Les directions financières françaises manifestent un intérêt croissant pour l’intelligence artificielle, mais peinent encore à franchir le cap de l’industrialisation. L’étude présentée par Wolters Kluwer lors de l’événement inTouch25 révèle une bascule culturelle en cours, portée par les gains de temps et de précision attendus, mais freinée par des défis structurels bien identifiés.
L’intégration de l’intelligence artificielle dans les services financiers n’est plus une hypothèse lointaine. En France, elle devient une préoccupation concrète des dirigeants financiers, comme en témoigne l’enquête menée par Wolters Kluwer lors de sa conférence CCH Tagetik inTouch25. Cet événement annuel est organisé par Wolters Kluwer à destination des directions financières et des experts du pilotage de la performance. La session française de 2025 s’est tenue à Paris le 23 septembre et a réuni plus de 150 professionnels de la finance issus d’organisations de toutes tailles.
Sur les 147 répondants interrogés à Paris, près de la moitié (44 %) déclarent amorcer l’exploration des cas d’usage, tandis que seuls 2 % affirment disposer de déploiements matures produisant une valeur mesurable. Un écart révélateur d’une dynamique d’adoption en phase d’éveil, qui oscille encore entre curiosité technologique et réticences opérationnelles.Cette prise de conscience reflète une évolution plus large dans la perception de l’IA, passant d’un sujet prospectif, elle devient un levier attendu de transformation, notamment dans un contexte de pressions accrues sur la performance, la conformité et la planification stratégique. Les directions financières ne se posent plus la question de savoir s’il faut adopter l’IA, mais comment l’adopter efficacement, sans déstabiliser les processus existants ni compromettre la fiabilité des résultats.
Prévision, planification, clôture : les priorités s’alignent sur la valeur métier
Parmi les usages identifiés comme prioritaires, la planification et la prévision financière arrivent en tête, avec 77 % des répondants les désignant comme les premiers bénéficiaires potentiels de l’IA. Cette orientation n’est pas anodine : dans un environnement économique instable, la capacité à modéliser différents scénarios et à ajuster rapidement les trajectoires devient un avantage décisif. Vient ensuite la clôture financière (56 %), où les tâches récurrentes et normées constituent un terrain fertile pour l’automatisation intelligente.
Ces priorités tracent une trajectoire dans laquelle l’IA est d’abord envisagée comme un outil d’optimisation, destiné à fiabiliser les chiffres, à accélérer les cycles et à libérer du temps pour l’analyse. Dans ce schéma, l'IA ne se substitue pas à l’expertise humaine, mais vise à lui redonner sa place dans la décision stratégique. Ce positionnement progressif, centré sur la valeur métier, témoigne d’un certain pragmatisme dans les approches actuelles.
Des freins persistants : gouvernance, données, compétences
En plus du volontarisme avéré, l’enquête met aussi en lumière des obstacles bien ancrés. En premier lieu, les préoccupations réglementaires et éthiques (48 %) freinent les initiatives, signe d’une vigilance accrue face aux risques de non-conformité. Les directions financières, historiquement garantes de la rigueur et de la traçabilité, n’entendent pas brader leurs exigences au nom de l’innovation.
Autre frein majeur, la qualité et l’intégration des données (47 %). L’IA exige une base d’informations homogène, contextualisée et actualisée. Or, beaucoup d’organisations doivent encore composer avec des systèmes hétérogènes, des référentiels partiels ou des processus manuels. À cela s’ajoute le manque d’expertise interne (43 %), qui limite la capacité à piloter des projets IA de bout en bout, à évaluer les solutions ou à accompagner le changement.
Des leviers concrets pour accélérer l’industrialisation
Face à ces freins, les répondants identifient plusieurs leviers de confiance. L’intégration fluide avec les outils de gestion de la performance (CPM) existants est jugée déterminante (65 %), tout comme l’existence de cas d’usage éprouvés (53 %). Ces éléments conditionnent la crédibilité des solutions IA et leur acceptabilité par les équipes métiers.
Dans ce contexte, les plateformes financières dotées nativement de capacités IA apparaissent comme des catalyseurs potentiels. Leur promesse d'encapsuler l’IA dans des workflows familiers, sans bouleverser les pratiques, tout en ouvrant la voie à des automatisations ciblées, détection d’anomalies, rapprochements comptables, prévisions dynamiques, est appréciée. La clé réside dans l’alignement entre la maturité technologique, la gouvernance de la donnée et la capacité d’appropriation progressive.
Compétences, culture et pilotage : une transformation managériale avant tout
Au-delà des outils, Wolters Kluwer insiste sur l’importance d’une stratégie d’anticipation. Former les équipes financières, structurer des centres d’excellence, renforcer l’infrastructure cloud et documenter les risques éthiques figurent parmi les recommandations prioritaires. Le but n’est pas seulement de déployer des capacités d’IA, mais d’en faire un des moteurs durables de la performance organisationnelle.
L’adhésion des utilisateurs passe également par une communication transparente sur les bénéfices mesurables, la transparence des modèles, et la mise en avant des premiers succès. C’est par la preuve et par l’exemple que l’IA deviendra une alliée de confiance dans les directions financières. Cette transformation ne peut être uniquement technique, elle engage un changement culturel dans la manière de planifier, d’analyser et de décider.