Dans la logistique, pour les chargeurs comme pour les transporteurs, les ressources sont souvent limitées : les retards dans les dépôts, les influences extérieures sur la planification des itinéraires et le manque de transparence obligent régulièrement toutes les parties-prenantes à réorganiser leurs opérations à la dernière minute. De plus, la pression sur les chaînes d'approvisionnement reste élevée : les conflits géopolitiques, les catastrophes environnementales, les grèves, le manque de personnel, les embouteillages sur les routes et les quais de chargement impacte l’organisation générale de l’ensemble
de la chaîne logistique.

Agir en état d'urgence est devenu courant et, en cas de perturbations, la recherche et l'analyse d'informations sur différents modes de transport (voire sur plusieurs fuseaux horaires) est synonyme de dépenses supplémentaires et de pertes de temps.

Des réseaux et systèmes encore trop fragmentés

Ces évolutions sectorielles rendent la digitalisation et la visibilité en temps réel essentielles, et ce pour tous les modes de transport. Cependant, les solutions et systèmes sont encore trop fragmentés, limitant largement la flexibilité des entreprises et la transparence sur les mouvements du marché.

Plus le nombre de systèmes devant fonctionner ensemble dans un réseau est élevé, plus il est difficile d'échanger des informations entre participants. Les grands réseaux hétérogènes nécessitent donc des normes qui peuvent être reconnues, interprétées et traitées par différents systèmes - un vrai défi, car une jungle de données s'est installée dans le transport de marchandises, chaque outil générant une grande quantité de données individuelles. Lorsque les chargeurs ou les transporteurs collaborent avec de nombreuses entreprises de fret, des systèmes d'analyse de différentes sources de données
doivent être intégrés.

Il faut donc trouver les solutions permettant de réunir chargeurs, transporteurs, transitaires et entreprises commerciales tout en passant de la connectivité à l'interopérabilité, c’est-à-dire à la capacité de lire les différentes données entrantes, les convertir en une norme et en générant un pool de données avec un format commun. Favoriser les réseaux et plateformes holistiques neutres et basés sur le cloud peut être un moyen d’améliorer la situation.

L’IA au service de l’interopérabilité

L'intelligence artificielle (IA) et le machine learning (ML) doivent permettre d'utiliser les ressources et de connecter les données de la manière la plus efficace possible. Elles peuvent aider les entreprises à mettre en évidence les inefficacités existantes et de combler certaines lacunes opérationnelles, notamment en matière de développement durable - qu’il s’agisse de réduire les kilomètres à vide, de former les collaborateurs à des pratiques de conduite plus durables, ou de combiner judicieusement les moyens de transport afin de minimiser les émissions. Cette démarche est plus efficace lorsqu'elle est commune et standardisée : pour les transporteurs, il est par exemple beaucoup plus facile de réduire les trajets à vide en trouvant dans le réseau des chargements
pour les trajets de retour.

L'IA et le ML entrent également en jeu lors de l'approvisionnement et de l'établissement des offres de transport. Si, jusqu'à présent, beaucoup de temps était consacré à la recherche manuelle et à la confirmation d'offres, il est aujourd'hui possible d'automatiser cette procédure dans le domaine du spot. Certains outils alimentés par l’IA permettent ainsi aux prestataires de transport et de logistique de prioriser les demandes de transport entrantes et de fournir aux clients des prix précis pour les transports spot par camion, basés sur les prix prévisionnels du marché. Les offres sont établies sur la base des stratégies d'offre individuelles des utilisateurs : des critères tels que les exigences de marge, le type ou l'équipement du moyen de transport, la distance, la destination ainsi que les fenêtres d'enlèvement et de livraison peuvent être définis. Plus les données sont transmises et partagées, plus les algorithmes deviennent précis au fil du temps.

De l'achat de fret et du traitement du transport à la gestion des quais et des dépôts, en passant par les processus de paiement et d'audit, des solutions et des outils informatiques sophistiqués sont d'ores et déjà disponibles pour relever les défis spécifiques de la logistique. L’enjeu est de parvenir à une prise de conscience globale de la nécessité de favoriser l’interopérabilité au-delà de la simple connectivité.

Par Philipp Pfister, Sector Vice President chez Transporeon (une société Trimble)