Il semble que le seul sujet qui rivalise avec l’IA dans le monde de l’entreprise soit les enquêtes sur la façon dont les entreprises utilisent l’IA. ChatGPT, Claude ou votre moteur de recherche préféré peuvent en faire un résumé suffisamment pertinent. Mais mon équipe et moi voulions aller au-delà ; il s’agissait d’écouter davantage et d’essayer de comprendre les défis, afin de pouvoir proposer des orientations sur les voies à suivre.

C’est pourquoi nous avons organisé plus de 200 ateliers avec des entreprises à travers l’Europe et le Moyen-Orient. Ces sessions nous ont permis d’acquérir une vision unique des dynamiques internes des organisations confrontées à l’IA, ainsi que des différentes approches d’intégration de cette technologie. Les résultats, sans surprise, ont révélé un contraste marqué entre celles qui n’avaient pas encore commencé et celles qui étaient déjà en chemin. Il convient cependant de noter que même parmi les plus avancées, le plein potentiel n’était pas encore atteint et l’impact de l’IA restait inégal, y compris dans les entreprises l'ayant adoptée depuis longtemps.

Nos discussions nous ont appris qu'il y avait essentiellement deux caractéristiques permettant de déterminer le niveau de progression d’une organisation : son degré d’ambition avec l’état d’esprit associé d’une part, et la pertinence de sa méthodologie d’exécution d’autre part. En évaluant ces deux axes, nous avons conclu que la plupart des organisations pouvaient être regroupées en quatre grandes catégories ou archétypes.

Les quatre archétypes en matière d'IA

Tout d’abord, il y a les Retardataires. Coupables d’une faible ambition et d’une exécution limitée, leur procrastination s’explique soit par un état d’esprit « perfectionniste », soit par une absence de compréhension des bénéfices potentiels. D’importants gains de productivité sont à portée de main, même si elles ignorent les capacités d’IA déjà intégrées à leurs systèmes.

Les Statiques font preuve d’un réel enthousiasme pour l’IA, mais n’ont pas de plan pour la mettre en œuvre. Elles ont tendance à exagérer l’élaboration des documents stratégiques, à multiplier les preuves de concept sans fin, et à ne pas relier l’IA à des résultats commerciaux réels.

En revanche, les Actives sont efficaces pour exécuter des projets liés à l’IA, même si ces initiatives restent souvent isolées. Elles s’appuient fortement sur des outils prêts à l’emploi, mais manquent de la vision nécessaire pour accélérer véritablement leurs efforts ou construire une stratégie cohérente.

En tête de file, on retrouve les Championnes, qui se distinguent par leur ambition et leur excellence opérationnelle. Ces organisations disposent de stratégies d’IA matures et génèrent déjà de la valeur mesurable. Toutefois, réaliser de nouveaux progrès exigera un effort soutenu ; une base solide ne les protège pas d’une éventuelle complaisance à l’avenir.

La voie vers l’adoption

Comprendre quel archétype décrit le mieux la situation actuelle de votre organisation peut constituer une étape importante vers le progrès. Mais l’évolution ne s’arrête pas à la prise de conscience : il faut aussi définir une voie à suivre.

Les Retardataires et les Statiques ont peut-être le plus de chemin à parcourir pour tirer de la valeur de l’IA, mais de petits ajustements peuvent rapidement porter leurs fruits. Il s’agit avant tout de commencer modestement et de mesurer les résultats. Rappelez-vous : toutes les initiatives n’ont pas besoin d’être déployées à grande échelle, seulement celles qui démontrent un réel impact.

Commencez par des déploiements ciblés et progressifs, en intégrant un suivi des performances dès le départ. Concentrez-vous sur des fonctions métier comme la finance ou les RH, où les outils d’IA sont déjà disponibles et peuvent produire un impact rapide et mesurable. Apprenez au fil de l’eau, puis itérez et élargissez progressivement les cas d’usage de l’IA à d’autres domaines de l’entreprise.

Wood Group, une multinationale britannique d'ingénierie et de conseil, l’illustre parfaitement. L’entreprise devait faire face à un délai de 45 jours en moyenne pour pourvoir un poste entre la publication d’une offre et l’arrivée du candidat. En activant les fonctions d’agents d’IA déjà intégrées à son système RH, elle peut désormais embaucher dans un délai d’environ 21 jours, soit une réduction de 53 % du délai de recrutement, sans coût supplémentaire et avec un effort minimal.

Pour les Actives et les Championnes, une grande partie de ces micro-cas d’usage de l’IA est déjà en place. Pour atteindre un nouveau niveau de productivité, il sera souvent nécessaire de basculer vers des projets d’IA plus ambitieux, à fort potentiel de transformation. Cependant, il leur faut absolument éviter ce que nous appelons le « purgatoire du pilote ». 

Il est donc essentiel dès le début de disposer d’une feuille de route structurée afin de faire passer les projets pilotes d’IA efficaces à l’échelle opérationnelle. Un plan d’exécution pragmatique est essentiel : il doit encourager la culture de l’expérimentation tout en alimentant un réservoir de valeur à l’échelle de l’entreprise. Réussir l’adoption dépendra d’une planification détaillée, incluant des calendriers précis, la formation et la gestion du changement. D’après les données recueillies lors de nos ateliers, nous estimons que l’intégration de l’IA dans les tâches quotidiennes permettrait à une organisation type de 10 000 collaborateurs à temps plein de réduire ses coûts totaux de 4 %.

Bien entendu, ces modèles sont des cadres, et non des prescriptions ; leur objectif est d’aider les entreprises à trouver de la valeur grâce à l’IA. Ce qui réunit les utilisateurs de l’IA les plus performants, c’est leur conscience aiguë de la valeur métier à atteindre, et leur capacité à collaborer dans cette volonté partagée.

Par Neil Sholay, vice-président IA chez Oracle

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