Salesforce annonce le rachat d’Informatica pour 8 milliards de dollars en numéraire, dans ce qui constitue sa plus importante opération de croissance externe depuis son virage stratégique vers la rentabilité. Pour l’éditeur, il s’agit de s’assurer une place dans l’écosystème de l’IA en dotant sa plateforme Customer 360 d’un socle unifié de gestion des données apte à soutenir l’essor des agents d’intelligence artificielle.

C’est un retour remarqué sur le terrain des acquisitions pour Salesforce. Deux ans après avoir été mis sous pression par plusieurs fonds activistes, Marc Benioff relance la stratégie de croissance externe avec un rachat d’envergure : celui d’un éditeur américain spécialisé dans la gestion de données dans le cloud et dopée à l’IA. La transaction, estimée à 8 milliards de dollars, est intégralement financée en numéraire, combinant trésorerie et nouvelle dette.

Un virage déterminant face à la montée des agents autonomes

Au-delà de la taille de l’opération, c’est sa portée stratégique qui interpelle. Salesforce cherche à renforcer les fondations de ses produits IA, en particulier son offre Agentforce, face à une révolution en marche : celle des agents autonomes, capables d’agir directement à la place des utilisateurs humains dans les processus métier. Or, ces agents exigent un accès fiable, rapide et gouverné à des données d’entreprise hétérogènes et massives.

« Pour que les agents IA soient réellement autonomes, ils doivent comprendre non seulement les données, mais aussi leur origine, leur transformation, leur qualité et leur gouvernance », a déclaré Steve Fisher, directeur technologique de Salesforce.

Informatica, un maillon clé dans la stratégie de Salesforce

Informatica apporte un ensemble éprouvé de briques technologiques : catalogue de données, intégration, gouvernance, gestion des métadonnées et des données de référence (MDM). Ces capacités viennent enrichir l’offre de Salesforce sur plusieurs segments critiques. Data Cloud, sa plateforme unifiée de données clients, pourra mieux garantir la clarté, la traçabilité et la fiabilité des données. MuleSoft, orienté intégration applicative, bénéficiera d’une gouvernance renforcée sur les flux. Tableau, outil décisionnel phare, accèdera à des insights mieux contextualisés. Et enfin, Agentforce, pilier de la stratégie IA, pourra déployer des agents plus sûrs, explicables et contextualisés.

Cette convergence technologique vise à bâtir un véritable « système de compréhension » des données, en complément du « système d’intelligence » opérative que représente Agentforce.

Une ruée générale sur la donnée

Avec cette acquisition, Salesforce consolide ses positions dans un paysage logiciel où la ruée générale sur la donnée, son exploitation et sa gouvernance redéfinit la chaîne de valeur de l’intelligence artificielle. Face à des acteurs qui intègrent massivement IA et gouvernance de données à leurs suites, la firme de San Francisco répond par un élargissement de sa pile technologique. Google a récemment fait évoluer Vertex AI vers une plateforme fortement orientée gouvernance et traçabilité des données et des modèles, intégrant un « data lineage explorer » et des contrôles d’accès détaillés. Pareil pour Red Hat à son Summit 2025, qui a insisté sur le rôle stratégique de la data fabric dans les architectures IA hybrides. Microsoft pousse une intégration étroite entre Microsoft Fabric (entrepôt de données cloud), Copilot (agents IA) et Purview (gouvernance) pour créer une chaîne continue de valeur.

Lors de Knowledge 2025, ServiceNow a clairement repositionné sa plateforme non plus comme un simple outil de workflows, mais comme une infrastructure intégrée de gouvernance et d’orchestration des données d’entreprise pour les agents IA. IBM a annoncé un recentrage de sa stratégie IA sur la qualité des données métier verticalisées, avec l’intégration plus profonde de watsonx.data dans des environnements spécifiques (santé, finances, secteur public). Google a récemment fait évoluer Vertex AI vers une plateforme fortement orientée gouvernance et traçabilité des données et des modèles, intégrant un « data lineage explorer » et des contrôles d’accès détaillés.

Face à l’émergence d’agents autonomes et à la nécessité croissante de fournir des décisions automatisées fiables, contextualisées et traçables, les éditeurs ne peuvent plus se contenter de proposer des modèles d’IA performants : ils doivent bâtir des socles de données unifiés, normalisés et gouvernés. C’est désormais à ce niveau — celui de l’architecture de confiance — que se joue la différenciation sur le marché.