L’objectif affiché : réduire de plusieurs décennies le délai d’exploitation effective des technologies quantiques à grande échelle, en rapprochant leur intégration des standards actuels du réseau.
L’objectif à plus long terme traduit une intention stratégique ambitieuse, et structurée, pour se positionner comme architecte de l’infrastructure quantique. En somme, un transporteur de qubits complémentaire des créateurs de qubits, les fabricants d’ordinateurs quantiques. Au cœur de cette stratégie, deux annonces structurantes : le lancement de la puce d’intrication quantique développée avec l’université de Californie à Santa Barbara, et l’ouverture du Cisco Quantum Labs, un centre de R&D dédié à l’architecture quantique distribuée. Pour Cisco, il ne s’agit pas d’ajouter une technologie émergente à son portefeuille, mais de bâtir une couche d’infrastructure capable de supporter les architectures quantiques distribuées de demain — comme le cloud l’a fait pour l’informatique classique.
Raccorder les d’architectures quantiques distribuées
Cette approche repose sur un constat partagé par l’ensemble du secteur : les processeurs quantiques, limités à quelques centaines de qubits, ne pourront assumer seuls les charges industrielles avant plusieurs années. L’évolution viendra donc non pas d’une machine unique, mais d’architectures distribuées interconnectées, où chaque processeur communique via un réseau spécialisé. C’est dans cette logique que Cisco inscrit sa puce, qui permet de générer jusqu’à 200 millions de paires de photons intriqués par seconde, avec une consommation inférieure à 1 mW et un fonctionnement à température ambiante, sur des longueurs d’onde compatibles avec les réseaux télécoms (1550 nm).Mais Cisco va plus loin que le composant matériel dans sa vision d’une architecture logique du centre de données quantique distribué. Elle représente l’équivalent, dans le monde quantique, de l’empilement classique matériel/réseau/orchestration qui a permis l’émergence du cloud. Dans sa vision du centre de données quantique, trois couches fonctionnelles structurent l’architecture : la couche physique, où résident les différents types de processeurs quantiques (supraconducteurs, ions piégés, photons…) ; la couche de gestion de l’intrication, qui orchestre la distribution des ressources quantiques à travers le réseau ; et la couche de calcul, qui permet de partitionner des algorithmes sur des processeurs distants et de piloter l’exécution via des compilateurs distribués.
Une offre constituée en plateforme d’intégration
Pour alimenter cette pile et composer, le moment venu, une offre cohérente et intégrée, Cisco développe en parallèle plusieurs briques logicielles et matérielles : commutateurs quantiques à base de guides d’ondes, cartes réseau quantiques pour relier les processeurs aux couches de communication, kit de développement QNDK, et générateur de nombres aléatoires quantiques (QRNG) basé sur le bruit du vide quantique. L’ensemble est constitué en plateforme d’intégration cohérente, agnostique vis-à-vis des technologies de calcul quantique, et alignée avec l’approche modulaire de l’architecture Internet.Outre le calcul quantique distribué, ces réseaux permettront d’apporter des bénéfices immédiats aux infrastructures classiques, notamment via des communications inviolables par distribution de clés quantiques (QKD), une synchronisation temporelle ultra-précise, ou encore la vérification sécurisée de position, avec des cas d’usage dans la défense, les infrastructures critiques ou les télécoms.
La pierre angulaire de l’architecture quantique
Cisco complète cette vision par un déploiement progressif des standards de cryptographie post-quantique définis par le NIST, et intégrés à l’ensemble de ses solutions réseau pour préparer les entreprises au chiffrement post-quantique. Il s’agit d’un double mouvement stratégique : sécuriser les systèmes actuels tout en construisant l’infrastructure réseau qui permettra, demain, d’interconnecter les systèmes quantiques natifs.Dans ce marché pas encore sorti des laboratoires de R&D, mais en rapide structuration, Cisco fait le pari de la transversalité pour relier les futurs réseaux quantiques. En proposant une couche réseau cohérente, économe, interopérable et prête pour l’évolution technologique, l’entreprise entend jouer en matière de quantique le même rôle que dans l’internet classique — celui de pierre angulaire de l’architecture. Une ambition qui pourrait faire des réseaux le véritable catalyseur de la transition quantique.