Le rapport 2025 de Pure Storage, nourri par une enquête multinationale, met en lumière les défis opérationnels, juridiques et politiques de la souveraineté des données. Mais à rebours des discours d’équilibre entre cloud public et infrastructures souveraines, ce sont les paradoxes du numérique mondialisé qui s’imposent : flou des définitions, dépendances industrielles et contradictions stratégiques. Décryptage.

Publié à l’automne 2025, le rapport « Data Sovereignty : A New Era » a été élaboré par Pure Storage avec l’appui de l’Université de technologie de Sydney. Il s’appuie sur une enquête qualitative conduite entre juillet et août 2025, auprès de vingt-deux décideurs issus de neuf pays, principalement en Europe et en Asie-Pacifique. Ces entretiens semi-directifs, menés auprès de DSI, d’experts en IA, de responsables de la gouvernance des données et de dirigeants de grandes entreprises, visent à capter le « climat de perception » autour de la souveraineté numérique.

Dès l’introduction, les auteurs rappellent que la souveraineté ne peut plus être considérée comme un enjeu secondaire : « La souveraineté des données est au centre des préoccupations des gouvernements, des régulateurs et des entreprises. » L’objectif affiché est d’« attirer l’attention sur les risques liés à l’inaction et souligner l’urgence d’agir ». Ce positionnement oriente la grille d’analyse du rapport, qui fait de la souveraineté un impératif de résilience, de conformité et de compétitivité.

Les résultats sont éloquents : la souveraineté est devenue une préoccupation mondiale. pour 92 % des participants, qui estiment que le manque de prise en compte de la souveraineté des données peut « nuire à la réputation » de l’entreprise, et 85 % redoutent une « perte de confiance client ». Un expert australien en IA ajoute : « De plus en plus, il devient difficile de confier des données sensibles à l’un des grands fournisseurs mondiaux. »

La souveraineté est une préoccupation mondiale ...

Contrairement à une idée largement véhiculée par certains fournisseurs américains, la souveraineté numérique n’est pas une obsession bureaucratique propre à l’Europe. Loin d’être une exception européenne, cette inquiétude s’étend aujourd’hui à l’ensemble des régions connectées. L’enquête menée par Pure Storage, qui exclut volontairement les États-Unis, montre au contraire que les enjeux de localisation, de contrôle des données, et d’indépendance stratégique sont devenus des préoccupations transversales, partagées par les entreprises en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, mais aussi en Inde, au Japon, à Singapour, en Australie ou en Corée du Sud.

Ce constat est largement partagé dans l’enquête. Un expert australien en gouvernance IA souligne ainsi que « la souveraineté des données est en train de redéfinir les frontières mêmes de ce que signifie protéger l’information ». Un responsable néo-zélandais enfonce le clou : « Si vous perdez l’accès à votre logiciel ou au format de vos données, votre souveraineté est illusoire. » Même son de cloche du côté des dirigeants britanniques, qui alertent sur l’incapacité croissante à confier des informations sensibles « dans un monde géopolitiquement incertain ».

... et un enjeu systémique

Cette convergence démontre que la souveraineté des données est devenue un enjeu systémique, qui dépasse les clivages culturels ou réglementaires. Si l’Europe formalise davantage ses exigences via des textes comme le RGPD, DORA, le Data Act ou l’AI Act, elle n’est plus seule à structurer sa gouvernance numérique. Le rapport souligne par exemple que Singapour, l’Inde et le Japon ont renforcé leurs législations pour s’aligner partiellement sur les standards européens.

En mettant en lumière ces préoccupations communes, l’étude invalide l’idée que l’Europe ferait figure d’exception ou d’entrave. Elle montre au contraire que la souveraineté numérique est devenue une priorité partagée, qui redéfinit les équilibres entre innovation, gouvernance, dépendances industrielles et ordres juridiques. La question n’est plus de savoir si la souveraineté est nécessaire, mais comment en garantir les conditions effectives, dans un monde où l’interdépendance est devenue la norme.

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