Le rapport annuel de performance 2015 du Ministère de l’Éducation Nationale confirme les dérives de deux grands projets informatiques : SIRHEN et OCEAN.
Élèves et étudiants ne sont pas les seuls mauvais élèves de l’Éducation Nationale… Le rapport annuel de performance 2015 du Ministère de l’Éducation Nationale, dévoilé à mi-2016, révèle deux pépites — enfin, si une telle expression peut être adaptée à ce cas précis —, SIRHEN (Système d’Information de gestion des Ressources Humaines de l’Éducation Nationale) et OCEAN (Organisation des Concours et Examens Académiques et Nationaux) dont les délais et les budgets explosent.
SIRHEN
SIRHEN est le programme de rénovation des systèmes d’information du Ministère de l’Éducation Nationale pour une meilleure gestion des moyens et des personnels, nous indique le site du projet http://www.sirhen.education.fr/. Autant dire le grand projet de SIRH de l’Éducation Nationale. Ces fonctionnalités sont/étaient couvertes par des applicatifs présents au Ministère et dans les rectorats et directions départementales (ex-inspections académiques). Le programme a été lancé en 2006.
OCEAN
OCEAN est le programme de modernisation des services et de l’informatisation des concours relevant de l’Éducation Nationale, qui se présente sous la forme d’un portail internet qui donne accès de manière sécurisée à l’ensemble des applications liées à l’organisation des concours et examens (Baccalauréat, BTS, CAPES, etc.). Le programme a été initialisé en 2009.
Des programmes qui s’éternisent et explosent leurs budgets
Ces deux programmes ont bien débuté et sont en production sur leur périmètre, nous apprend-on. Concernant SIRHEN, 18 000 personnels de direction sont intégrés à la plateforme. Certes, mais à quel prix ! Initialement prévu pour 80 millions d’euros, le budget de SIRHEN a été dépassé de 241 millions d’euros, soit à ce jour 321 millions d’euros (sans compter le coût de HR Access qui assure l’intérim), ou une explosion de 301 %, ou encore un coût multiplié par 4 ! Certes, nous sommes loin de certains records, mais une place de choix peut lui être réservée dans le livre des records de l’Éducation Nationale.
Concernant OCEAN, la situation est considérée comme moins dramatique (!), avec un budget dépensé à 19 millions d’euros, le dépassement par rapport au budget initial de 12,5 millions d’euros n’est ‘que’ de 52 %...
Où est l’exemplarité ?
SIRHEN va-t-il rejoindre les échecs de l’ONP et de Louvois ? Au Ministère, les responsables du projet marquent leur volonté de sauver le soldat SIRHEN et de poursuivre le projet, imputant la responsabilité des dérives à la dispersion des SIRH en place, fonctionnellement performants, mais techniquement obsolètes, que le système devait remplacer. Ainsi que la complexité du modèle des composants de la rémunération des personnels, avec des relations avec les différentes Caisses à mettre en place, etc. Ajoutons à cela que si ‘la grande muette’ peut accepter les dérapages de la paie (on ne laisse pas le choix aux militaires !), c’est une autre paire de manches que de prendre le risque avec 855 000 enseignants prompts à manifester et à crier leur mécontentement.
SI les dépassements sont monnaie courante dans les grands projets, les dérives atteintes dans SIRHEN et OCEAN sont-elles acceptables ? Surtout si on évoque une fin de parcours dans sept ou huit ans. Quel en sera alors le prix ? Henri Verdier, le patron de la Dinsic (la DSI de l’État), se fait le chantre de l’agilité et des développements en mode startup. Peut-il accepter qu’un projet comme SIRHEN se prolonge et continue de ponctionner les budgets de l’Éducation Nationale ? Et que dire si l’on observe le troisième grand projet informatique du Ministère, le programme de gestion financière et budgétaire ? Il a certes dérivé en termes de délais, mais son coût a été maintenu à 8,9 millions d’euros. La preuve que ‘c’est possible’ serions-nous tentés d’affirmer !
Mais surtout, quelle distorsion entre l’informatique du Ministère de l’Éducation Nationale et celle des académies, des départements, des établissements, des universités, à qui l’on demande de mener à bien des projets imposés tout en les priant de continuer de serrer la ceinture et de réduire leurs budgets. Dispendieuse sur ses propres projets, mais si hors de la réalité sur le quotidien du terrain, l’Éducation Nationale se devrait d’être exemplaire. Avec des projets comme SIRHEN et OCEAN, elle en est bien loin...et mériterait deux bonnets d'âne.
Image d’entête 58299702 @ iStock Marvid