La crise du Covid-19 devrait accélérer la relocalisation des moyens de production au plus proches des marchés locaux et régionaux. Pendant ce temps, les services informatiques devraient continuer à se mondialiser stimulés par la demande dans les pays émergents.
La crise du Covid-19 aura été un destructeur de repères d’une efficacité jamais vue dans l’histoire de l’humanité. Dans un monde où ne pas embrasser ses proches est devenu un signe d’affection, nos repères et nos croyances les plus profondes sont en train de voler en éclat. Il en va ainsi des crises qui, en pulvérisant nos références habituelles, révèlent nos faiblesses et nos fragilités. Mais en même temps, elles sont un bon moyen de revoir ce qui ne fonctionne pas et de le corriger. « L’adversité révèle nos vertus », écrivait Francis Bacon au 17e siècle. Et l’urgence donne plus de tranchant à nos décisions pour corriger les errements du passé.
Ainsi donc, il est à présent question de relocalisation industrielle et d’investissements dans ce qui fait honneur aux civilisation les plus avancées, car il bénéficie au plus grand nombre, la santé et l’enseignement. Dans un article publié dans la newsletter The Conversation, El Mouhoub Mouhoud, professeur d’économie à l’Université Paris Dauphine, estime que la relocalisation n’est pas une nouveauté, et qu’elle a déjà commencé, avec le retour dans leurs pays d’origine d’unités de production, d’assemblage, ou de montage, antérieurement délocalisées dans les pays à faibles coûts salariaux. Cette relocalisation s’accompagne également de celle des composants intermédiaires et des pièces détachées.
La démondialisation industrielle avait déjà commencé avant la crise
Si la fabrication se rapproche de ses marchés régionaux et locaux, ce n’est pas pour des raisons politiques, mais purement pragmatiques estime l’universitaire. Il explique que « la fragmentation des chaînes de valeur mondiales s’essoufflait déjà dès la fin des années 2000, en raison du retournement des mêmes facteurs qui l’avaient stimulée dans les années 1990-2000 ». La croissance des pays émergents et le stimulus apporté par les investissements massifs venus des pays riches ont fait partir à la hausse les coûts d’approvisionnement et les salaires dès le milieu des années 2000, accélérant les relocalisations aux États-Unis, au Japon et en Europe.
Sont venus s’y ajouter d’autres facteurs exogènes aux économies asiatiques qui n’ont fait qu’accélérer la tendance. La robotisation des chaînes d’assemblage, la hausse des coûts des transactions et du transport, ajoutés aux délais de livraison et à la qualité et la sécurité des produits délocalisés, ont incité les industriels à revoir leurs stratégies. Ceci sans parler du retour des barrières commerciales et des guerres économiques qui font rage.
La demande dans les pays émergents bénéficie aux services informatiques
Alors que la relocalisation industrielle semble inéluctable pour toutes les raisons citées plus haut, la mondialisation des services informatiques devrait poursuivre son chemin sans entraves. Il est vrai que ce secteur ne souffre pas des mêmes handicaps que les secteurs à matière solide.
Fortement dépendant de la R&D, le secteur des services informatiques accompagne la transformation numérique dans le monde entier. Dans cette course à la digitalisation, la demande dans les pays émergents pour des services en ligne, allant du e-commerce aux services bancaires, augmente rapidement, entrainant celle des infrastructures sous-jacentes comme le cloud et les réseaux.
La pandémie actuelle servira d’accélérateur à cette tendance déjà observée avant la crise. Contrairement à l’industrie manufacturière, le secteur des services informatiques ne peut souffrir de l’étirement des chaînes de valeur. Les entreprises peuvent créer des partenariats technologiques avec les acteurs locaux ou internationaux sans avoir à transférer leur production, essentiellement numérique, dans les marchés émergents.
Alors que tous les secteurs semblaient marquer le pas bien avant la crise actuelle du Covid-19, qui ne fait qu’accélérer des tendances déjà observées auparavant, le secteur des technologies de l’information continuait à progresser dans le monde entier. La seule inconnue pour l’avenir du secteur reste la réaction des consommateurs au sortir de la crise. Une crise de la demande affectera alors tous les secteurs y compris celui des services digitaux, dont la croissance repose sur de lourds investissements.