La startup a été fondée en 2017 par trois chercheurs au CN2 (Centre de Nanosciences et de Nanotechnologies) : Pascale Senellart (directrice de recherche au Centre de Nanosciences et de Nanotechnologies du CNRS et de l’Université Paris-Saclay et médaille d’argent 2014 du CNRS), Valérian Giesz (ingénieur et docteur en optique quantique), et Niccolo Somaschi (docteur en nanotechnologies semi-conductrices).
Des ordinateurs hybrides : électroniques et photoniques
Parmi les différentes technologies à la base de la computation quantique, chacune ayant ses avantages et ses inconvénients, la startup a opté pour la technologie photonique, avec l’intention de fabriquer à terme des ordinateurs quantiques hybrides, alliant photons et qubits à spin. La technologie photonique utilise les états des photons exploitant leurs avantages uniques en matière de cohérence et de transmission. Ce faisant, la petite startup européenne a emprunté une « voie de moindre résistance » par rapport à des concurrents comme IBM, qui a opté pour la technologie des qubits supraconducteurs, bien plus exigeante et difficile à industrialiser.Quant à la technologie des qubits à spin, elle utilise le spin des électrons ou des noyaux atomiques dans des matériaux tels que les semiconducteurs. Le spin est une propriété des particules qui peut être contrôlée et mesurée pour représenter des états quantiques. L’avantage de cette technologie est qu’elle peut être intégrée avec les technologies CMOS, celle des ordinateurs actuels, ouvrant la voie à une production à grande échelle d’ordinateurs hybrides, électroniques et photoniques.
« Nous avons une approche hybride qui combine des qubits de matière et des qubits photoniques, détaille Niccolo Somaschi, cofondateur et PDG de Quandela. Cette approche permet de connecter plusieurs qubits de matière entre eux à distance, grâce aux photons. Cela nous permet de surmonter les limitations des autres technologies quantiques, notamment celles basées sur des qubits supraconducteurs, qui sont plus rigides et difficiles à connecter sur de longues distances. »
En 2023, Quandela livrait son premier ordinateur quantique
Mais avant d’en arriver là, la startup devait faire ses preuves et fournir aux investisseurs un motif solide de placement. Quandela a donc développé un émetteur à puces photoniques (image ci-dessus), destiné à l’intégration dans des projets de recherche et industriels. En 2020, elle a décidé de franchir le pas et de développer son propre ordinateur quantique photonique de 10 qubits. Baptisé Prometheus (Prométhée, le Titan qui a dérobé le feu sacré de l’Olympe pour en faire don aux humains), celui-ci utilise les particules élémentaires de la lumière pour représenter et manipuler des qubits, ces unités d’information quantique.
En 2023, Quandela livrait son premier ordinateur quantique à son premier client, OVHCloud. L’entreprise peut s’enorgueillir d’être l’une des premières entreprises mondiales, la première en Europe, à avoir commercialisé un ordinateur quantique. Elle a également la préséance d’avoir mis un ordinateur quantique dans le cloud, accessible et administrable à distance. Elle a également remporté un contrat important avec l’agence européenne EUHPC pour équiper les centres de données du CEA avec un ordinateur quantique. Ayant rassuré quant à la validité de son modèle, Quandela a levé 50 millions d’euros en 2023, en plusieurs financements.
Algorithmie quantique en open source
L’entreprise est également active sur le front algorithmique. Ayant misé sur le modèle open source, elle entend participer à la démocratisation de l’informatique quantique et favoriser l’innovation dans la communauté scientifique et industrielle. Elle a ainsi mis plusieurs ordinateurs quantiques à la disposition de la communauté, ainsi qu’une bibliothèque de programmation spécifique à l’informatique quantique photonique, Perceval. Cette plateforme permet aux utilisateurs de simuler des circuits photoniques quantiques, de développer des algorithmes quantiques, et de tester des protocoles d’intrication et d’autres phénomènesquantiques complexes.
Conçu comme une plateforme d’expérimentation et un environnement d’apprentissage, Perceval permet aux chercheurs et aux développeurs de profiter de la disponibilité des ordinateurs quantiques de Quandela dans le cloud pour tester leurs concepts. Cette initiative encourage la participation de la communauté universitaire, des instituts de recherche, et des entreprises, tout en recueillant des retours pour améliorer les technologies et les infrastructures mises en œuvre.
Une feuille de route vers l’industrialisation
Ayant réussi l’exploit de mettre sur pied un véritable environnement opérationnel en quelques années, la startup vient d’annoncer les prochaines étapes de son développement. Sa feuille de route est bien remplie et repose sur plusieurs jalons majeurs. Le premier objectif est d’atteindre les premiers qubits logiques sans erreur d’ici à 2025. Cet objectif est fondamental pour la stabilisation des calculs quantiques, une technologie où l’erreur reste une problématique clé. Selon Niccolo Somaschi, cofondateur et PDG de Quandela, « Un qubit logique, c’est un objet protégé contre toutes les formes d’erreurs. En combinant des centaines de qubits physiques pour en créer un seul, logique, nous obtenons une précision et une fiabilité inégalées pour les calculs ».D’ici 2028, la société vise les 50 qubits logiques et la mise en réseau d’ordinateurs quantiques. En 2030, Quandela prévoit d’opérer à l’échelle de centaines de qubits logiques, une étape clé vers l’informatique quantique à correction d’erreurs à grande échelle. De plus, la société ne se contente pas d’innovations théoriques : l’entreprise vise également une industrialisation rapide de ses systèmes quantiques. Comme nous pouvons le constater sur l’image ci-dessus, la fabrication de Prometheus en est encore au stade
de prototypage de laboratoire.
« Une voie claire et solide vers l’ordinateur quantique »
À partir de 2025, la startup prévoit d’assembler quatre ordinateurs quantiques par an dans son usine de Palaiseau. Cette capacité sera doublée en 2027, avec l’ouverture d’une deuxième usine pour répondre à la demande croissante. Sur le plan technologique, l’entreprise entend multiplier par 25 le nombre d’opérations quantiques par seconde (QOPS), atteignant 10 000 QOPS d’ici 2028. La société prévoit également de lancer des bibliothèques de calcul quantique en 2028 pour encourager le développement d’applications dans divers secteurs industriels, allant de la chimie à l’intelligence artificielle.Ce n’est pas tout. La société met l’accent sur l’importance de l’internationalisation en Europe, en Amérique et en Asie. L’ouverture de nouvelles filiales et la signature de partenariats internationaux permettront à Quandela de s’imposer comme un acteur mondial du quantique, déjà en collaboration avec des industries et des universités.
La feuille de route dévoilée par Quandela montre une trajectoire ambitieuse, mais réaliste vers des systèmes à tolérance de fautes et l’industrialisation. En s’appuyant sur son expertise en photonique, ses avancées technologiques et son industrialisation rapide, la société est bien placée pour jouer un rôle moteur au niveau mondial et dans le calcul quantique d’ici à 2030. Comme l’a résumé Niccolo Somaschi : « Cette roadmap place Quandela parmi les rares acteurs mondiaux à proposer une voie claire et solide vers l’ordinateur quantique universel ». Le tout avec des étapes clairement définies et une technologie mûre pour passer aux étapes suivantes.