Les patrons des quatre grandes entreprises rassemblées dans l’acronyme GAFA vont être auditionnés par la chambre des représentants, dans le cadre d’une enquête sur les pratiques anticoncurrentielles. Des auditions pour adapter les lois antitrust à l’ère du numérique.
C’est un événement historique : l’audition simultanée des quatre entreprises les plus influentes dans le monde, qui devait avoir lieu hier, mercredi 29 juillet, devant les élus de la Chambre des représentants.L’audition était initialement prévue pour lundi, mais a été reportée en raison d’un conflit d’agenda avec le service commémoratif de feu le député John Lewis.
Les PDG des GAFA doivent témoigner devant le House Judiciary Committee, la commission de la justice de la Chambre des représentants. L’audition se déroule dans le cadre d’une enquête menée depuis plus d’un an par les parlementaires de la sous-commission antitrust. Celle-ci est chargée d’examiner les affaires de position dominante et de proposer des lois rectificatives des abus potentiels aux deux chambres du Congrès.
De simples auditions pour renforcer la loi antitrust
Les CEO, Tim Cook d’Apple, Jeff Bezos d’Amazon, Sundar Pichai de Google, et Mark Zuckerberg de Facebook, ont tous accepté de témoigner en visioconférence. Les membres du Congrès prévoient de publier un rapport sur les résultats de l’enquête après l’audition, qui débouchera sur des propositions législatives visant à actualiser les lois antitrust pour les adapter à l’ère du numérique. Il ne s’agit donc pas d’une audition dans le cadre d’affaires spécifiques pouvant déboucher sur des mises en accusation et transférées à la justice pour un procès en bonne et due forme.
En revanche, les enquêtes menées par les autorités antitrust américaines, le ministère de la Justice et la FTC, Federal Trade Commission, pourraient déboucher sur des sanctions. Le ministère de la Justice américain serait en train de préparer un dossier contre Google tandis que la FTC continue d’enquêter sur Facebook et Amazon. Hors des États-Unis, les GAFA font également l’objet de deux enquêtes de la part des autorités européennes.
Casse des monopoles et préservation des libertés…
Au-delà des accusations de pratiques anticoncurrentielles, des voix s’élèvent aux États-Unis pour demander le démantèlement de ces entreprises et leur scission en plusieurs entités. Ils appuient leur argumentation sur l’influence néfaste de ces monopoles sur la démocratie. Dans une tribune publiée par le site Politico et intitulé Pourquoi Amazon, Facebook, Google et Apple sont mauvais pour l’Amérique, Matt Stoller, le directeur de l’American Economic Liberties Project exposait la menace des GAFA ainsi : « Jusqu’à présent, les méfaits de ces géants étaient cachés au public parce qu’ils offrent des services gratuits ou peu coûteux aux consommateurs. Mais les prix bas masquent une menace profonde pour notre société, à commencer par une architecture de surveillance invasive qui a concentré les recettes publicitaires et menace la liberté d’expression elle-même. Deux tiers des comtés américains n’ont pas de quotidien, en grande partie parce que Google et Facebook ont détourné les revenus de la presse libre vers eux ».
… contre patriotisme économique et soft power
Cependant, si une partie de la société américaine dénonce les méfaits de tels monopoles pour la démocratie et la liberté d’expression, le pragmatisme économique et l’hégémonisme culturel incitent une autre partie à argumenter qu’ils sont les fers de lance du soft power américain, et des remparts face à l’hégémonisme chinois. Car, pensent-ils, si les États-Unis affaiblissent leurs champions, cela ouvrira un boulevard dans lequel n’hésitera pas à s’engouffrer la Chine, citant l’exemple de TikTok, le réseau social lancé en 2016. C’est, selon les déclarations rapportées jusqu’à présent, la ligne de défense sur laquelle comptent s’appuyer les CEO devant la commission lors des auditions.