stricte en la matière avec des règles strictes et des amendes allant jusqu’à 6 % du CA mondial pour les fauteurs. Cette loi vise à encadrer la manière dont l'IA peut être développée, utilisée et vendue. Elle prévoit également de renforcer les contrôles sur les applications à haut risque telles que la reconnaissance faciale.

Ailleurs dans le monde, d’autres réglementations sont en cours de ratification et toute organisation impliquée dans l'IA, à quelque niveau que ce soit, doit s’y préparer. Pourtant, beaucoup d’entre-elles ne disposent pas des ressources nécessaires, surtout lorsqu’il s’agit de gérer des réglementations disparates selon les pays où elles opèrent. L’année 2025 sera donc consacrée à déployer les ressources nécessaires pour répondre à ces exigences qui, pour une grande partie, entreront en vigueur en 2026.

Des politiques de conformité en matière d'IA vont voir le jour

Dans le quotidien d’une organisation, les questions sur la manière d’utiliser l'IA peuvent parfois passer au second plan. Mais l’arrivée des règlementations va changer la donne et les contraindre à se pencher sur le sujet. L’une des priorités de 2025 sera donc la création de politiques de conformité, qui intègreront les équipes utilisatrices et les équipes juridiques, et qui devraient inclure un audit indépendant des systèmes d'IA.

Pour les aider, les entreprises pourront compter sur des organisations à but non lucratif, comme ForHumanity, dont la mission est de rendre l'IA sûre pour la société, notamment en aidant les pouvoirs publics dans leurs réflexions sur le sujet, et les entreprises dans la gestion des risques associés aux systèmes d'IA. ForHumanity collabore avec les régulateurs de l'UE, du Royaume-Uni, des États-Unis et du Canada pour développer des critères qui prennent en compte les exigences réglementaires existantes et les recommandations des organismes de normalisation.

En interne, les organisations peuvent s’appuyer sur la Process Intelligence pour s’autoréguler. En combinant le process Mining et le Task Mining au sein d'une même plateforme, la Process Intelligence permet d’analyser et de visualiser les processus de conformité à l’IA en se basant sur les données. Les entreprises peuvent ainsi surveiller la gouvernance de l'IA en temps réel, recevoir des alertes en cas de non-conformité, et s'assurer que les résultats de l’IA soient suffisamment précis et transparents pour être considérés comme fiables.

L’évolution rapide de l’IA forcera les organisations à évoluer au même rythme

L'intelligence artificielle générative a connu un tel essor que selon McKinsey, 65 % des entreprises dans le monde ont déployé au moins deux applications pour soutenir leurs fonctions critiques. Cette dépendance à pose question car il s’agit d’une technologie dont les solutions ont un cycle de vie très court et qui deviennent rapidement obsolètes avant de disparaitre. Par exemple OpenAI a récemment lancé O1, son dernier modèle aux capacités de raisonnement avancées, et a supprimé GPT-3.5 qui alimentait pourtant
de nombreuses applications.

Cette évolution fulgurante et le fait qu’elle n’est pas prête à ralentir, amène à s’interroger sur la façon dont les entreprises et les utilisateurs peuvent rester en phase avec cette technologie. La réponse se trouve dans l'adaptabilité. En 2025, les entreprises vont donc se tourner vers des solutions qui sont à la fois puissantes, mais aussi flexibles, afin de s'assurer qu’elles restent à la pointe du progrès.

Le développement durable sera toujours une préoccupation, mais sera soutenu par technologie

La technologie, et l’IA en particulier, offrent un grand potentiel pour améliorer l’impact écologique des organisations, mais elles entraînent des coûts énergétiques importants. Par exemple, la formation de grands modèles d'IA peut consommer d'énormes quantités d'électricité, un modèle unique nécessitant autant d'énergie que 100 foyers en une année. Pour y remédier, l'optimisation énergétique des modèles d'IA et l'utilisation des ressources renouvelables sont des stratégies clés, de même que le recours à l’IA elle-même pour gérer intelligemment les ressources et diminuer l’impact environnemental.

La technologie des jumeaux numériques apparaît elle aussi comme un outil essentiel. 57 % des organisations estiment qu'elle peut renforcer les efforts en matière de développement durable, notamment dans les secteurs à fortes émissions comme l'énergie, les matériaux et la mobilité. Par exemple, on estime qu’un jumeau numérique peut réduire l'empreinte carbone d'un bâtiment de bureau jusqu'à 50 %.

Ces technologies offrent des avantages bien supérieurs aux coûts nécessaires pour les déployer. En 2025, l'adaptabilité et l'optimisation énergétique vont continuer d’être des préoccupations majeures pour les entreprises. Mais les dernières avancées technologiques vont leur permettre de renforcer leur responsabilité environnementale.

Dans ce nouveau monde qui se dessine et dans lequel l’IA prend un part de plus en plus important, le fait de rester informé et de s’adapter rapidement permet de transformer les défis en opportunités. Spock, célèbre personnage de la série Star Trek, disait que « le changement est le processus essentiel de toute existence » ; Ce sera assurément
le cas en 2025 !

Par Maxime Vermeir, Senior Director - AI Strategy chez ABBYY