Si la crise sanitaire liée au Covid-19 semble désormais loin, les soubresauts géopolitiques et économiques mondiaux de ce début d'année 2025 le rappellent avec une nouvelle acuité : dans le domaine de la santé, la concurrence en termes d'innovation fait plus que jamais rage – entre États, mais aussi et surtout entre les entreprises, petites ou grandes, du secteur. Et, comme au cœur de la pandémie, la France tient une place singulière dans cette véritable course à la recherche globalisée, au terme de laquelle seuls les plus innovants tireront leur épingle du jeu.
Un écosystème de santé en ébullition
Les champions français de la santé composent, à ce titre, avec leur lot d'avantages et de handicaps. Au chapitre des freins, l'écosystème de recherche tricolore n'a d'autre choix que de naviguer dans l'inhérente complexité – administrative, réglementaire, financière, fiscale et même politique – française. Véritable serpent de mer, un effort de simplification est cependant à l'œuvre depuis plusieurs années : grâce notamment à l'Agence d'innovation en santé, « nous essayons d'accélérer et de remettre la France au niveau par rapport à d'autres pays », assurait en 2024 Bruno Bonnell, secrétaire général pour l'investissement du plan « France 2030 ».Une stratégie « France 2030 » qui consacre, à ce propos, pas moins de 7 des 54 milliards d'euros mobilisés à l'innovation en santé. Suffisant pour donner un coup de fouet et de confiance au secteur et à ses acteurs ? Oui, répond dans les colonnes de La Tribune Robert Marino, patron de la start-up Qubit Pharmaceuticals, selon qui « il y a eu un énorme changement dans l'écosystème en termes de mentalité et de prise de risque ». Les choses bougent donc dans le bon sens, mais les observateurs demeurent néanmoins prudents, à l'image de Ghislaine Leleu, présidente France du laboratoire Astellas, qui dans une récente tribune à L'Opinion rappelait qu'« il est impératif de garantir une continuité des politiques (publiques françaises) favorables à l'innovation en santé ».
Pour Urgo, « innover est une question de survie »
Sans prétendre faire jeu égal avec les mastodontes américains, certains groupes hexagonaux parviennent cependant à faire briller l'innovation de santé made in France. A l'image de Urgo, qui pour se différencier investit massivement dans la recherche et le développement (R&D), et ce depuis plusieurs décennies. L'inventeur, en 1958, du pansement prêt à l'emploi, a ainsi débloqué pour la période 2020-2030 une enveloppe de 300 millions d'euros pour la R&D, dédiant une large équipe de quelque 200 chercheurs, cliniciens et ingénieurs à la seule innovation. « Innover est une question de survie pour une entreprise française », tranche dans Les Échos Tristan Le Lous, le président d'Urgo.« Sur le médical » notamment, poursuit le dirigeant de l'ETI basée en Côte-d'Or, « nous sommes dans le temps long, avec des programmes de recherche et d'études cliniques sur dix à quinze ans ». Ainsi, par exemple, du projet de recherche Genesis, visant à créer, dans quelques années, une solution de cicatrisation pour les plaies complexes – rien qu'en « France, un million de patients sont concernés », explique Jean-François Robert, directeur général délégué d'Urgo RID (Recherche, Innovation et Développement). Doté d'un budget de 100 millions d'euros, le programme Genesis est mené conjointement avec Dassault Systèmes, l’Établissement français du sang, le LBTI et le CECS.
Autre grand nom de l'innovation de santé à la française, Sanofi a annoncé, en novembre dernier, son intention d'investir pas moins de 40 millions d'euros pour moderniser deux plateformes de production à Lyon. L'une, pour produire un anticorps appelé Thymoglobuline, utilisé pour éviter les rejets de greffes d'organe ; l'autre, pour produire un anticorps destiné à lutter contre le diabète. « Nous avons besoin de nous focaliser sur l'innovation », détaille dans les pages du Monde Charles Wolf, directeur général de Sanofi France, selon qui le groupe est parvenu à s'imposer comme « le premier investisseur en R&D en France ».