Paris s’impose en 2025 comme le premier écosystème technologique européen et le quatrième à l’échelle mondiale, selon le classement « Global Tech Ecosystem Index » de Dealroom. Un signal fort, qui marque une inflexion stratégique pour la France dans la compétition mondiale de l’innovation.

Traditionnellement dominé par la Silicon Valley, New York ou Boston, le classement mondial des écosystèmes technologiques est en pleine recomposition. La dernière édition de l’indice de Dealroom, publié en mai 2025, confirme l’émergence de nouveaux centres de gravité hors des États-Unis. Paris y occupe désormais la quatrième position mondiale, derrière la Bay Area, New York et Boston, devant Austin et Londres. La capitale française s’impose ainsi comme le nouveau point d’ancrage de l’innovation européenne, portée par une dynamique consolidée sur l’ensemble des critères clés : capital-investissement, valeur des entreprises, densité de licornes, production scientifique et ancrage académique.

L’étude de Dealroom souligne l’effet d’accélération observé à Paris au cours des deux dernières années. « L’écosystème parisien s’est vraiment accéléré ces 12 à 24 derniers mois, en grande partie grâce aux talents en IA et à une nouvelle génération de fondateurs expérimentés », note Roxanne Varza, directrice de Station F. Cette trajectoire est le résultat, entre autres, d’un contexte où la France a massivement investi dans l’intelligence artificielle, à travers la stratégie nationale IA 2021-2025, le soutien à des startups comme Mistral AI, ou encore l’organisation d’événements internationaux tels que l’AI Action Summit au début de 2025.

Cette dynamique se traduit par des chiffres significatifs : selon Dealroom, Paris concentre plus de 15 000 jeunes pousses, un portefeuille de 35 licornes, et une valorisation totale de son écosystème estimée à 288 milliards de dollars. À l’échelle régionale, l’Île-de-France représente plus de 20 000 startups et 63 milliards de dollars supplémentaires de valorisation. Le rapport mentionne également que 10 licornes fondées à Paris se sont relocalisées aux États-Unis ou au Royaume-Uni, illustrant la capacité d’attraction internationale de l’écosystème local.

Des conditions d’émergence désormais réunies

Ce positionnement résulte d’une stratégie volontariste et multiniveau, où se combinent soutien public, capital-risque structurant, formation scientifique de haut niveau et développement de plateformes d’innovation. Le rapport salue notamment la qualité des universités et grandes écoles françaises dans la formation de fondateurs, ainsi que le lien renforcé entre recherche publique et initiatives entrepreneuriales.

La performance de Paris s’explique aussi par l’engagement croissant des fonds internationaux. « Le climat de financement est bon, et nous voyons de plus en plus de fonds étrangers renforcer leur présence sur le marché français », observe encore Roxanne Varza. L’étude de Dealroom met en lumière cette dimension en intégrant les flux d’investissements dans les séries A à C, les mégarondes, ainsi que la progression du capital « breakout » (15 à 100 millions de dollars), indicateur clé du passage à l’échelle.

Un leadership européen désormais consolidé

Paris devance cette année tous les autres hubs européens, notamment Londres (6e), Stockholm (15e), Munich (17e) et Amsterdam (21e). Cette bascule témoigne d’une recomposition des équilibres régionaux : là où Londres maintenait historiquement une position dominante, les effets post-Brexit, la compétition sur les talents IA et le renforcement des politiques industrielles continentales redonnent un rôle moteur à la France dans la géopolitique de l’innovation.

Au sein du classement « Global Champions », l’un des trois prismes d’analyse retenus par les auteurs du rapport pour évaluer les écosystèmes technologiques mondiaux, Paris surperforme également sur les indicateurs de densité technologique et d’innovation par habitant, à travers des liens solides avec l’ENS, Polytechnique, l’INRIA, ou encore le plateau de Saclay, mentionné en complément du périmètre métropolitain. Cette capacité à ancrer l’innovation dans un tissu scientifique dense est un facteur différenciateur face à des métropoles plus peuplées, mais moins concentrées comme Londres ou Berlin. Le prisme
« Global Champions » signifie que les villes sont classées en fonction de leurs volumes totaux, sans ajustement par rapport à leur population, leur niveau de vie
ou leur PIB par habitant.

Quelles perspectives pour les entreprises françaises ?

Cette dynamique ouvre des perspectives tangibles pour les entreprises B2B françaises : attractivité renforcée des talents, visibilité accrue sur la scène mondiale, capacité à lever plus rapidement des fonds dans un contexte d’internationalisation des tours de table. Elle positionne également Paris comme un terrain d’expérimentation privilégié pour les technologies de rupture, notamment dans les domaines de l’intelligence artificielle, de la cybersécurité, de la robotique ou de la science des données appliquée.

Pour les entreprises utilisatrices, notamment dans l’industrie, la santé ou les services financiers, cela signifie un accès plus direct à des solutions innovantes co-développées localement. À l’heure où la réindustrialisation verte, la transformation numérique des services publics et la sécurisation des infrastructures critiques sont à l’agenda politique, cette proximité géographique avec les acteurs technologiques devient un avantage stratégique.

Un enjeu de souveraineté et d’effet d’entraînement

Plus largement, le positionnement de Paris illustre la possibilité pour une puissance moyenne de s’affirmer dans la compétition mondiale de l’innovation sans nécessairement reproduire les modèles américains ou chinois. Il incarne une vision européenne de l’écosystème technologique : fondée sur l’équilibre entre excellence scientifique, diversité culturelle, régulation responsable et ambitions économiques.

Reste à transformer ce rang dans le classement en un effet d’entraînement pour l’ensemble du territoire. L’enjeu pour la France est désormais d’amplifier cette dynamique au-delà de Paris, en structurant des passerelles avec Lyon, Nantes, Lille, Toulouse ou Grenoble, tout en assurant un continuum entre recherche, transfert technologique et industrialisation. À ce titre, la montée en puissance des agences régionales, des pôles de compétitivité et des partenariats public-privé jouera un rôle déterminant.

Dans un monde marqué par le repli régionaliste et une compétition exacerbée, Paris n’est plus une exception, elle devient l’incarnation possible d’un modèle européen de l’innovation, ancré dans l’excellence scientifique, la formation d’élite, le soutien public à la recherche et un encadrement régulatoire assumé. Ce modèle à la française, à la fois technophile et structurant, attire aujourd’hui l’attention des fonds internationaux comme des entrepreneurs en quête d’un environnement stable, talentueux et compétitif. À l’heure où de nouvelles vagues technologiques s’annoncent, entre agentisation de l’IA, automatisation généralisée et recomposition industrielle, Paris semble mieux placée que jamais pour en capter les retombées, et peut-être, en influencer les trajectoires.